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Vaccins MHE et FCO : GDS France nous explique pourquoi de nouvelles tensions sont annoncées

Les doses de vaccins financées par l’État contre la maladie hémorragique épizootique (MHE) et contre la fièvre catarrhale ovine de sérotype 3 (FCO 3) ne sont plus disponibles, d’après le dernier bilan du ministère de l’Agriculture en date du 24 janvier. Emmanuel Garin, vétérinaire de GDS France, explique comment le marché des commandes publiques et privées fonctionne et pourquoi des tensions d’approvisionnement peuvent se faire sentir à nouveau.

<em class="placeholder">Echanges entre un vétérinaire et un éleveur dans le cadre d&#039;une campagne de vaccination contre la FCO</em>
« Nous recommandons aux éleveurs de continuer à passer commande et demandons également aux vétérinaires de faire le relais au plus vite, en contactant directement les laboratoires pour que ces derniers puissent se positionner », partage Emmanuel Garin, de GDS France.
© Réussir SA

Les vaccins contre la MHE et la FCO 3 pris en charge par l’État sont en rupture de stock. Avez-vous une idée du nombre de commandes publiques qui n’ont pas pu être honorées ?

 
<em class="placeholder">Emmanuel Garin vétérinaire épidémiologiste de GDS France</em>
© GDS France

Emmanuel Garin - Seule l'administration dispose de cette information. Pour rappel, les pouvoirs publics avaient mis à disposition deux millions de doses d’Hepizovac (MHE), ainsi que 13,7 millions de doses de Bluevac-3 et de Bultavo-3 (FCO). Les éleveurs avaient accès aux stocks publics jusqu’au 31 janvier 2025. Il s’agissait en effet de commandes impérieuses de l’État au titre d’urgence sanitaire, associé à un temps d’utilisation restreint. À date, nous ne sommes pas en mesure de dire si de nouvelles commandes publiques seront passées. En l’absence de lisibilité budgétaire sur 2025, la relance de financements, même à titre impérieux, s’avère d’autant plus compliquée à envisager.

Les stocks de l’État pour la MHE et la FCO 3 sont apparus en rupture avant l’échéance du 31 janvier 2025. Pourquoi ?

E.G. - Dans le cas de campagnes de vaccination publiques, l’État passe commande pour un nombre conséquent de doses. C’est le schéma de fonctionnement le plus simple pour les laboratoires pharmaceutiques, qui disposent de visibilité sur ce qu’ils ont à produire. Les réseaux des groupements de défense sanitaire (GDS) et des groupements techniques vétérinaires (GTV) essayent d’estimer au plus près le nombre de doses qui pourraient être utilisées dans l'Hexagone, sans pour autant avoir l’assurance que les cheptels seront réellement vaccinés. Il s'agit d'estimation collective macroscopique. Or, la France avait essuyé un premier écueil en 2015-2016 qui fait encore jurisprudence : après la réémergence du BTV 8, le gouvernement avait assumé la commande et le financement de plus de 15 millions de doses de vaccins FCO-8, dont une partie avait fini par être donnée à des pays partenaires voire jetée. 
Deuxième écueil, les distributions de vaccins sont désormais gérées à l’échelle européenne, les sérotypes 3, 4 et 8 de la FCO ainsi que la MHE circulant dans plusieurs autres États membres. Au-delà des besoins de vaccins utilisés pour les mouvements d'animaux issus de zone réglementée, il est normal que les pays européens veuillent se protéger contre ces maladies.

Est-ce que le fait que le marché soit désormais européen complique la donne ?

E.G. - Oui, en partie d’autant que sur le marché privé, la gestion devient individuelle. Des difficultés concernent également les autorisations temporaires d’utilisation (ATU) - dans le cas des vaccins Hepizovac, Bluevac-3 et Bultavo-3. Les vétérinaires ne peuvent pas commander les vaccins depuis leur centrale d’achat comme c’est le cas habituellement pour les médicaments disposant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Là, ils doivent directement passer commande auprès des laboratoires.

« Quand une mise en fabrication est lancée, il faut prévoir entre 4 à 6 mois de délais pour la production de vaccins. »

Aussi, les vaccins sont des produits soumis à une réglementation très stricte pour s’assurer de leur sécurité, leur efficacité, leur innocuité etc. Quand une mise en fabrication est lancée, il faut prévoir entre 4 à 6 mois de délais pour la production de vaccins. C’est pour cette raison que GDS France et la SNGTV mettent en garde depuis octobre 2023 pour le sérotype 8 et depuis le printemps 2024 pour le sérotype 3, sur la nécessité pour les éleveurs d’anticiper les commandes de vaccins.
Lire aussi l'interview d'Emmanuel Garin, GDS France | FCO et MHE : « Vacciner son troupeau dès que possible » 

Comment avez-vous appréhendé les remontées de terrain jusqu’alors ?

E.G. - Il nous est très difficile d’estimer avec précision les besoins des éleveurs, c’est un travail de confiance à entretenir avec les laboratoires pharmaceutiques. À titre d’exemple, quand les comités de pilotage nationaux se sont réunis au début du mois de décembre dernier, nous étions inquiets de ne pas finir les stocks publics d’ici à fin janvier 2025. Quelques semaines après, le ministère annonçait des ruptures. Nous voyons bien que les dynamiques de consommation sont compliquées à projeter. 
Force est de constater que des éleveurs - de troupeaux bovins surtout - qui étaient plutôt réticents à la vaccination ont changé d’avis lorsque la maladie est arrivée à leur porte. De fait, les estimations qui avaient été établies initialement n’étaient plus forcément adaptées. Et nous arrivons à des situations de tensions d'approvisionnement voire de pénurie lorsque il y a des surcommandes par rapport aux capacités de production et de mises sur le marché. Les ruptures de stock annoncées amplifient d’autant plus le phénomène.

Les éleveurs qui souhaitent vacciner leurs animaux doivent désormais acheter eux-mêmes les doses via leur vétérinaire, à moins d’une nouvelle commande publique. Pensez-vous que ces frais à leur charge vont freiner la dynamique de vaccination ?

E.G. - Nous espérons que non. Les conséquences sanitaires et économiques sont telles que nous ne pouvons qu’encourager la vaccination. En termes de rapport coût bénéfice, rien qu’avec la perte d’une vache, les frais de vaccination sont vite rentabilisés. Également, il ne faut pas oublier que nos premières estimations sur ces nouvelles maladies vectorielles ne portent que sur les impacts cliniques pour des troupeaux récemment infectés, où seule une partie des animaux étaient atteints.
Des études sont en cours pour estimer les impacts subcliniques (notamment sur la reproduction) et ceux sur les pertes de production. Sans parler des conséquences sur le moyen et le long terme en lien avec une baisse d’immunité globale après un passage viral. Nos collègues aux Pays-Bas, Royal GD, - confrontés au BTV 3 avant nous - ont estimé que dans les troupeaux laitiers infectés, les vaches perdaient un litre de lait par jour, ce qui représentait un manque à gagner de 8 000 litres en quelques semaines pour un total de 100 vaches. Et il ne s’agit là que des effets sur les pertes directes.
Par ailleurs, si l'une des maladies impacte le troupeau, ce sont des frais de médicaments à payer, du temps à passer aux soins, du stress pour l’éleveur… Nous reconnaissons que la circulation de plusieurs sérotypes sur notre sol et la menace à nos frontières de nouveaux virus rendent les prises de décision pour les éleveurs complexes.
Pourquoi certains troupeaux sont fortement impactés et d’autres à proximité ne le sont pas ? Sur le plan biologique, nous ne savons pas encore l’expliquer. Il s’agit peut-être d’un effet race, densité d’animaux, environnement, densité de vecteurs, topographie, température, humidité… Nous préférons dire aux éleveurs que la solution reste la vaccination, en priorisant une protection contre la MHE et les sérotypes 3 et 8 de la FCO.

Quels sont les délais d’approvisionnement à prévoir, à date, pour les vaccins pour la MHE et les sérotypes 3, 4 et 8 de la FCO ?

E.G. - Les délais d’approvisionnement sont normalement de « quelques jours » pour l’Hepizovac et le Bultavo-3. En revanche, pour le Bluevac-3, il faudra attendre « les prochaines semaines ». 
Pour les sérotypes 4 et 8 de la FCO, les prochaines livraisons sont attendues en juillet pour le BTVPur 4 et 8, « début février 2025 puis en avril 2025 » pour le Syvazul 4-8 et « fin février et d’ici l’été » pour le Bluevac-8.
Le vaccin BTVPur 4 et 8 fabriqué par Boehringer-Ingelheim, classiquement utilisé pour les mouvements d’animaux, a connu une rupture plus précoce. En effet, en général, il est avant tout utilisé pour les bovins. Or, ces derniers mois, il a aussi servi pour les ovins car leur vaccin de référence - le Syvazul 4-8 (Syva) - connaissait des tensions d’approvisionnement voire des ruptures. C’est comme un jeu des chaises musicales. Nous poursuivons les échanges avec les laboratoires afin d'accélérer les délais d’approvisionnement. Ces derniers font de leur mieux pour alimenter le marché français mais ce n’est pas parce qu’il y a de nouvelles livraisons d’annoncées que les éleveurs doivent cesser de passer commande.

« Nous recommandons aux éleveurs de continuer à passer commande auprès de leur vétérinaire et demandons également aux vétérinaires de faire le relais au plus vite, en contactant directement les laboratoires pour que ces derniers puissent se positionner. Pour rappel, les vaccins FCO 4 et 8 sont également disponibles via les Programmes Sanitaires d'Elevage (PSE). »

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