Nouveau-nés
Le lait acidifié comme alternative au lait en poudre
La ferme du Pradel a expérimenté la distribution de lait fermenté aux chevrettes et chevreaux pour remplacer le lait reconstitué.
En agriculture biologique, l’allaitement des chevrettes avec du lait en poudre peut être toléré sur certains élevages en mesure de prouver qu’il y est un risque de transmission de CAEV ou de mycoplasmes par le lait maternel qui pourrait alors pénaliser l’animal durant toute sa vie. Cependant « la révision du cahier des charges bio à venir nous laisse penser que cela va changer, et que le lait en poudre conventionnel sera interdit. On voit d’ailleurs déjà apparaître des filières lait en poudre bio », annonce Pierre Ulrich, directeur de la ferme expérimentale du Pradel, en Ardèche. Depuis deux ans, les chercheurs du Pradel s’intéressent au lait acidifié, à travers une expérimentation qui durera quatre ans. Lors des journées portes ouvertes de la ferme du Pradel, les premiers résultats concernant l’utilisation du lait acidifié chez les chevrettes ont été présentés. En effet, bien que la problématique soit initialement portée par les éleveurs biologiques qui se demandaient alors comment allaiter en toute sécurité leurs chevrettes, il s’avère potentiellement intéressant de développer ces techniques alternatives d’allaitement pour les élevages conventionnels qui donnent du lait maternel non traité aux jeunes caprins.
Meilleure digestibilité, moins de diarrhées
L’apport de lait acidifié permet une bonne croissance de l’animal et cette préparation du lait assure une meilleure digestibilité pour le chevreau. « Ça fait un an qu’on utilise le lait acidifié sur l’exploitation et c’est le meilleur lot de chevrettes depuis mon installation. On a eu zéro diarrhée ! », s’exclame Nathan Pouliquen qui élève 60 chèvres dans le nord de l’Ardèche. « Cette baisse de diarrhées chez les jeunes caprins pourrait s’expliquer par l’acidification du lait qui empêche le développement d’une flore digestive pathogène », analyse Anne-Eyme Gundlach, conseillère spécialisée caprins à la chambre d’agriculture de la Drôme. En plus de cet aspect sanitaire positif, « l’acidification permet de conserver le lait plus longtemps et il peut être distribué aux chevreaux à température ambiante : plus besoin de le refroidir ni de le réchauffer ! », renchérit-elle. La préparation du lait acidifié est simple à mettre en œuvre et accessible à tous, quoique cela convienne plus facilement aux fromagers puisqu’il est nécessaire de faire l’ensemencement dans un espace maintenu à 20 °C.
La première phase de fermentation consiste à réaliser son pied de cuve qui servira de base de fermentation pour toute la campagne ensuite. Il faut compter un à deux yaourts pour deux litres de lait et compter un temps d’acidification allant de 24 à 48 heures. La première « cuvée » est distribuée aux chevreaux et l’éleveur aura pris le soin de garder de côté entre 10 à 20 % du volume pour repiquer le lait en deuxième phase de fermentation. Le pH optimal lors de la distribution doit être inférieur à cinq, l’acidité peut être contrôlée à l’aide d’un pH mètre, d’un acidimètre ou plus simplement à l’aide de papier pH. Les résultats zootechniques du lait acidifié sont très encourageants. Le lait est bien consommé quelle que soit la température dans la chèvrerie, il est mieux assimilé car plus digestible que le lait non traité et il y a moins de pertes lors de la distribution qu’avec le lait en poudre qui a tendance à coller aux parois et aux tétines du récipient et le sevrage est plus facile. Cependant, les résultats sanitaires ne sont pas encore connus, l’objectif étant de dire si oui ou non l’acidification du lait élimine le CAEV et les mycoplasmes.
Utilisation du lait post-colostral
Néanmoins, le coût et le temps de travail occasionnés par cette technique sont à prendre en compte. Laura Jacquet du CFPPA du Pradel explique que « le temps de travail global pour le lait acidifié est sensiblement plus long comparé à l’utilisation d’un allaiteur automatique mais comparable à des techniques de préparation et de distribution manuelle ». Le lait acidifié coûte peu cher en termes d’investissements et de matériel mais nécessite l’utilisation de lait fromageable et engendre donc un manque à gagner dépendant de la valorisation du lait de chaque éleveur, mais il faut aussi compter tout le lait post colostral (sept jours après la mise bas) qui pourra être valorisé comme ça. « Pour limiter l’utilisation du lait fromageable, on peut imaginer que les chevreaux soient envoyés à huit jours à l’engraissement et que seules les chevrettes restent sur l’élevage et continuent à être nourries au lait acidifié », propose Anne-Eyme Gundlach. Des questions restent encore sans réponse, comme arriver à maintenir un approvisionnement continu en lait maternel et ceci, dès que le chevreau en a besoin. « Il n’y a pas une seule pratique idéale, mais il y a autant de déclinaisons que d’éleveurs et de troupeaux », conclue la conseillère drômoise.
Le lait acidifié ne remplace pas le colostrum
Le lait acidifié ne se substitue pas au colostrum qu’il faut toujours apporter au chevreau. Le colostrum doit être, selon les bonnes pratiques d’hygiène, thermisé (à 56 °C pendant une heure) et le chevreau doit être séparé de sa mère. Or, « seulement un quart des éleveurs suivent réellement ces recommandations pour la prévention du CAEV et des mycoplasmes dans la distribution du colostrum », déplore Benjamin Deltour, vétérinaire au GDS de la Drôme. Pour ce qui est des précautions d’emploi pour la phase lactée, ce sont plus de 83 % des éleveurs qui ne sécurisent pas leur distribution de lait maternel par thermisation.
Carte d’identité d’un lait acidifié réussi
- En routine on garde 10 à 20 % de pied de cuve pour ensemencer le lait suivant
- Le pH doit être inférieur à 5 au moment de la distribution (le lait brut à un pH de 6,6)
- Pour un bon ensemencement et donc une acidification optimale, le lait doit être maintenu entre 14 et 20 °C (besoin d’un local chauffé)
- Texture et odeur du yaourt à boire
- Par chevrette, il faut compter un litre de lait fermenté au démarrage, un litre et demi à 10 jours, deux litres à 20 jours et deux litres et demi à 50 jours.