Renouvellement des générations : « Nous avons accueilli un nouvel associé après un stage test à l’installation »
Pierre Amadieu, Alex Seyrolle et Florian Bessonies, trois chefs d’exploitation voisins situés dans le Cantal, avaient fait le pari de s’associer en Gaec il y a plus de vingt ans. En anticipation d’une reconversion professionnelle de l’un d’eux l’an dernier, ils ont accueilli en stage test un jeune candidat à l’installation. Une expérience réussie, qui a débouché sur un remplacement neuf mois plus tard.
Pierre Amadieu, Alex Seyrolle et Florian Bessonies, trois chefs d’exploitation voisins situés dans le Cantal, avaient fait le pari de s’associer en Gaec il y a plus de vingt ans. En anticipation d’une reconversion professionnelle de l’un d’eux l’an dernier, ils ont accueilli en stage test un jeune candidat à l’installation. Une expérience réussie, qui a débouché sur un remplacement neuf mois plus tard.
Au Gaec des prairies, à Maurs dans le Cantal, la culture du travail en société est bien ancrée et tout est pensé de façon à la faire perdurer. Quand Pierre Amadieu envisage de faire une reconversion professionnelle à la fin de l’année 2020, les trois associés saisissent cette opportunité pour remettre tous les chiffres à plat et revenir à une valeur de « reprenabilité » qui accroisse leurs chances de transmission. « Au fil des années, le montant du capital social n’avait fait que grimper. Nous savions qu’il serait difficile de trouver un candidat à l’installation sans faire de concessions », indique Alex.
Des revenus équivalents avec un capital social moindre
La réévaluation de l’exploitation conduit les éleveurs à alléger leur parc matériel. Pour tous les outils de travail du sol et de l’irrigation, ces derniers font désormais recours à deux Cuma. Dans ce cadre, ils ont même fait l’achat récent de groupes de fauche de 6 à 7 mètres. Un choix qu’ils ne regrettent pas : « on fauche aujourd’hui pour 14 euros par hectare. Les tarifs défient toute concurrence et le matériel est performant. Il faut accepter parfois d’attendre un peu mais c’est le jeu », rapporte Florian. Aussi, en collaboration avec leurs juriste et comptable, les trois chefs d’exploitation veillent depuis longtemps à épurer leurs comptes d’associés par des prêts réguliers. « C’est une bombe à retardement à régler lorsqu’un pair s’en va », reprend Florian.
L’abaissement du montant des capitaux sociaux du Gaec ne signifie pas pour autant faire des sacrifices sur la rémunération. Conformément à leur règlement intérieur, les associés se prélèvent chaque mois l’équivalent d’1,5 Smic, une somme abondée par les bénéfices de fin d’année. « On s’y tient depuis plus de vingt ans », révèle Pierre. Si l’organisation sociétaire permet de jouer sur les économies d’échelle, elle offre aussi la possibilité de se dégager du temps libre pour des engagements autres que professionnels. L’été, les exploitants disposent de deux week-ends sur trois et l’hiver, d’un week-end sur deux. Autant de facteurs d’attractivité en faveur d’une installation.
Ne pas cloisonner les tâches
Sur l’organisation du travail, des réflexions de longue date ont également été menées. « Nous avons opéré des rééquilibrages au fil des années dans la polyvalence des tâches pour être mieux armé si l’un des associés venait à s’absenter. Nous souhaitions aussi prendre de bonnes habitudes avant l’entrée d’une tierce personne au sein du Gaec », indique Alex. Autre point intéressant, Pierre, Alex et Florian naviguent sans distinction sur les trois sites d’exploitation - où ils étaient installés initialement avec leurs parents en production laitière - de sorte à être familiarisés partout. Les structures ont été dimensionnées de façon à abriter 50 à 60 vaches par site. Les bâtiments d’élevage semi-ouverts, typiques de la châtaigneraie cantalienne, sont semblables sur les trois exploitations. Pour améliorer les conditions de travail, un parc de contention fixe a été installé en bout de chaque stabulation.
Habitués au travail en commun et au partage des responsabilités hors du cadre familial, c’est tout naturellement qu’Alex et Florian se sont projetés à l’intégration d’une nouvelle recrue, en remplacement de Pierre. Ils se sont rapprochés de la chambre d’agriculture deux ans avant la date de départ présumée du cédant pour les accompagner dans cette transition. Inscrit au répertoire départ installation, Corentin Roquessolane, basé à quelques pas de la commune de Maurs et mordu de la race Salers, n’a pas attendu longtemps pour manifester son intérêt.
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Faire ses gammes dans le cadre d’un parrainage bienveillant
Le jeune candidat a réalisé un stage test de neuf mois au sein du Gaec des prairies, financé par le conseil régional. « Cette expérience permet aux parrains associés et au candidat à l’installation de se mettre en situation sans s’engager, ni rien compromettre. Sur différentes saisons, à des rythmes de travail plus ou moins intenses, ils peuvent ainsi tester leur entente et voir s’ils partagent la même vision du métier », explique Gérard Vigier, conseiller spécialisé Transmission à la chambre d’agriculture du Cantal. Le stage de Corentin a débuté quand Pierre, le futur cédant, était encore là, « ce qui était rassurant pour tout le monde », partage Florian.
En plus des entrevues régulières avec leur conseiller pendant le stage de Corentin, les trois associés ont suivi une formation S’installer à plusieurs proposée par la chambre. « Cet accompagnement a alimenté nos échanges sur le plan humain et a mis le doigt sur les points méritant particulièrement notre attention pour se projeter tous ensemble », témoigne Alex. « Ils portaient par exemple sur les habitudes tacites en fonction des domaines de compétences et affinités de chacun ou encore sur la nécessité que le plus jeune trouve sa place au milieu de chefs d’exploitations expérimentés », précise Gérard Vigier. « Il était important pour nous que tout le monde soit sur le même pied d’égalité. C’est pourquoi Corentin a été associé aux prises de décisions dès le départ », ajoute Florian.
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« Le temps est le meilleur allié »
En avril 2022, Corentin a rejoint officiellement le Gaec. Le montant de la reprise s’est établi à 170 000 euros, avec une aide DJA de 59 700 euros. La valeur des parts sociales a été réévaluée au préalable de sorte que personne ne se sente lésé. L’intégralité du foncier, en propriété et mis à disposition du Gaec, les investissements limités en matériel ainsi que la quasi-totalité du bâti amorti ont facilité l’installation. Aussi, « Pierre, officiellement parti depuis le 1er janvier 2022, a accepté d’attendre l’installation de Corentin pour recevoir le versement complet de ses capitaux », souligne Alex, reconnaissant du geste.
L’arrivée de Corentin n’a fait que renforcer la communication entre associés, avec la formalisation de temps d’échange hebdomadaires. Riches de cette expérience, les associés ne comptent pas s’arrêter en si bon chemin. Alex, qui projette un départ à la retraite dans cinq ans, s’est déjà inscrit à une formation de trois jours à la chambre réservée aux futurs cédants. « C’est un premier éveil aux démarches fiscales et juridiques qui les attendent », note Gérard Vigier. Le conseiller spécialisé Transmission rappelle : « le maître mot est l’anticipation, le temps étant le meilleur allié pour se poser les bonnes questions, poser les hypothèses et trouver le meilleur compromis ».
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Chiffres clés
Gaec des prairies
- 237 ha de SAU dont 10 de maïs ensilage irrigué, 15 de céréales d’hiver autoconsommées, 60 d’herbe fauchée (ensilage, foin), le reste étant pâturé en prairies ou en estives
- 170 vaches salers en race pure inscrites au herd-book salers et au contrôle de performances
- Vente de broutards alourdis (380 à 400 kg), vaches de réforme et taurillons en filière très jeune bovin (TJB), quelques génisses gestantes et taureaux reproducteurs
- 450 places en atelier porcs post-sevrage et engraissement en système plein air
- 3 sites d’exploitation distants de moins d’1 km
- 3 UMO