Quel bilan tirez-vous de ce programme ?
Josselin Andurand - Afin de répondre à l’objectif de réduction de 15 % de l’empreinte carbone de la viande bovine d’ici 10 ans, sans impacter ni la production, ni la capacité économique des exploitations, le projet collectif Life Beef Carbon qui a impliqué 57 partenaires de quatre pays européens (France, Irlande, Italie, Espagne) a permis d’évaluer l’empreinte carbone de 2 000 fermes dont 1 700 en France.
Des travaux complémentaires sur 200 fermes innovantes dont 125 en France ont par ailleurs poussé la réflexion plus loin afin d’identifier et de caractériser les réductions d’émissions et le potentiel de stockage. Sur les fermes innovantes, le potentiel de réduction moyen des émissions nettes s’élève à - 12 %. Pour aller au-delà, il est donc nécessaire de se pencher sur le stockage carbone. Dans les autres pays de l’Union européenne participant au projet, le potentiel moyen de réduction des émissions est relativement similaire.
Quels sont les principaux résultats ?
J. A. – L’un des enseignements importants réside dans l’absence d’antagonisme entre performance environnementale et performance technico-économique. Des corrélations ont également été mises en évidence telles que l’importance du nombre de prairies dans la réduction de l’empreinte nette de l’exploitation ou sur son impact positif sur la biodiversité et la qualité de l’eau.
Il existe un potentiel d’améliorations sur toutes les sources d’émissions et de stockage. L’optimisation technique de l’élevage (conduite du troupeau, limitation des animaux improductifs, optimisation des rations…) représente un véritable gisement d’améliorations de l’empreinte carbone. Le challenge désormais est de les faire passer sur le terrain.
Quelles suites au projet ?
J. A. – Ce plan a permis d’objectiver l’impact environnemental des exploitations bovins viande pour donner des réponses chiffrées face aux attaques de la société. Alors que le projet s’achève, l’enjeu est désormais centré sur la construction d’une stratégie environnementale. C’est donc dorénavant Interbev qui reprend le flambeau. Des projets régionaux ont vu le jour (Bourgogne, Franche-Comté, Hauts-de-France, Pays de la Loire, Nouvelle-Aquitaine).
Au niveau européen, des travaux se poursuivent pour trouver une hypothèse commune sur le stockage carbone des haies et prairies. On constate également une dissémination des démarches carbone au niveau de l’aval. Le programme Life Beef Carbon est un bon préalable pour la communication environnementale auprès d’ONG et représente une porte ouverte à un rayonnement international.
Sébastien Valteau, président d’Interbev Pays de la Loire - Le projet bas carbone (diagnostic carbone et coût de production) au niveau des Pays de la Loire est compris dans une déclinaison du plan filière financé dont le coût de 1 000 euros est supporté pour moitié par le plan d’avenir de la région des Pays de la Loire et pour moitié par le GIE élevage et l’interprofession des Pays de la Loire. Sans reste à charge pour l’éleveur. L’objectif est d’évaluer 1 700 exploitations sur cinq ans (la région compte 6 000 exploitations spécialisées viande). Pour les jeunes agriculteurs, ce plan est plus avantageux que le programme national où il reste à charge 150 euros. Par ailleurs, une structure - Solenat - a été mise en place pour accompagner au niveau local les ventes de crédits carbone. À ce jour, 158 fermes sont engagées sur la région.
Les premiers contrats crédits carbone ont d’ores et déjà été signés avec France Carbon Agri Association. Où en est-on ?
J. A. – Depuis 2020, les éleveurs ont la possibilité de faire certifier des initiatives de réduction de l’impact carbone de leur exploitation et d’émettre des crédits carbone. À l’heure actuelle, deux appels à projets ont été signés. Le premier implique 240 exploitations dont 113 en bovins viande pour une moyenne de 193 tonnes équivalent CO2 évitées et 48 tonnes équivalent CO2 stockées. Le second appel à projets concerne 1 300 éleveurs dont 500 en bovins viande. Ces efforts devraient en moyenne être rémunérés à hauteur de 7 000 euros par exploitation.
La valorisation économique des efforts fournis en matière environnementale représente une opportunité intéressante pour de meilleurs revenus et pour faire passer des améliorations techniques dans les fermes. Toutefois, l’amélioration technique du système reste plus rémunératrice pour l’éleveur.