« Une ration locale pour jeunes bovins grâce à l’achat de graines de soja »
Le Gaec Augros était déjà autonome pour l’engraissement des femelles grâce à la luzerne. L’opportunité d’acheter des graines de soja produites par un voisin permet de boucler aussi une ration « maison » et surtout locale pour les jeunes bovins.
Le Gaec Augros était déjà autonome pour l’engraissement des femelles grâce à la luzerne. L’opportunité d’acheter des graines de soja produites par un voisin permet de boucler aussi une ration « maison » et surtout locale pour les jeunes bovins.
Le Gaec Augros, à Saint-Christophe-en-Boucherie dans l’Indre, est engagé sur le chemin de l’autonomie alimentaire depuis près de quinze ans. Les éleveurs ont franchi plusieurs étapes au fil des années avec l’accompagnement de leur nutritionniste. Ils ont d’abord travaillé sur la gestion des prairies et les techniques de pâturage. Ils ont développé largement les multi-espèces. Et la surface en luzerne est passée progressivement de 5 à 32 hectares, associée à du dactyle.
L’exploitation s’étend sur 262 hectares, dont environ 200 sont en prairie, 30 en blé et le reste en luzerne. 150 vaches charolaises sont élevées, et les éleveurs, qui ont la passion de l’engraissement, vendent sous cahier des charges en circuit court toutes leurs femelles et quelques bœufs.
« Auparavant, pour l’engraissement, nous achetions un mash du commerce qui était distribué avec de la paille. Aujourd’hui, nous distribuons des rations à base de luzerne pour les femelles en finition, et nous n’achetons plus de sources de protéines pour elles », expliquent Jean-Pierre et Élie Augros, qui travaillent en ration complète mélangée.
Des foins de luzerne entre 18 et 21 % de matière azotée totale
Les éleveurs ont logiquement cherché à poursuivre dans cette voie pour les mâles. C’est pour ainsi dire chose faite car, depuis plusieurs années, un seul concentré protéique est utilisé et celui-ci est produit à 10 kilomètres de l’exploitation. Jean-Pierre et Élie Augros achètent des graines de soja entières à un céréalier voisin, Daniel Rouillard. « Nous faisons presser les graines par une entreprise, elle aussi installée à proximité de l’élevage. Nous récupérons un tourteau expeller non OGM à 41,8 % de protéines et l’huile de soja. »
L’huile est utilisée en tant que liant de la ration sèche mélangée, et pas vraiment pour son apport énergétique. « Les matières grasses ne doivent pas représenter plus de 5,5 à 6 % de la matière sèche de la ration. Sinon, la flore microbienne du rumen est dénaturée, et cela peut avoir un impact important sur les performances, voire sur la santé, de l’animal », rappelle Jonathan Riocourt, nutritionniste pour De meuh en mieux.
Du foin de deuxième et troisième coupes de luzerne constitue la base de la ration sèche d’engraissement des jeunes bovins (et des génisses). Les éleveurs récoltent des foins qui titrent entre 18 et 21 % de matière azotée totale (MAT). Une analyse est réalisée sur chaque coupe. « Il est indispensable d’avoir ce niveau de précision, et aussi de prendre le temps de faire des ajustements dans la ration si cela est nécessaire, remarque Élie Augros. Sinon on perd l’intérêt économique de la démarche. »
Raisonnement sur la marge sur coût alimentaire
Les éleveurs achètent environ 20 tonnes de graines de soja entières par an. Cela leur permet d’engraisser 50 à 60 jeunes bovins pendant dix mois. Ils travaillent en entente avec le céréalier qui les cultive. « Nous définissons ensemble un prix tenant compte des opportunités de marché de chacune des deux parties. Cette année, nous l’avons acheté 650 euros la tonne et la prestation de pressage coûte 80 euros la tonne. » Malgré la conjoncture et la sécheresse, cette organisation se révèle stable et durable.
La culture du maïs a été arrêtée il y a cinq ans pour des raisons de trop forte dépendance du résultat à la météo. « Depuis, le maïs est acheté en grains, également à dix minutes de la ferme, environ 70 à 80 tonnes par an. »
« Il est encore intéressant d’engraisser des jeunes bovins », constatent les éleveurs. Ils raisonnent en marge sur coût alimentaire, et ne cherchent pas à obtenir des performances de croissance exceptionnelles. Les jeunes bovins réalisent des GMQ de 1,5 à 1,6 kilo par jour de moyenne. En octobre 2022, cette marge avoisine 2 euros par jour et par tête, soit 2,14 euros par kilo de carcasse produit.
Une ration complète à 290 euros la tonne pour les jeunes bovins
La première phase d’engraissement est assurée par une ration composée de 27 % de foin de luzerne, 5 % de paille de blé, 57,5 % de blé et maïs grain, 8 % de tourteau de soja expeller, 1,3 % d’huile de soja, avec 1 % de minéraux et du sel (1,06 UFV, 15,7 % de MAT, 4,5 % de matières grasses, 41,3 % d’amidon et 11,5 % de CB par kilo de matière sèche). Cette ration revenait en octobre 2022 à 285 euros la tonne.
Quand les jeunes bovins atteignent 14 mois, ils reçoivent une ration de finition pendant deux à trois mois. Celle-ci se compose de 24 % de foin de luzerne, 5 % de paille de blé, 60 % de blé et maïs grain, 7,7 % de tourteau de soja expeller, 1,9 % d’huile de soja, 1 kg de minéraux et du sel (1,08 UFV, 15,3 % de MAT, 5,2 % de matières grasses et 10,7 % de CB par kilo de matière sèche). Celle-ci était à 292 euros la tonne.
Le tourteau de soja entre aussi pour 5 à 10 % dans la composition du mash fibreux destiné aux petits veaux, avec 20 à 25 % de foin de luzerne et 70 % de blé et maïs grain aplati.
« Nous fabriquons les rations à la mélangeuse à raison de 3 tonnes à la fois, et nous les distribuons tous les quatre ou cinq jours », explique Jean-Pierre Augros. La ration est repoussée une fois par jour.
S. B.
Jonathan Riocourt, nutritionniste pour De meuh en mieux : « Le tourteau de soja expeller permet de concentrer les rations en protéines »
Le tourteau de soja expeller est un produit sec, qui permet de fortement concentrer en protéines les rations. Il est aussi très riche en énergie. Avec cet aliment, l’apport de matières grasses est facile à maîtriser par le rationnement. L’action mécanique exercée sur les graines pendant le pressage a un effet favorable sur les facteurs antinutritionnels du soja.
Sa durée de conservation est limitée à six mois à cause de sa teneur en matières grasses.
La distribution de soja au troupeau peut pâtir cependant d’une mauvaise image.