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Relancer la consommation passe par l’innovation

La consommation de viande bovine est à la peine. Chez Système U et McDonald’s, les dernières statistiques sont préoccupantes. Seule l’innovation stimule la demande.

Depuis plusieurs années, les niveaux de consommation de viande bovine sont à la peine, avec une érosion lente mais régulière des tonnages vendus. Les émissions et reportages à charge diffusés ces derniers mois ont-ils eu un effet aggravant ? Cette question, tous les acteurs de la filière viande se la posent. La montée en puissance du discours anti-élevage et pro-végétarien fait évidemment craindre une accélération de la baisse des niveaux de consommation. Le premier février dernier, à l’occasion du congrès de la Fédération nationale bovine, il était encore trop tôt pour faire un état des lieux précis de la situation pour 2016 dans l’ensemble des différents circuits de distribution. Pour autant, les chiffres donnés par Serge Papin, président de Sytème U, pour sa seule enseigne sont préoccupants. Ils se traduisent par un recul des ventes pour l’ensemble des produits carnés, quelle que soit l’espèce concernée. « En 2016, tous les marchés de la protéine animale sont en baisse dans notre enseigne. Cela oscille entre -2 et -3 % selon les espèces. Pour la viande bovine, nous sommes à -3 % », précisait Serge Papin.

« En revanche, pour certaines préparations (viandes marinées, brochettes…) les ventes progressent. » De même, les viandes proposées après une maturation de longue durée (50 à 60 jours) et disponibles dans les « caves à viande » mises en place dans une centaine des magasins de cette enseigne, connaissent actuellement un vrai succès. Certes, les quantités commercialisées par ce biais ne concernent pas des volumes conséquents, mais cette diversification de l’offre est une donnée favorable pour stimuler la demande, alors même que ces viandes sont vendues fort cher au kilo. La tendance est similaire pour la viande hachée. Chez Système U, les ventes de steak haché « standard » diminuent alors qu’elles progressent pour les hachés « marketés » de meilleure qualité.

Moins de hamburgers chez McDonald's

On retrouve à quelque chose près ces évolutions dans les restaurants McDonald’s. Depuis quatre ans, cette enseigne de restauration rapide a enregistré un recul de 8 % des tonnages de viande commercialisée pour ses hamburgers, tandis les ventes de préparations à base de poulet ont progressé. « Les attentats ont fait du mal au secteur de la restauration, soulignait Rémi Rocca, responsable achat pour McDonald’s France. De nombreux français ont peur de sortir et appréhendent de se réunir dans les lieux publics. »

Pour contrer ce désamour vis-à-vis de la viande bovine et inciter les Français à revenir dans ses restaurants, McDonald’s a initié une montée en gamme de ses menus. Cette enseigne a choisi de miser sur des hamburgers préparés exclusivement avec de la viande charolaise. Les animaux de cette race étaient déjà utilisés, mais leur viande était « noyée » dans un « méli-mélo » de muscles sans chercher à mettre en avant de race particulière. Alors que McDonald’s a utilisé l’an dernier 25 000 tonnes de viande bovine française — soit grosso modo la moitié de ses besoins, le reste est importé — la part de viande 100 % Charolaise pourrait atteindre 6 000 à 7000 tonnes par an à l’horizon 2019. L’objectif avoué de cette démarche mise sur les rails voici dix-huit mois est de bénéficier de la renommée de cette race pour stimuler les ventes, d’autant que ces hamburgers « Charolais » intègreront deux steaks hachés.

Snacking et apéros dinatoires

Sans faire état de chiffres sur les évolutions de consommation dans les différents circuits, Denis Lerouge, directeur marketing et communication d’Interbev, s’est voulu rassurant sur l’impact de l'actuel prosélytisme végétarien dans les médias. Sans nier un possible effet, il a tenu à relativiser le phénomène. Ses craintes portent davantage sur l’évolution du mode de vie et des habitudes de consommation, en particulier chez les jeunes. Le traditionnel repas à la française avec entrée, plat, fromage puis dessert a du plomb dans l’aile. Le steak frites fait encore partie des plats préférés des français, mais il est pénalisé par les nouvelles habitudes de consommation. La tendance est au déjeuner pris sur le pouce à midi, ou à la « gamelle » préparée à la maison, amenée sur le lieu de travail et rapidement avalée sur le bureau derrière l’ordinateur après un passage au micro-ondes. Et le week-end, même si le repas familial autour du rôti ou de la côte de bœuf conserve ses adeptes, la tendance est davantage à l’apéro dînatoire, et pas uniquement chez les jeunes générations ! Autant de repas où la viande bovine est de moins en moins présente, dans la mesure où d’autres produits carnés sont jugés plus faciles à préparer pour correspondre à ces évolutions des habitudes de consommation.

Ce constat n’a rien de bien nouveau. Il est régulièrement mis en avant dans les différentes assemblées générales et congrès, où les professionnels du secteur se désolent d’enregistrer des pertes de parts de marchés, faute d’être en mesure de proposer des produits en phase avec les évolutions des habitudes de consommation d’une part croissante des Français. Bien des éleveurs participant à ce congrès étaient bien conscients de ces évolutions. Toujours est-il que, seuls dans leurs fermes, ils sont un peu désarmés pour faire face. « Nous, nous vendons des bêtes sur pied. Cette nécessité de mettre au point de nouveaux produits concerne d’abord les différents acteurs de l’abattage, de la transformation et de la distribution », soulignaient-ils. C’est à l’aval de se « décarcasser » et de se montrer inventif et novateur pour mieux séduire les consommateurs d’aujourd’hui, et surtout mieux savoir répondre aux attentes de ceux de demain.

Système U ne veut pas être la seule locomotive de Cœur de gamme

Cœur de Gamme a permis des compléments de prix significatifs pour les éleveurs dont les vaches ont été commercialisées dans le cadre de cette démarche. Les responsables de la Fédération nationale bovine ont mis en avant le rôle moteur de Système U et dans une moindre mesure de Carrefour. Ils en ont été les principaux acteurs, même s’ils ne sont pas les seuls signataires. Parmi ces derniers, E.Leclerc et Intermarché ont volontiers été montrés du doigt pour le peu d’entrain qu’ils manifestent pour les suivre.

Après ses premiers mois d’existence, Cœur de Gamme semble être arrivé à un tournant. En sept mois, Système U aurait permis de valoriser quelque 8 000 vaches dans le cadre de cette démarche, avec un complément de prix conséquent, avoisinant 400 € par tête. Serge Papin s’est félicité du travail réalisé avec les magasins de son enseigne. Il a toutefois averti les éleveurs qu’il ne pourrait pas éternellement être la seule locomotive qui permet de faire avancer l’ensemble des wagons. Si les autres enseignes ne suivent pas, il finira forcément par se retirer  de la démarche. « Nous ne pouvons pas être seulement deux — Système U et Carrefour — à la faire vivre, a-t-il prévenu. Je ne pourrai pas continuer à tenir mes troupes très longtemps. » Le président de Système U a rappelé que, pendant qu’il achetait des vaches Cœur de gamme autour de 4,5 €/kgC, nombre de ses concurrents les avaient pour 1 € de moins. Ce qui ne les empêche évidemment pas de vendre les barquettes de viande le même prix au kilo ! 

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