Une conduite très pointue de l'herbe, ça gagne !
Le pâturage tournant dynamique permet de bonnes performances techniques à partir de la ration la moins chère du marché : l’herbe pâturée. Il demande de la rigueur mais, généralement, les éleveurs qui franchissent le pas ne le regrettent pas.
Le pâturage tournant dynamique permet de bonnes performances techniques à partir de la ration la moins chère du marché : l’herbe pâturée. Il demande de la rigueur mais, généralement, les éleveurs qui franchissent le pas ne le regrettent pas.
La gestion du pâturage est un domaine de compétence à part entière, tout comme l’est la culture des céréales ou du maïs. Il convient de « cultiver » l’herbe et de soigner sa « récolte » via le pâturage, pour permettre aux animaux de l’utiliser au meilleur stade le plus longtemps possible. Ces volets sont largement mis en avant par les promoteurs du pâturage tournant dynamique (PTD). Cette technique consiste à faire pâturer des ruminants au moment où l’herbe est à son stade optimum avec un chargement instantané élevé. Elle repose sur un nombre important de paddocks sur lesquels les lots vont tourner rapidement, avec un temps de séjour compris entre un et trois jours. Ce mode de récolte permet de valoriser l’herbe en utilisant la « barre de coupe » la moins onéreuse du marché : la mâchoire des ruminants.
Bien assimiler la technique avant de se lancer
Dans la mesure où il s’agit d’une technique pointue, il est nécessaire de bien l'assimiler avant se lancer. Il est conseillé d’opter pour une formation de façon à maîtriser les connaissances théoriques nécessaires avant de les mettre en pratique. Des formations sont régulièrement organisées dans la plupart des zones d’élevages. C’est par le bouche à oreille que beaucoup d’éleveurs ont découvert leur existence. La presse spécialisée, internet et les réseaux sociaux y contribuent également.
Le réseau des Organisations de producteurs non commerciales et certaines coopératives et laiteries ont également apporté leur contribution. « Au début des années 2010, Elvea 79 a fait partie des promoteurs de cette méthode, avec le cabinet Pature-sens », précise par exemple Gael Bousseau, technicien d’Elvea 79. Actuellement, une cinquantaine des adhérents (éleveurs de bovins et/ou d’ovins allaitants) de cette organisation de producteurs y ont recours. « Mais, désormais, trouver dans les Deux-Sèvres de nouveaux éleveurs intéressés devient compliqué. Le PTD, c’est pointu et très technique et le poids des habitudes est un frein au changement. »
Difficile, pour ne pas dire impossible de savoir combien d’éleveurs français ont suivi une formation, et surtout combien d’entre eux sont passés de la théorie à la pratique sur leur exploitation. Qu’ils soient producteurs laitiers ou allaitants et qu’ils possèdent des bovins ou des ovins, le cabinet de conseil Pature-sens forme quelque 1 600 éleveurs à cette technique chaque année. Malgré son antériorité, il n’est désormais plus le seul à proposer des formations. Par exemple Bovins Croissance Sèvres Vendée Conseils les propose à ses adhérents. Une trentaine d’entre eux ont déjà été formés et une vingtaine sont en formation.
Produire plus et mieux à partir des surfaces disponibles
« Le point commun de tous les éleveurs qui viennent à nos formations est leur volonté de produire plus et mieux à partir des surfaces en herbe dont ils disposent en diminuant la part des intrants », résume Marie Godard, en charge de l’organisation des formations pour Pature-sens. Pour autant, il est difficile de dresser le portrait type de ces éleveurs. Ils sont à la tête de troupeaux bovins ou ovins de dimensions très variables. Toutes les classes d’âge sont représentées, mais contrairement à ce que l’on pourrait penser, les éleveurs de 25-35 ans sont les moins nombreux à participer. Marie Godard distingue deux grands profils. « Il y a d’abord les éleveurs déjà sensibilisés à cette nécessité de mieux gérer le pâturage. Ils ont le plus souvent déjà opté pour le pâturage tournant. Mais ils veulent aller plus loin. » En allaitant, leur souhait est souvent de faire des stocks sur pied pour pâturer le plus longtemps possible, en particulier à l’automne de façon à retarder la rentrée à l’étable, au moins pour une partie des lots.
Le second profil est celui d’éleveurs dont l’alimentation du cheptel repose une bonne partie de l’année sur les stocks. Elle implique souvent des niveaux de charge conséquents, en particulier sur les volets mécanisation et alimentation. « Ces éleveurs sont conscients que l’alimentation de leur troupeau pourrait reposer plus longtemps sur le seul pâturage, mais ils ne savent pas trop comment s’y prendre pour faire évoluer la situation. C’est un profil que l’on trouve fréquemment en Bretagne et en Normandie. » Cela concerne souvent des élevages laitiers qui ont donné priorité au maïs une grande partie de l’année alors que leurs parcelles ont un bon potentiel avec un climat favorable à la pousse de l’herbe. Il y a aussi l’aspect travail. L’importance des stocks nécessaires pour nourrir le troupeau fait que ces éleveurs consacrent une bonne partie de leur temps de travail sur leurs tracteurs pour les constituer puis les distribuer, et qu'ils souhaitent faire évoluer cette situation.
Jean-Louis Petit, directeur d’Elroc 53 (OPNC de la Mayenne)
« Le développement par dessus la haie »
« En Mayenne, où la qualité des sols et la pluviométrie sont propices à une bonne production fourragère, nous avons démarré les formations sur le pâturage tournant dynamique en 2013. Les arguments que nous mettons en avant pour inciter les éleveurs à opter pour cette technique sont l’augmentation de la productivité à l’hectare, avec un effet sur le volume mais également sur la qualité de l’herbe disponible. Cela va dans le sens d’une maîtrise des coûts de production, avec une meilleure autonomie alimentaire et des économies d’engrais sur les parcelles pâturées.
Le premier frein est la gestion des clôtures et des points d’eau. Quand certains éleveurs voient ce que cela induit sur le redécoupage de leur parcellaire, cela tend à les effrayer. Lorsque nous organisons des formations, la théorie est toujours associée à la pratique. Nous allons sur le terrain et enmenons le groupe chez un utilisateur de cette technique pour favoriser les échanges.
Je crois aussi beaucoup à ce que l’on appelle communément le développement « par dessus la haie ». Quand une technique fonctionne chez un éleveur, elle ne passe pas inaperçue et tend à faire tache d’huile dans son voisinage ! »
Thomas Joly, Elvea Nord-Pas-de-Calais
" Manque de données chiffrées "
« Quand des éleveurs adoptent le pâturage tournant dynamique, ils font rarement machine arrière. Il n’en demeure pas moins qu’il n’est pas facile de changer ses habitudes. Notre première difficulté est de bien faire comprendre que, même simplement pâturée, l’herbe est une culture comme une autre.
Actuellement, nous ne disposons pas de suffisamment de données chiffrées permettant de prouver l’intérêt économique du pâturage tournant dynamique. La première année, il se traduit forcément par des dépenses supplémentaires liées à la mise en place des clôtures et des points d’abreuvement. Les meilleures croissances et la baisse des charges en particulier sur les volets fertilisation et complémentation des broutards gagnent ensuite à être analysé de près. »