Comment corriger et prévenir le tassement du sol ?
La préservation de la structure des sols représente un enjeu de plus en plus prégnant du fait de l’évolution vers un climat plus variable et du matériel agricole plus puissant et donc plus lourd.


La pluviométrie de cette année 2024 aura laissé des traces dans les parcelles. « Sur prairies permanentes ou temporaires, on ne sait pas chiffrer l’impact d’un tassement du sol. Mais les mêmes leviers qu’en grandes cultures sont à considérer », estime Pascale Métais, chez Arvalis, institut du végétal. « La structure du sol fait partie de votre capital », a-t-elle rappelé lors d’une conférence au Sommet de l’élevage 2024.
Pour prévenir une dégradation de la structure du sol, l’ingénieure recherche et développement agronomie dégage quelques pistes. « Réduire le poids par essieu limite la profondeur du tassement. » Par exemple, un essai dans les Hauts-de-France a montré qu’une automotrice avec un passage de roues représentant une pression de 24 tonnes par essieu aura un effet de tassement à 40 cm de profondeur environ. Alors qu’une benne à cinq passages de roues avec 9 tonnes par essieu tasse le sol à environ 20 cm de profondeur. Et il est a priori bien plus accessible de corriger un tassement à 20 cm qu’un tassement à 40 cm. La relation entre le poids et la profondeur de tassement dépend de la nature du sol et de son humidité. Mais 24 tonnes conduisent à un tassement plus profond que 9 tonnes sur le même sol et à la même humidité.
« Attention à l’humidité du sol le jour de l’intervention, poursuit Pascale Métais. Pour l’évaluer, on teste l’humidité en surface, mais aussi à une vingtaine de centimètres de profondeur. » Élargir la surface d’empreinte avec le jumelage, le choix des pneus et la pression de gonflage permet de limiter le tassement du sol en surface. Enfin, raisonner le trafic dans la parcelle réduit la surface concernée par les passages de roues.
Décompacter au bon degré d’humidité du sol
« Les outils nécessitant le plus de puissance sont les plus lourds, et le meilleur débit de chantier qu’ils permettent ne compense pas forcément le manque de jours disponibles pour intervenir », observe Pascale Métais. L’outil en cours de développement J-Distas d’Arvalis donne une estimation du nombre de jours disponibles pour intervenir dans de bonnes conditions selon l’opération et la période. Il aide aussi au dimensionnement du matériel lors d’investissement. « À long terme, pour préserver la structure du sol, on conseille d’améliorer l’adéquation du parc matériel et des jours disponibles, d’augmenter la portance en limitant le travail du sol ou en enrichissant le sol en matière organique. »
Si la structure du sol d’une parcelle est dégradée, se pose la question d’une intervention mécanique pour la rétablir. Pascale Métais explique que son intérêt dépend de la gravité du tassement, de la proportion de surface impactée et de la sensibilité au tassement de la culture à venir. « Avec une culture peu sensible au tassement – principalement les cultures d’hiver –, si le tassement est modéré, il n’y a pas de nécessité de travailler mécaniquement le sol. » Dans les parcelles saines où l’hydromorphie est nulle, on peut espérer que la restructuration des argiles se fasse naturellement.
Les couverts préservent la porosité du sol
En revanche, « avant un maïs ou une autre culture sensible comme le sorgho, il y a davantage intérêt à essayer de créer mécaniquement de la porosité ». Le point de repère indispensable pour l’opération est que les mottes de terre s’éclatent sous les doigts en plusieurs petits morceaux. « Il vaut mieux ne pas décompacter, plutôt que décompacter au mauvais moment. » La pointe de la dent de l’outil est à faire passer si possible 5 cm en dessous de la zone à décompacter et sans aller trop profond pour préserver la structure naturelle du sol en dessous. Un essai en Auvergne-Rhône-Alpes a montré en 2022 que l’intérêt du décompactage se joue vraiment au cas par cas. « C’est une opération assez coûteuse en carburant et elle a intérêt technico-économique quand on arrive à le faire correctement et dans de bonnes conditions. Sinon elle peut aussi s’avérer contre-productive. »
Un autre levier concerne l’implantation de couverts végétaux. L’institut du végétal a mené douze essais de 2021 à 2023 (avec de nombreux mélanges multiespèces et espèces en pur) pour évaluer l’effet des couverts sur la fertilité physique du sol. Principal résultat à retenir : « L’effet des couverts est très variable selon les sites et les années. Ce qui répond le mieux est la stabilité structurale du sol – le fait que le sol soit moins sensible à la battance. Concernant la structure du sol, les couverts participent au maintien de sa porosité. Ils sont du registre de la prévention, mais pas de la correction. » Attention, un semis de couvert en mauvaises conditions peut aussi dégrader la structure du sol, et la présence du couvert, même s’il est bien développé, ne compensera que partiellement cette dégradation, selon Pascale Métais.
Comment savoir si le sol d’une parcelle est tassée ?
Pour évaluer la structure du sol, la première étape est le test avec un pénétromètre. Y a-t-il des zones plus dures dans le sol ? À quelle profondeur ? Si une couche tassée est décelée sur les vingt premiers centimètres, on fait le test « bêche ». « Si on soupçonne un problème au-delà de 20 cm de profondeur, on peut faire un miniprofil 3D qui consiste à enfoncer les pâles d’un télescopique à 30 ou 45 degrés pour extraire un bloc du sol. Enfin, si le problème est encore plus profond, ou si on veut avoir une vision globale du fonctionnement du sol, c’est un profil cultural qu’il faut réaliser », explique Pascale Métais, d’Arvalis.
Les cultures de printemps sont plus sensibles au tassement du sol
La structure du sol (le mode d’arrangement spatial des particules minérales et organiques) a un effet sur son activité biologique et sur son fonctionnement hydrique. Les sols compactés ont un effet négatif sur l’implantation et l’enracinement des cultures et ensuite sur l’alimentation hydrique et minérale des plantes. Les sols tassés affichent également une capacité de stockage d’eau plus faible. Ceci se traduit au final par des pertes de rendement en quantité ou en qualité, voire les deux.
« Plus le cycle de la culture est court, plus l’impact du tassement est important », explique Pascale Métais, d’Arvalis. Le tassement du sol a un effet limité sur le blé, sauf les années marquées par des excès d’eau ou par une sécheresse. « Sur le maïs ensilage, la perte de rendement peut monter jusqu’à 30, voire 35 %. Il faut avant tout éviter une rupture de densité entre deux horizons. » Sur luzerne, les pertes de rendement constatées varient entre 10 et 30 % sous les passages de roues. Ramené à l’échelle de la parcelle, cela représentait 1 à 3 % de perte de rendement selon la taille du matériel.
Le changement climatique représente un facteur de risque supplémentaire pour la structure du sol avec des événements de pluies extrêmes au moment de passages qui étaient auparavant sans risque pour le tassement du sol. Le fait qu’il y ait moins de gel hivernal donne moins d’opportunités de restructuration des argiles. Et le stress de fin de cycle (sécheresse, températures élevées…) est plus fréquent, donc l’impact d’un défaut d’enracinement à cause du tassement du sol est plus fort.
Un manque de références sur les prairies
« Plus le cycle de la culture en place est long, moins le tassement impacte la production, mais pour les prairies, qu’en est-il ? Les références manquent », ont présenté Alexis Désarmenien, de la chambre d’agriculture de la Creuse et Carole Gigot, d’Arvalis lors d’une journée technique à la Ferme expérimentale des Bordes, dans l'Indre, en janvier 2025.
La récolte de l’herbe en automne fournit un fourrage de qualité et a un impact positif sur la pousse de l’année suivante. « Mais attention à le faire uniquement lorsque les conditions météo le permettent pour éviter un possible impact du tassement sur l’année suivante. »