Qualité de la viande bovine : jouer sur la densité énergétique de la ration et la durée d’engraissement pour améliorer la note de persillé
La ferme expérimentale des Établières, en Vendée, a testé différentes modalités d’engraissement sur des vaches de réforme charolaises. La seule ration qui a permis d’améliorer d’un point la note de persillé apportait 2 UFV de plus qu’une conduite standard, et elle a été distribuée une cinquantaine de jours supplémentaires.
La ferme expérimentale des Établières, en Vendée, a testé différentes modalités d’engraissement sur des vaches de réforme charolaises. La seule ration qui a permis d’améliorer d’un point la note de persillé apportait 2 UFV de plus qu’une conduite standard, et elle a été distribuée une cinquantaine de jours supplémentaires.

Un essai sur le pilotage du dépôt de persillé a été conduit à la ferme des Établières, à La Roche-sur-Yon en Vendée, sur des vaches charolaises de réforme. « Nous avons mesuré l’impact croisé de la note d’état corporel finale (juste avant abattage) et de la quantité d’énergie ingérée par jour pendant l’engraissement », a présenté Sixtine Fauviot, responsable de la ferme expérimentale à l’occasion du salon Tech’Elevage tenu en novembre 2024.
Trois séries de tests sur une trentaine de vaches ont été menées. Une partie des vaches ont été engraissées classiquement jusqu’à obtenir une note d’état corporel (NEC) de 3, et les autres jusqu’à une NEC de 4,5. Un lot recevait une ration standard et l’autre une ration apportant 2 UFV par jour de plus. La ration était basée sur de l’ensilage de maïs, avec du triticale, du tourteau de colza et de la craie. Pour la ration plus riche en énergie, c’est la quantité de triticale qui a été augmentée. La densité était ainsi portée à 0,87 UFV/kgMS, contre 0,78 UFV/kgMS pour la ration standard par exemple dans l’une des séries de cet essai.
Une note d’état corporel visée de 4,5

« Pour arriver à la NEC d’abattage de 4,5, le temps d’engraissement a été augmenté de 54 à 78 jours. Et pour les rations plus énergétiques, l’engraissement a été raccourci de 8 à 33 jours selon les modalités », résume Sixtine Fauviot. Ces résultats permettent de quantifier des effets qui sont connus. « En augmentant l’énergie ingérée quotidiennement, on améliore la croissance des vaches de 135 à 269 g/jour selon la modalité. » Quand le temps d’engraissement est allongé, si la NEC augmente de 1,5 point au moins, le poids d’abattage progresse lui aussi. Dans ces essais, les vaches abattues avec une NEC de 4,5 pesaient de 63 à 68 kg vifs de plus en moyenne que celles abattues à la NEC de 3, mais elles avaient des croissances moyennes moins importantes. Leurs GMQ chutent surtout en fin d’engraissement.
Un surcoût de 10 centimes par kilo de carcasse
La seule modalité qui a permis d’obtenir une augmentation significative de la note de persillé est celle couplant un niveau énergétique de la ration supérieur au niveau standard et une période d’engraissement plus longue. Il faut jouer sur ces deux composantes de façon simultanée. « Dans cette modalité, la note de persillé moyenne affichait 4 et toutes les vaches avaient une note de persillé supérieure ou égale à 3, c’est-à-dire un niveau "moyennement persillé" », annonce Sixtine Fauviot (39 % des vaches en note 3 de persillé, 28 % en note 4, 28 % en note 5 et 6 % en note 6).
Lire aussi : Des recommandations pour la finition des vaches de réforme du troupeau allaitant
Un chiffrage économique a été réalisé pour cette conduite qui représente 54 jours de plus d’engraissement sur la base d’une ration plus riche de 2 UFV/jour par rapport à une conduite standard. « Nous avons estimé à partir de la conjoncture 2023 un surcoût de 69 euros pour les concentrés et 26 euros de paille de litière en plus. S’ajoutent à cela 153 euros de charges de structure dont l’ensilage de maïs en plus », explique Jean-Jacques Bertron, de l’Idele. Ainsi, pour gagner un point de note de persillé, en passant d’une note moyenne de 3 à une note moyenne de 4, les charges augmentent de 248 euros par vache. Environ 37 kilos de carcasse sont produits en plus. Mais il reste à charge 51 euros par vache, soit 10 centimes d’euros par kilo de carcasse toujours en lien avec la conjoncture 2023.
« Avec ce type de conduite, le débouché des vaches doit permettre de regagner ce différentiel de 10 centimes par kilo de carcasse. Le marché devrait également accepter une certaine variabilité du niveau de persillé, même si, ici, l’essai porte sur les notes élevées de la grille. Une contractualisation de ces animaux pourrait engager des éleveurs à modifier leurs pratiques de finition des vaches », conclut Jean-Jacques Bertron.

Des instruments de mesure en vif et sur carcasse à l’étude
Les assises de la viande bovine d’Interbev ont acté en 2022 l’intégration de nouveaux paramètres d’évaluation des viandes pour mieux satisfaire les consommateurs. « Le persillé est déterminant pour améliorer la qualité organoleptique de la viande. Un programme a été lancé pour obtenir des éléments chiffrés et factuels sur ce critère », a présenté Cédric Mandin, éleveur bovin en Vendée et membre de la commission technique d’Interbev.
Ce programme prévoit la diffusion de recommandations pratiques aux éleveurs et la mise à disposition aux abatteurs du référentiel. Des travaux sont en cours sur la perception des consommateurs vis-à-vis des différents niveaux de persillé afin de guider la filière pour cibler les paliers qui répondent le mieux aux attentes des consommateurs. Pour évaluer le persillé, des instruments de mesure en vif et sur carcasse sont en cours de développement. Ils pourront servir au pilotage du gras, au tri des animaux ou des carcasses, et les mesures pourraient également servir au phénotypage afin de sélectionner les lignées sur ce critère.
À noter
La grille d’évaluation visuelle du persillé garantit une harmonisation de la méthode de mesure sur la 5e côte. Elle a fait l’objet d’un accord interprofessionnel en septembre 2023. La grille comprend six niveaux allant de la note 1 (maigre) à la note 6 (extrêmement persillé).
La « marbling window » à explorer pour les races françaises
La « marbling window » (la fenêtre du persillé) est un concept zootechnique bien documenté en Asie et dans les pays anglo-saxons. Elle correspond à la période entre les âges de 5 et 8 mois – fenêtre qui correspond à la puberté des veaux – pendant laquelle se multiplient les adipocytes, cellules de stockage des lipides.
« Une complémentation soutenue pendant cette période favoriserait le développement de persillé à l’âge adulte en phase d’engraissement », appuie Aubert Nicolazo de Barmon, de l’Idele. « Cette conduite peut être déjà pratiquée intuitivement par certains éleveurs. Mais il n’y a pas encore eu d’expérimentations menées sur ce thème sur les races françaises. Des interrogations subsistent concernant le positionnement précis de cette période et la teneur énergétique de la ration alimentaire à apporter aux veaux. » En revanche, une complémentation soutenue allant de l’âge de 12 mois au premier vêlage semble peu impactante sur le niveau de persillé déposé en engraissement.
Prédire la composition corporelle des bovins
Le projet Meat€cho a démarré en 2023. Il ambitionne de développer l’échographie profonde en vif et l’analyse d’images de la coupe primaire des carcasses, toutes deux couplées à l’intelligence artificielle, pour prédire la composition des carcasses de gros bovins. L’objectif est de pouvoir orienter les éleveurs et la filière quant à la finition des bovins.