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Chez Philippe Pireyre, dans le Puy-de-Dôme
Une reconversion lait-viande réussie

Ancien éleveur laitier, Philippe Pireyre obtient de bons résultats techniques et économiques sur une exploitation en système naisseur-engraisseur avec un cheptel de dimension modeste et de constitution récente.

Pour se rendre sur l’exploitation de Philippe Pireyre, située à Neuville dans l’est du Puy-de-Dôme, on quitte progressivement les riches terres noires de la Limagne pour gagner les contreforts du Livradois Forez. La monoculture céréalière cède vite la place à un paysage vallonné à dominante herbagère.

Modeste par ses dimensions et ses installations, cet élevage naisseur-engraisseur a récemment été mis en avant par la chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme comme un exemple réussi de reconversion du lait vers la viande. Elle démontre surtout que même avec un cheptel fraîchement constitué de dimension modeste, il est possible de dégager un revenu -sur une structure où la plupart des équipements et bâtiments sont, il est vrai, amortis- en misant sur l’engraissement de tous les animaux nés sur place et non sur la production de bétail maigre.

Lait en Gaec, puis viande en individuel

La spécialisation viande date de 2010. Jusqu’à cette date, Philippe Pireyre était en Gaec avec son frère aîné. Au moment du départ en retraite de ce dernier, le Gaec a été dissous et des Limousines ont remplacé les Holstein. « C’était une question de temps de travail et d’astreinte pour ce dernier. Je ne me voyais pas traire et faire seul tout le boulot. Je ne regrette rien », confesse Philippe Pireyre, désormais installé en individuel et bénéficiant de l’aide ponctuelle d’un apprenti en la personne d’Antoine Coudert.

Pour autant, l’élevage avait déjà un certain recul dans la production de viande bovine. « On avait un atelier taurillons depuis 1985, lequel fonctionnait avec des achats de broutards essentiellement charolais. Le troupeau allaitant a commencé à être mis en place en anticipant un peu la cessation laitière. » Pour cette reconversion, l’achat du cheptel a été le principal investissement conséquent. La SAU de l’exploitation n’a pas été modifiée. Moyennant quelques réaménagements, la stabulation des laitières est utilisée pour un lot de trente-trois vaches suitées. Celle des génisses est toujours consacrée au renouvellement et à une case d’une douzaine de vaches suitées. « J’ai aménagé des cases à veaux, mais rien de conséquent côté investissement. »

Le troupeau a été mis en place en trois ans à partir de vaches et génisses achetées localement et dans le berceau de race. Après avoir écarté quelques femelles au caractère affirmé, il est désormais stabilisé et ne nécessite plus d’achats extérieurs mis à part les taureaux. « Ma volonté a toujours été de caler les vêlages en fin d’été et début d’automne. C’est un atout sur le plan sanitaire et cela permet de vendre les taurillons en hiver à une période en principe favorable. »

79% des vêlages en août et septembre

En prévision des mises bas, vaches et génisses pleines sont rassemblées dans les pâtures proches des bâtiments de façon à pouvoir les rentrer aisément s’il y a le moindre souci. « Il est aussi plus agréable de surveiller des vêlages quand la température est encore clémente et les nuits pas trop longues. » Cette année, le premier veau est né le 18 août et 97,7% des vêlages avaient eu lieu en cent jours.

Le taux de renouvellement est de 17% et situe l’exploitation dans la moyenne des élevages limousins du département. Pour autant, le troupeau récemment constitué fait qu’il n’y a qu’une vache de plus de 8 ans. Le taux de mortalité des veaux (7,6%) est perfectible mais compensé par un très bon IVV (366 jours) avec, de ce fait, un bon niveau de productivité numérique.

Quel que soit leur sexe, les veaux sont complémentés à partir de la rentrée en stabulation, généralement fin novembre. « Compte tenu de la dimension du cheptel et de la disposition des bâtiments, je ne peux pas multiplier le nombre de lots pour ne complémenter que les mâles. » Toutes les mises à la reproduction ont lieu en monte naturelle avec seulement deux taureaux. L’un partage son emploi du temps entre la case des génisses et une case de vache suitée. « Je ne fais pas de diagnostic de gestation. Il serait peut-être bon de l’envisager avant la mise à l’herbe pour réformer sans tarder les vaches vides ou qui ne pourront pas vêler dans la période recherchée. »

Quatre lots en pâturage tournant

La mise à l’herbe est précoce. L’an dernier, elle a eu lieu mi-mars en se basant sur la méthode des températures. Elle est facilitée par le petit nombre de lots. « Je fais un lot de vaches suitées de mâles, un autre avec celles suitées de femelles et deux lots de génisses. » Les prairies contiguës aux stabulations facilitent le travail et permettent une bonne transition alimentaire. « On faisait du pâturage tournant avec les laitières. Je poursuis avec les allaitantes. » Seule différence, les Holstein ne restaient pas plus de deux jours dans un même paddock. Les allaitantes tournent un peu plus lentement mais cette bonne gestion du pâturage permet de faire consommer une herbe au bon stade. Mâles comme femelles, les veaux continuent à avoir libre accès au nourrisseur à partir de la mise à l’herbe. En avril et mai, l’abondance de l’herbe fait qu’ils le fréquentent peu. Leur consommation progresse ensuite régulièrement jusqu’au sevrage. «Je table sur une moyenne de deux kilos par tête et par jour entre la mise à l’herbe et le sevrage, qui a lieu fin juin (autour de neuf mois) pour les mâles et mi-juillet pour les laitonnes, en donnant priorité à la constitution du stock de paille dans l’emploi du temps." L’an dernier, les mâles pesaient 370 à 470 kilos au sevrage.

Pratiquement toutes les surfaces sont fauchables. Il n’y a donc guère de risque de se faire dépasser par l’herbe au printemps. Toutes les prairies sont mécanisables et d’un printemps sur l’autre alternativement utilisées pour la pâture ou le foin.

Bonne conduite du système fourrager

Ensilage d’herbe et enrubannage sont réalisés début mai pratiquement en même temps sur seize hectares. Récolté sur quatre hectares, la première motivation pour l’enrubannage est de disposer d’un fourrage de bonne qualité facile à utiliser en été pour assurer l’essentiel de la ration des broutards entre sevrage et ouverture du silo de maïs. « J’évite ainsi d’avoir un silo ouvert en pleine chaleur pour seulement quelques animaux. » Tout au long de l’été, leur ration associe enrubannage et deux kilos et demi de céréales aplaties et un kilo et demi de complémentaire à 27%.

Les stocks sont complétés par une quinzaine d’hectares de foin de première coupe. Les surfaces fauchées sont progressivement réintégrées dans les surfaces pâturées en maintenant le pâturage tournant avec l’objectif d’avoir des animaux nourris le plus longtemps possible avec une herbe de qualité.

Passer du lait à la viande ne s’est pas traduit par une révolution dans la nature des stocks. « Ce sont strictement les mêmes. Pour l’assolement, j’ai juste diminué de trois à quatre hectares les surfaces en maïs ensilage. » Ce dernier est d’abord utilisé pour l’engraissement et conforter la ration des primipares. Celle des multipares et des génisses de 2 ans repose sur une classique association ensilage d’herbe le matin et foin le soir.

Aller au bout du produit

En dehors de quelques ventes très ponctuelles de vaches pleines qui se sont décalées, tous les animaux sont finis sur l’exploitation et commercialisés par Covido-Bovicoop. « J’ai toujours eu la volonté de finir l’ensemble de mes animaux. J’aime les mener jusqu’au bout et valoriser ma génétique. »

Comme pour les animaux d’élevage, l’objectif est d’utiliser au mieux fourrages et céréales de l’exploitation. Une fois le silo de maïs ouvert, la ration associe ensilage disponible pratiquement à volonté, trois kilos de céréales, un kilo de complémentaire à 44% et un peu de foin. Les performances sont bonnes avec un GMQ approchant les 1700 grammes en finition et des animaux vendus de décembre à février dès qu’ils approchent 700 kilos vif. Ils ont alors entre 14 et 16 mois. « La précocité de la Limousine est un atout pour avoir des animaux suffisamment finis avec des bêtes jeunes. Cela fait partie des aptitudes qui m’ont incité à privilégier cette race. »

Sur la vingtaine de génisses disponibles, une dizaine sont triées pour le renouvellement quand elles sont âgées d’environ 20 mois, en retenant pour principaux critères la morphologie, les aptitudes laitières de leur mère et leur docilité. Celles qui ne sont pas conservées sont remises à l’herbe au printemps dans une pâture contiguë au bâtiment d’engraissement où elles disposent d’une complémentation en concentré avec foin en libre disposition. Elles sont commercialisées comme génisses lourdes en juin juillet. Les vaches de réformes sont jusqu’à présent principalement vendues en cours d’hiver avec une ration de finition similaire dans les grandes lignes à celle des JB.

F. A.

"Des croissances à moindre coût"

« L’exploitation se caractérise par une bonne maîtrise des charges, notamment alimentaires, en donnant priorité à la qualité des fourrages. La gestion du pâturage fait partie des points forts. Pâturée au bon stade, l’herbe permet des croissances à moindre coût une grande partie de l’année. Les animaux sont toujours en état.

Sur cette exploitation, l’intérêt de la finition des mâles se raisonne dans la durée et non comme une production d’opportunité quand les cours de la viande finie sont attractifs. La production totale de viande vive était de 31 627 tonnes sur le dernier exercice, soit 396 kg/UGB. Ce bon niveau de productivité explique pour partie les bons résultats. Le fait d’avoir des bâtiments déjà amortis et d’avoir été très raisonnable sur les investissements en matériel y contribue également. »

Bruno Maugue, chambre d’agriculture du Puy-de-Dôme

Chiffres clés
91 ha de SAU dont 24 ha de cultures (10 ha de culture de vente, 9 ha de céréales (blé et orge d’hiver) autoconsommées, 5 ha de maïs ensilage (non irrigué) et 67 ha d’herbe (16 ha de prairies temporaires associant RGA, fétuque, dactyle trèfle et  51 ha de prairie permanente)
Troupeau limousin naisseur engraisseur avec 50 vêlages par an 

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