Rouge des prés : « Combiner conduite économe et revenu avec un troupeau mixte »
Mathieu Chauvé et Florent Cesbron, éleveurs de rouges des prés dans le Maine-et-Loire, valorisent au mieux le potentiel génétique de leur troupeau, avec la recherche de mixité pour vendre des animaux lourds et bien finis tout en évitant les problèmes au vêlage.
Mathieu Chauvé et Florent Cesbron, éleveurs de rouges des prés dans le Maine-et-Loire, valorisent au mieux le potentiel génétique de leur troupeau, avec la recherche de mixité pour vendre des animaux lourds et bien finis tout en évitant les problèmes au vêlage.
Mathieu Chauvé, 39 ans, associé du Gaec Chauvé-Cesbron avec Florent Cesbron, 23 ans, incarne la quatrième génération d’éleveurs de rouges des prés, dans les Deux-Sèvres d’abord, puis à Yzernay, dans le Maine-et-Loire. « La rouge des prés est la race locale et notre race "de cœur", partage-t-il. C’est une vache très docile, qui valorise bien les fourrages grossiers, qui a du gabarit et donne des poids de carcasse élevés. Au niveau génétique, on peut aller d’une orientation très "vêlage facile" à une sélection très "viande" car elle possède le gène culard. »
Installé en 2014 avec son père, parti en retraite en 2021, Mathieu Chauvé a été rejoint en juillet 2023 par Florent Cesbron. « Mon grand-père était éleveur de bovins et d’ovins, précise Florent. J’ai fait mon stage de Bac pro et mon BTS en alternance sur l’exploitation. Puis j’ai été salarié pendant deux ans. J’aime prendre des responsabilités. M’installer avec Mathieu s’inscrivait dans une suite logique. »
L’exploitation compte aujourd’hui 153 ha, 90 vêlages, 110 brebis et 750 couples de pigeons. Il y a deux ans, le Gaec a eu l’opportunité de reprendre 38 ha à un voisin. « Nous manquions un peu de surfaces, indique Mathieu. De plus, ces terres se trouvaient au milieu de nos parcelles. Leur reprise nous apporte du confort pour la constitution de nos stocks et moins de travail pour les changements de pâtures. »
Trouver le juste compromis
Les vêlages sont répartis du 10 août à fin octobre (60 vêlages) et du 20 janvier à fin mars (30 vêlages). « Cela permet d’étaler les ventes et de gagner en souplesse pour la gestion des lots en bâtiment, explique Mathieu. Le mois de février est toutefois un peu difficile, car les vêlages s’ajoutent aux agnelages. » 10 % de la reproduction se fait en insémination, 90 % en monte naturelle, avec trois taureaux présents sur l’exploitation. Sur la dernière campagne de reproduction, l’intervalle vêlage-vêlage moyen s’établit à 359 jours, contre 386 jours pour la moyenne de la race. Toutes les vaches sont échographiées entre 35 à 70-80 jours après la mise à la reproduction. Les éleveurs ont pour objectif de faire vêler les génisses à 30 mois, ce qui les amène à soigner leur alimentation.
Président du syndicat de la rouge des prés du Maine-et-Loire, Mathieu est très attentif au choix des reproducteurs de sorte qu’ils expriment pleinement leur potentiel boucher, sans détériorer les qualités d’élevage. « Nous veillons à acheter ou à garder de bons taureaux, insiste-t-il. Nous regardons la morphologie, le gabarit, les aplombs, mais aussi les index, notamment l’aptitude au vêlage et le lait. » Et pour les vingt-cinq génisses de renouvellement, les éleveurs prêtent aussi une attention particulière à la lignée, la morphologie (bassin assez développé, finesse d’os), la valeur laitière, la docilité et les qualités maternelles. « Nous cherchons à vendre en R + ou U-, précisent-ils. Nous faisons en sorte d’avoir des animaux bien finis et des poids de carcasse élevés. Mais nous voulons aussi éviter les problèmes au vêlage, même si nous faisons trois à cinq césariennes par an. »
Avec le bon niveau génétique de l’élevage, le Gaec Chauvé-Cesbron participe à des concours. « Nous présentons chaque année des animaux au Salon de l’agriculture, aux concours départemental et national de la race », indique Mathieu.
Réduire les achats de concentrés
Dans leurs choix de conduite, les éleveurs cherchent à tendre vers une autonomie maximale pour l’alimentation. « Nous voulons valoriser l’herbe au maximum, assurent-ils. Nos terres, argilo-limoneuses, sont toutefois très humides et peu portantes l’hiver. Les animaux sortent rarement avant mi-mars et rentrent mi-novembre. Les prairies tiennent par contre bien en été. Et nous avons de bons rendements en maïs, de 12-13 t MS/ha en sec. »
Sur les 110 ha de surfaces en herbe, 60 ha sont en prairies naturelles et 50 ha en prairies temporaires de ray-grass anglais-trèfle blanc-fétuque. Du ray-grass italien et des méteils (triticale, vesce, plusieurs trèfles) sont également implantés en interculture. « Depuis trois ans, nous travaillons davantage les légumineuses, pour réduire les achats de concentrés, précise Florent. Les prairies temporaires comportent désormais 35 % de trèfle. Et alors que nous cultivions auparavant 25 ha de ray-grass italien, nous avons aujourd’hui 15 ha de méteil et 10 ha de ray-grass italien. »
Les prairies sont exploitées en pâturage tournant, avec des paddocks de 2-3 ha pour un temps de séjour allant de 4 à 7 jours. L’hiver, les vaches ont au menu un mélange de deux tiers d’ensilage de ray-grass italien-méteil et un tiers d’ensilage de maïs, avec du foin à volonté. Les génisses reçoivent quant à elles de l’enrubannage de jeunes prairies, parfois une deuxième coupe de ray-grass italien, du foin à volonté et 1 à 2 kg d’aliment.
Tendre vers une finition optimale
Les taurillons sont engraissés avec du maïs ensilage, des céréales issues de l’exploitation et du correcteur azoté. Ils sont vendus à 16-17 mois, à un poids moyen de 450 kg. Et toutes les vaches de réforme sont engraissées pendant trois mois, avec de l’enrubannage, des céréales et du mash constitué de tourteau de lin, pulpe de betterave et luzerne. Elles sont vendues entre 520 et 530 kg en moyenne et même plus de 600 kg pour les plus lourdes. « En 2022-2023, nos vaches de réforme ont été valorisées à 3 100 euros en moyenne. Nous vendons surtout à deux négociants qui approvisionnent des grandes et moyennes surfaces, avec les taurillons, et des boucheries, avec nos vaches. Ils ne disent pas qu’elles sont trop lourdes. »
Le Gaec ne vend actuellement pas dans le cadre de l’AOP Maine-Anjou. « L’AOP implique de se limiter à un chargement d’un hectare par vache, explique Mathieu. Mon père en faisait partie. Mais quand je me suis installé, nous avons augmenté le cheptel et nous n’avions plus assez de surfaces pour répondre au cahier des charges. Maintenant que nous avons récupéré des terres, il n’est pas exclu que nous y retournions. Actuellement, les prix ne sont pas forcément plus élevés, mais quand les cours de marché sont moins intéressants, la valorisation est un peu meilleure en AOP. » Le Gaec vend en parallèle chaque année quatre à cinq reproducteurs mâles et femelles de moins d’un an, à d’autres éleveurs ou à la station de sélection du Domaine des rues. « Mais la vente de reproducteurs est moins un objectif qu’avant, car les cours sont bons en viande. »
659 euros de marge brute par UGB
« Le commerce est dynamique en ce moment, mais le coût des intrants est aussi très élevé », note Mathieu. Les éleveurs sont donc attentifs à réduire leurs charges. Si le Gaec dispose de quatre tracteurs, trois de 80-100 CV et un de 150 CV, l’essentiel des travaux des cultures et de récolte de l’herbe est réalisé dans le cadre de la Cuma des Centours, à Yzernay, dont Mathieu est vice-président et dont le Gaec héberge le matériel de fenaison. « Il n’y a pas de problèmes de disponibilité du matériel, assurent les éleveurs. Nous pouvons récolter l’herbe quand nous voulons. » Les charges de mécanisation se limitent ainsi à 380 euros par hectare.
Les frais vétérinaires et d’élevage sont également raisonnés. « Nous faisons beaucoup de prévention, indique Mathieu. Tous les animaux sont vaccinés contre la grippe et les diarrhées, ce qui évite les principaux problèmes que l’on peut rencontrer. » L’achat de concentré reste toutefois assez élevé, ce qui a amené le Gaec à revoir ses itinéraires techniques, avec l’implantation davantage de légumineuses. Au final, la marge brute en 2022-2023 s’élève à 659 euros par UGB. « Avec l’achat de terres et l’installation de Florent, nous sommes en période de restructuration », souligne Mathieu. Outre une plus grande autonomie, un objectif des éleveurs pour l’avenir est aussi de se dégager du temps libre, de disposer d’un week-end sur deux et au moins de deux semaines de vacances par an, contre une actuellement.
Chiffres clés
Julien Leclerc, technicien à la Sica Domaine rouge des prés
« Un bon niveau génétique »
« Après l’agrandissement du troupeau suite à l’installation de Mathieu, le cheptel du Gaec Chauvé-Cesbron est en cours de progression génétique sur la voie femelle. L’amélioration passe par le choix de taureaux à haut potentiel. Le niveau de l’ascendance paternelle est nettement plus élevé que celui de la race, notamment sur le potentiel de croissance (CRsev + 3,3 points), le développement musculaire (DMsev + 0,5 point), le développement squelettique (DSsev + 6,1 points), l’indice au sevrage (ISEVR + 2,6 points) et l’aptitude au vêlage (Avel + 4,1 points). Ces différents critères et objectifs permettent au Gaec de participer fréquemment à la vente de reproducteurs qualifiés du Domaine des rues. Lors de la série 75 du contrôle individuel, Tapioca, qui atteignait 655 kg à 400 jours pour un GMQ au contrôle de 1 310 grammes par jour s’est démarqué en finissant dans le top 3 de la vente, à 4 800 euros. »
Bonne complémentarité des productions
En plus des bovins, le Gaec Chauvé-Cesbron élève 110 brebis rouges de l’Ouest et 750 couples de pigeons. « Nous sommes sélectionneurs rouges de l’Ouest et vendons les trois quarts de nos animaux comme reproducteurs, détaille Mathieu. La valorisation est intéressante en sélection. Les ovins nous apportent environ 25 % du revenu de l’exploitation. De plus, ovins et bovins sont très complémentaires dans la conduite au pâturage. » Les brebis pâturent en effet très souvent au milieu des vaches, ce qui permet une meilleure exploitation de l’herbe. Les brebis tassent aussi les sols, ce qui facilite leur travail. Et elles sont utilisées pour déprimer les prairies de ray-grass italien à l’automne. « Ainsi, les vaches bénéficient toujours d’une herbe fraîche au printemps. » L’atelier de pigeons apporte environ 10 % du revenu. Les pigeonneaux sont commercialisés chaque semaine auprès d’un abattoir local qui fournit la restauration haut-de-gamme. « L’atelier a été créé en 1981 pour diversifier les activités de l’exploitation, indique Mathieu. Les trois volières sont amorties et permettent des rentrées d’argent régulières. Nous valorisons les céréales de l’exploitation et devons seulement acheter du maïs et des protéines. De plus, l’élevage de pigeons est peu gourmand en temps. Le seul travail qu’il nous demande consiste à remplir les trémies d’alimentation toutes les deux semaines et d’assurer l’abreuvement des pigeons. »