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Un réseau de fermes pilotes en médecine vétérinaire préventive

Dans le cadre du plan Écoantibio, six exploitations bovines de Haute-Garonne expérimentent pendant trois ans une approche globale de la gestion sanitaire du troupeau.

Quand nous nous sommes lancés dans cette démarche, nous ne nous attendions pas à aller aussi loin, ni à autant de remises en question », reconnaît Didier Codecco, éleveur en Haute-Garonne avec son frère Sylvain (Gaec d’En Causse). Ils élèvent un peu plus de 100 mères (Blonde d’Aquitaine et Montbéliarde) et produisent du veau sous la mère. Le Gaec s’est engagé dans le projet de fermes pilotes mis en place par le GDS de Haute-Garonne et labellisé Écoantibio. Six exploitations bovines (3 en lait, 3 en viande) sont suivies pendant trois ans (2017-2019) avec l’idée d’agir sur toutes les causes de troubles sanitaires afin de mieux les prévenir. Et, par conséquent, réduire l’usage des antibiotiques. « Techniquement, nous ne sommes pas trop mal, raconte l’éleveur. Mais nous avions quelques soucis récurrents : des diarrhées et des mortalités sur les veaux à tout moment dont nous n’arrivions pas à trouver les causes. Et, même quelques mortalités inexpliquées de vaches. »

Un audit sanitaire de l’exploitation (observation des pratiques et des animaux) est réalisé une fois par an, pendant les trois années du projet, par le cabinet 5mVet, spécialiste de la médecine vétérinaire préventive. Il est étayé de nombreuses analyses (fourrages, urine, jus de rumen, bouses, sang, eau…) et de mesures des courants parasites. Après rédaction du rapport, l’éleveur, le consultant (Pierre-Emmanuel Radigue), le conseiller d’élevage et le vétérinaire de l’exploitation valident ensemble une feuille de route pour l’année à venir en choisissant des mesures correctives prioritaires et réalisables. « Les audits sanitaires ont révélé des problématiques dans tous les élevages autour du sol, de l’eau, de la ration et du suivi des animaux, notamment autour du vêlage », résument les animateurs du projet.

Contamination des abreuvoirs

Au Gaec d’En Causse, le premier audit a mis en évidence plusieurs points qui pouvaient expliquer les problèmes sanitaires non résolus. Dont certains, insoupçonnés. L’eau des abreuvoirs s’est révélée être un véritable « nid à microbes », selon l’éleveur. Provenant d’un réseau d’eau potable ancien, elle est très basique (pH de 7,5 à 8) et l’assainissement est défectueux. Des analyses ont confirmé la contamination bactérienne des abreuvoirs. « Nous avons investi dans une pompe pour acidifier et chlorer l’eau, explique Didier Codecco. C’est le jour et la nuit. Depuis un an qu’elle est installée, nous avons perdu un seul veau et les diarrhées sont moins foudroyantes. »

Le traitement de l’eau n’est pas la seule explication de cette amélioration. Le vétérinaire consultant a proposé aux éleveurs de retravailler la préparation au vêlage. « Il nous a fait monter la concentration de la ration trois semaines avant le vêlage pour que les vaches soient à l’optimum avant la mise bas. Depuis cette préparation, les vêlages se passent mieux, les veaux sont plus vigoureux et le colostrum est de bien meilleure qualité. » Le Gaec s’est équipé d’un réfractomètre Brix pour mesurer sa concentration en anticorps.

Relevés de température, vaccination, conservateurs

« Nous faisons systématiquement un relevé de température sur le veau et la vache pendant les trois jours qui suivent le vêlage, poursuit l’éleveur. On arrive ainsi à prédire s’ils seront malades avant qu’ils ne le soient. Nous faisons également les vaccinations de manière plus suivie. » Le vétérinaire conseil a fait rajouter 40 à 50 g/j/v de dextrose (sucre) dans la ration des vaches (ensilage de maïs, enrubannage, foin de luzerne et prairie, paille) pour éviter des acétonémies, ainsi que 30 g de sel, en plus des pierres à lécher. L’audit a montré en outre que les vaches ne buvaient pas assez. Les abreuvoirs à pipette sont progressivement remplacés par des bacs à niveau constant. Pour améliorer la conservation des fourrages, des conservateurs sont désormais systématiquement ajoutés dans les ensilages de méteil et ray-grass, dans l’enrubannage, voire dans le foin lorsqu’il est récolté en conditions limites.

S’il est un point auquel éleveurs, technicien et vétérinaire n’avaient pas pensé pour améliorer les problèmes sanitaires, c’est le sol. Déjà très élevé, le pH ne cesse d’augmenter (7,5 à 8,5). Malgré des apports importants de fumier, les sols répondent de moins en moins. « Ils sont chimiquement déstructurés », explique l’éleveur. Pour y remédier, l’idée est de les travailler de moins en moins et d’implanter des couverts. « Nous avons beaucoup réduit le travail du sol et nous passons au semis direct », précise l’éleveur. Un travail également sur les espèces fourragères et les mélanges de prairies. Le lien avec le sanitaire ? « Le but est d’agir sur le sol pour obtenir un meilleur fourrage qui permettra de nourrir au mieux la vache et d’avoir le meilleur taux de réussite autour du vêlage », décrypte Patrick Parisot, vétérinaire de l’élevage.

« Un changement de paradigme »

Éleveurs, technicien et vétérinaire ont tous été positivement « remis en question » par cette démarche. « C’est un changement de paradigme, affirme Patrick Parisot. Désormais, je suis très peu dans le soin et beaucoup plus dans la prévention. Je faisais déjà de la prévention mais l’approche est différente. Par exemple, nous vaccinons des animaux qui sont déjà préparés à la vaccination et nous ciblons mieux les vaccins. Je fais davantage d’analyses en ferme : mesures de glycémie, d’hémoglobine, d’hématocrite, bactériologies sur le colostrum… » Romain Mirouze, technicien de l’élevage apprécie « l’approche globale » proposée par le vétérinaire consultant : « elle met l’animal au centre, en interaction avec la plante et la plante avec le sol. Il faut aborder les problèmes dans leur ensemble. Le vétérinaire n’a pas seul la solution, le technicien en alimentation et en génétique non plus. Pour rendre service à l’éleveur, il est important de s’écouter et de se servir des compétences des autres. » Quant à la finalité de la démarche Écoantibio, elle est largement atteinte. « Sur cette exploitation, nous avons réduit des trois quarts l’usage des antibiotiques », atteste le vétérinaire praticien. Pour tous, le but est désormais de partager cette approche du sanitaire avec les autres éleveurs.

 

Un abreuvoir auto-assainissant à l’étude

Constatant que la qualité de l’eau était défectueuse dans presque toutes les exploitations et que les systèmes de traitement sont coûteux, le GDS a sollicité la société toulousaine Prodose, spécialisée dans le traitement de l’eau, notamment dans le domaine aéronautique, pour concevoir un abreuvoir auto-assainissant à base de consommables (filtres…) peu coûteux. Le projet est en cours.

 

 

Remobiliser les vétérinaires et conseillers d’élevage

Le budget annuel de ce réseau de fermes pilotes est de 10 000 euros par exploitation. Le projet bénéficie de financements de l’État (25 %) et du conseil départemental (15 %) et de moyens humains et techniques mis à disposition par la chambre d’agriculture et le laboratoire vétérinaire départemental. Le reste est autofinancé par le GDS. Ce dernier vient d’être reconnu Groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) sur ce projet, ce qui devrait lui ouvrir de nouveaux financements. Les résultats seront utilisés à des fins de formation et de communication. Mais, « dans un contexte départemental où l’élevage est en recul et l’avenir des personnes qui accompagnent les éleveurs pose question », explique Christophe Martelet, directeur du GDS, l’idée est aussi de « remobiliser des vétérinaires ruraux, de créer un lien fort avec les conseillers d’élevage et faire monter en compétence le trio éleveur, conseiller, vétérinaire ».

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