« Nous engraissons 20 000 à 25 000 chevreaux chaque année »
Dans la Drôme, Rémy et Benoît Simiand engraissent les chevreaux d’une centaine d’éleveurs. Les chevreaux partent à l’abattoir trois à cinq semaines après leur arrivée. Un rythme exigeant avec un pic d’activité en février-mars.
Dans la Drôme, Rémy et Benoît Simiand engraissent les chevreaux d’une centaine d’éleveurs. Les chevreaux partent à l’abattoir trois à cinq semaines après leur arrivée. Un rythme exigeant avec un pic d’activité en février-mars.
Rémy est né avec les chevreaux. « Je suis né en 1984, année où mes parents débutaient l’engraissement des chevreaux à la ferme », s’amuse l’éleveur de 40 ans. Avec son installation en 2004 puis celle de Benoît en 2011, les frères Simiand perpétuent une activité familiale qui s’est agrandie et professionnalisée au fil des décennies. Aujourd’hui, les deux frères gèrent une exploitation diversifiée avec un élevage de 400 chèvres, de la culture de semence sous contrat, 2 hectares d’abricotiers et de l’engraissement de chevreaux.
40 000 kilomètres sur les routes d’Auvergne-Rhône-Alpes
Chaque année, de septembre à avril, ce sont entre 20 000 et 25 000 chevreaux qui transitent par l’exploitation. Ces animaux, âgés de 8 à 10 jours, proviennent d’une centaine d’élevages répartis sur sept départements, dans un rayon d’environ 100 kilomètres à vol d’oiseau autour de la ferme de Cliousclat dans la Drôme. « On va les chercher de Lyon à Alès, résume Rémy. Directement chez les éleveurs ou sur des points de rassemblement dans les zones d’accès difficiles. Chaque année, nous parcourons jusqu’à 40 000 kilomètres avec le camion. »
Les chevreaux sont comptés et pesés sur place puis embarqués dans des cages adaptées. « Avant, on pouvait en mettre dix par caisse, se souvient Benoît. Maintenant, c’est limité à huit. La réglementation devient vraiment lourde. »
Des chevreaux fragiles au démarrage
De retour à la ferme, les 300 à 400 chevreaux sont triés en lots homogènes de petits, moyens et gros. « Même si la plupart des chevreaux ont appris à téter, il faut passer du temps avec eux la première semaine pour les habituer aux tétines et à la louve. » Ils sont installés dans l’un des bâtiments plus ou moins récents, en dur ou en tunnel souple. Chaque lot est équipé de machines d’allaitement automatisées Marchand. Nourris au lait reconstitué, les chevreaux atteignent un poids moyen de 11 kilos en trois à cinq semaines.
Trois à cinq semaines d’allaitement pour atteindre 11 kilos
« On n’a pas le choix : pour ces nouveau-nés qui se partagent le microbisme, il faut un peu d’antibiotiques à l’arrivée. Sinon, c’est 80 % de mortalité ! Mais on essaie d’en mettre le moins possible. Aujourd’hui, on les incorpore dans le lait, c’est plus simple et plus précis », détaille Rémy. Le suivi vétérinaire est également indispensable : « On a des autopsies régulières pour comprendre les problèmes et ajuster nos pratiques. »
Depuis quelques années, la fratrie observe une hausse des mortalités. « Avant, on était sous les 10 %. Maintenant, c’est difficile de descendre en dessous. Les chevreaux arrivent plus fragiles : les troupeaux de chèvres ont grossi, les éleveurs n’ont plus le temps de bien s’occuper des petits », analyse Rémy.
Les chevreaux sont payés en fin de saison
Pour avoir des chevreaux suffisamment lourd au début de l'engraissement, Rémy et Benoît ont mis en place une grille tarifaire basée sur le poids des chevreaux à l’achat. Le prix de référence pour un chevreau de 8 jours pesant 5 kilos est d’environ 1,30 euro le kilo, soit 6,50 euros pièce. En dessous de 5 kilos, le prix baisse de 10 centimes tous les 100 grammes, jusqu’à atteindre un poids minimum de 4 kilos et un prix de 1,20 euro pièce. « Si on récupère des petits chevreaux trop légers, c’est la galère, dénonce Benoît. Ils grossissent moins bien, tombent malades plus facilement, et ça touche toute la filière. »
Les chevreaux sont payés aux producteurs seulement à la fin de la saison en ajustant, à la baisse ou à la hausse, en fonction des résultats de leur campagne. Ce système a été mis en place après le Covid afin de limiter les risques financiers. « En 2020, tout s’est arrêté juste avant Pâques, se souvient Rémy. On avait les bâtiments pleins et plus personne pour acheter. Si on n’avait pas eu d’autres activités, on aurait coulé. »
Une activité sous pression économique
L’engraissement des chevreaux est une activité qui brasse beaucoup d’argent, mais où chaque coût compte. Aux 5 euros d’achat moyen du chevreau s’ajoutent environ 8 kilos de poudre de lait, soit environ 18 euros sur la vie de l’animal. Les dépenses en énergie (électricité, gaz et eau) sont estimées à 1 euro par chevreau et celles de vétérinaire à 2 euros. Les frères Simiand comptent 1,50 euro par chevreau pour la collecte et le transport. La main-d’œuvre forme aussi un poste de coût important mais incontournable.
En dehors des deux frères qui se répartissent les tâches principales, l’exploitation emploie un salarié permanent et fait appel à des saisonniers en période de forte activité, notamment entre janvier et mars. « Les semaines chargées, on travaille six jours sur sept, avec des journées qui commencent souvent à 4 heures du matin et se terminent tard le soir, raconte Rémy. Il faut être sur la route pour les tournées, s’occuper des soins, surveiller les chevreaux, nettoyer les bâtiments, tout en gérant les chèvres et les départs vers l’abattoir. » Cette intensité limite les possibilités d’agrandir encore l’activité. « Notre rentabilité repose en grande partie sur notre propre travail. Si on devait embaucher davantage, ça ne tiendrait plus », regrette Rémy.
À intégrer dans le calendrier de la ferme
Les chevreaux sont vendus en moyenne à 3,50 euros du kilo de poids vif. « Les marges sont minces. Si un seul poste augmente trop, comme le lait en poudre ou le transport, ça devient vite compliqué, confie Rémy. Et ce sont surtout les prix de Noël et Pâques qui nous font notre année. Une fois les charges déduites, on travaille quasiment à perte le reste de l’année. »
Dans ce marché tendu des chevreaux, les engraisseurs sont de moins en moins nombreux. « Aujourd’hui, nous sommes une trentaine d’engraisseurs de chevreaux en France, estime Rémy. Et encore, beaucoup vont arrêter bientôt. Peu de jeunes veulent se lancer : il faut une trésorerie solide, des bâtiments existants et surtout accepter de ne pas compter ses heures. Malgré tout, cela peut être une activité complémentaire intéressante si le travail s’intègre bien dans le calendrier de la ferme. »
Le géobiologue a détourné les courants parasites et retrouvé 200 litres de lait
Depuis leur installation dans leur nouveau bâtiment en 2014, les chèvres laitières montraient des signes de mal-être : comportements inhabituels près des abreuvoirs, mortalité anormalement élevée et surtout une diminution de la production laitière passant de 1 100 à 650 litres par an. « On a tout essayé : analyses de l’eau, contrôles vétérinaires, changements d’alimentation, mais rien ne fonctionnait », raconte Benoît Simiand. C’est finalement un géobiologue qui a identifié la source du problème : des courants électriques diffus provenant de transformateurs EDF pourtant distants de plus d’un kilomètre. En installant des tiges de cuivre plantées dans le sol à côté des transformateurs pour détourner ces courants, les symptômes ont rapidement disparu. « En quelques semaines, on a vu la différence. La production de lait a augmenté et les animaux semblaient beaucoup plus calmes », témoigne Benoît. Depuis juin 2023 et l’intervention du géobiologue, la production laitière est remontée à 850 litres par chèvre et par an.
Cette expérience a convaincu les deux frères de l’importance de la géobiologie et, dans le même esprit, ils ont équipé leur élevage de vortex à eau. Ce système fonctionne en recréant un mouvement tourbillonnaire, imitant les flux naturels de l’eau dans les rivières. Après l’installation de ces équipements (deux fois 4 000 €), les éleveurs voient moins d’algues dans les abreuvoirs, une amélioration du bien-être des chèvres et chevreaux, et une meilleure efficacité des produits phytosanitaires.