Opti’Repro, un audit pour améliorer la gestion de la reproduction
La démarche terrain proposée depuis un an à leurs clients par Lucie Germanique et Thomas Vauzelle, vétérinaires, cible les facteurs de risques entraînant des problèmes de reproduction, de manière à les améliorer.
La démarche terrain proposée depuis un an à leurs clients par Lucie Germanique et Thomas Vauzelle, vétérinaires, cible les facteurs de risques entraînant des problèmes de reproduction, de manière à les améliorer.
Les conséquences de l’infécondité en élevages bovins viande sont nombreuses et pénalisantes. Les revenus diminuent et les charges s’alourdissent (diminution du nombre de veaux vendus, frais d’entretien de vaches improductives, réformes subies, désorganisation du travail…). Or, l’augmentation de la rentabilité des élevages allaitants passe par la hausse du nombre de veaux produits par vache présente, et donc par une gestion globale de la reproduction. L’objectif visé reste la production d’un veau par vache et par an. Cela nécessite de respecter un intervalle optimal entre vêlages et d’assurer la productivité numérique de l’élevage, ce qui sous-entend une fécondation dans les trois mois qui suivent la mise-bas. Une augmentation de quinze jours de l’IVV par rapport à l’objectif de 365 jours équivaut à la perte de deux veaux par an pour un troupeau de 50 vaches.
Afin d’aider les éleveurs allaitants dans cette étape clé, Lucie Germanique et Thomas Vauzelle, vétérinaires praticiens, ont souhaité développer un service spécifique pour leur clientèle autour de cette thématique. Nommée Opti’Repro, « cette démarche rassemble et synthétise des données et pratiques existantes. Elle est facile à utiliser sur le terrain et cherche à aborder le problème de reproduction de manière zootechnique », observe Thomas Vauzelle, avant d’ajouter : « s’il y a un souci de cet ordre, l’audit va permettre de le diagnostiquer par le recueil d’informations sur les pratiques de l’élevage, la réalisation d’analyses, d’échographies… Ensuite, il est important d’identifier l’origine du trouble de la reproduction. Par exemple, est-ce lié à l’infertilité du mâle, à une infécondité de la femelle, à des avortements ? Tous les facteurs de risques, une fois la cause connue, seront ensuite passés au crible : gestion du pré-troupeau, déroulé du vêlage, détection des chaleurs, ration avant la mise à la reproduction, profil métabolique (oligoéléments et vitamines) et parasitisme. Enfin, on se demandera comment faire pour améliorer les performances de reproduction. L’audit se déroule sur une année ».
Situer son élevage et déterminer les marges de progression
Les motifs du déclenchement d’un audit peuvent être multiples : problèmes sur les génisses, sur les primipares, problème global de reproduction. Les conséquences de l’infertilité du mâle sont souvent trés pénalisantes car observées tardivement, et il est alors très difficile de compenser les jours perdus. En pratique, un taux de gestation d’un lot inférieur à 90 % ou un taux de retours en chaleurs après saillie supérieur à 60 % doivent alerter quant à une éventuelle infertilité, mâle ou femelle.
Si l’origine du problème est « liée à une infertilité des femelles, on va d’abord étudier le planning de reproduction, avant de contrôler l’involution utérine (30 jours post-partum) et la cyclicité : toutes les vaches sans chaleurs observées 50 à 60 jours post-partum et génisses avant la mise à la reproduction. Enfin, un diagnostic de gestation sera réalisé sur les femelles 50 à 60 jours après la mise au taureau ou l’insémination », note Thomas Vauzelle.
Dans le cas d’Alexandre Aubard, installé sur l’exploitation familiale à Mouhers dans l’Indre, les raisons d’un tel accompagnement étaient différentes. « L’année dernière, pour améliorer la technicité globale de mon cheptel en axant les efforts sur des mesures préventives et en renforçant les éléments zootechniques, j’ai réalisé un audit Opti’Vo (NDLR un suivi pour améliorer le transfert immunitaire - voir Réussir Bovins viande, n°245, février 2017). J’ai alors évoqué ma volonté d’évoluer vers des dates de vêlages plus précoces. Le vétérinaire m’a proposé un accompagnement Opti’Repro pour m’aider dans cette démarche. Les observations faites permettent de déduire la conduite à tenir. On s’appuie sur du concret », explique l’éleveur, à la tête du troupeau d’une centaine de mères charolaises et limousines (8 à 10 % des mises-bas), avec une production de broutards et laitonnes alourdis vendus autour de 400-420 kilos et de génisses grasses. Actuellement, la période de vêlages s’étale du mois de janvier au mois de juin. L’objectif à terme est de démarrer en décembre pour finir en mars.
Agir sur les génisses et les vaches
« La façon la plus efficace et rapide pour avancer une période de vêlages est de travailler sur deux fronts en même temps. Le premier consiste à mettre plus tôt les génisses à la reproduction. Le second à sélectionner les vaches en fonction de leurs dates de vêlages et d’éliminer systématiquement les vaches avec un IVV trop long », rapporte Thomas Vauzelle.
La date médiane des vêlages (date à laquelle la moitié d’entre eux sont faits) se situe à la fin mars. Pour arriver à des vêlages de décembre à mars, il conviendrait de décaler cette médiane au minimum à début février, soit presque de deux mois. La quasi-totalité des génisses vêle en moins de deux mois et en début de saison de vêlages, ce qui remplit les objectifs concernant la conduite du pré-troupeau (60 % des mises-bas des génisses doivent avoir lieu en un mois et 85 % en deux mois). « Les génisses doivent être mises à la reproduction plus tôt dans l’année que les vaches. Elles ont plus de temps pour reprendre leur cyclicité entre leur premier vêlage et le début de la saison de reproduction suivante. La cyclicité des génisses est directement liée à la prise de poids. Il est donc important qu’elles aient atteint le poids objectif lors de la mise à la reproduction (75 % du poids adulte pour des vêlages 36 mois), ce qui est le cas ici. Par contre, le taux de renouvellement de 16 % sur l’élevage est en dessous de la moyenne (20-25 %) et mériterait d’être un peu relevé », note le vétérinaire.
Chez Alexandre Aubard, les lots sont relativement stables. Les primipares sont conduites à part en bâtiments et sont réintégrées aux autres lots de vaches à la mise à l’herbe. Les taureaux sont intégrés aux lots de vaches à la mise à l’herbe (autour du 15 avril) et retirés à la Toussaint. « À l’avenir, il est prévu de conduire les vaches en lots par dates de vêlage. »
Un équilibre alimentaire revu
« Avant vêlage, les gestantes disposent d’une ration foin à volonté, complémentée avec de l’avoine, de l’orge, du blé, un tourteau de colza et des minéraux. Après vêlage, elles passent à de l’enrubannage. Le rationnement avait été étudié dans le cadre du suivi Opti’Vo. Un concentré équilibré en énergie et en protéines, bien adapté à une alimentation foin, a été mis en place. La complémentation du cheptel en oligoéléments a été avancée de quinze jours, celle distribuée étant de qualité », poursuit Alexandre Aubard.
L’alimentation joue un rôle primordial dans les problèmes de reproduction (couverture des besoins énergétiques, apports en minéraux, en oligoéléments et en vitamines). En raison de l’importance et de la précocité de l’influence de la ration sur les performances reproductrices des vaches et des génisses, il est essentiel de contrôler la ration avant vêlage et après vêlage. Un déficit énergétique au cours de cette période allonge la durée de l’anoestrus postpartum et entraîne une diminution du taux de cyclicité. Les primipares étant encore plus sensibles. Un excès d’apport énergétique est tout aussi préjudiciable (allongement de la durée de l’anoestrus, reprise de cyclicité retardée). « À la mise à la reproduction, il est donc trop tard pour corriger le déficit énergétique et limiter la dégradation des performances de reproduction. En matière d’alimentation, la note d'état corporel constitue un marqueur d’aptitude à la reproduction pertinent et simple à évaluer chez la vache allaitante. L’objectif à la mise à la reproduction est d’avoir un maximum de vaches notées entre 2,5 et 3 et un maximum de génisses et primipares notées entre 3 et 3,5. De plus, la perte d’état à la mise à la reproduction ne devrait pas dépasser 1 point, au risque de diminuer fortement la fertilité », souligne Thomas Vauzelle. Les besoins azotés de maintenance, de gestation et d’allaitement d’une vache allaitante sont habituellement couverts par des fourrages humides de bonne qualité. Concernant les besoins azotés, de fortes carences ou excès sont également problématiques pour la reproduction.
Des objectifs clairement définis avec l’éleveur
La teneur en oligoéléments et vitamines des fourrages distribués aux animaux est très variable et souvent médiocre. Leur teneur en minéraux n’est pas toujours satisfaisante. Une carence en minéraux (calcium et phosphore), en oligoéléments (cuivre, iode, sélénium, zinc…) ou en vitamines (A, D3, E) avant la mise à la reproduction peut être à l’origine d’une baisse de fertilité.
« Les corrections doivent au maximum coller aux habitudes de l’éleveur et être apportées en accord avec lui. Le but est de ne pas bouleverser le système pour améliorer l’observance du conseil. La rédaction de comptes rendus permet de formaliser et de concrétiser le suivi de reproduction : liste des vaches diagnostiquées gestantes et datation des gestations, liste des vaches vides, liste des diagnostics de gestation à réaliser lors de la prochaine visite, détail des traitements effectués par le vétérinaire ou à faire par l’éleveur, synthèse et analyse des observations réalisées. C’est un moyen d’officialiser le conseil », précise le vétérinaire.
Pour l’éleveur, le coût de l’audit et des échographies nécessaires au suivi se chiffrent à plus ou moins 400 euros hors taxes, selon le nombre d’animaux, auxquels s’ajoutent les frais de déplacements et les coûts éventuels liés à la réalisation d’analyses.
Quatre critères sont essentiels à l’évaluation des performances de reproduction en élevage allaitant : l’IVV, le taux de gestation, la date médiane de vêlage, le taux de vêlages tardifs.