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Engraissement : « Nous sommes convaincus des gains économiques depuis 40 ans »

Le Gaec Leybros, dans le Cantal, a créé son premier atelier de jeunes bovins salers purs en 1987. L’engraissement, élargi par la suite à la voie femelle, a toujours fait partie des solutions de diversification pour créer du revenu. Cette conduite challenge les éleveurs à la fois sur le pilotage des cultures et fourrages, l’alimentation et la sélection génétique de leur troupeau.

Dans une zone où le naissage pur prédomine, à Ayrens dans le Cantal, le Gaec Leybros est convaincu depuis longtemps des bénéfices économiques et techniques à tirer de l’engraissement. Dès la fin des années 1980, René Leybros et son frère Christian montent un appentis contre une grange existante pour engraisser les premiers mâles salers. « Au passage d’une exploitation individuelle à un Gaec à deux associés, il nous fallait trouver de nouvelles pistes de valorisation », explique René Leybros. Depuis la relève, les fondamentaux n’ont pas été remis en cause. La totalité des mâles purs est toujours engraissée sous le même appentis, ce qui représente une trentaine d’animaux finis chaque année.

Prix minimum garanti à six mois

Ces derniers sont sous contrat avec le groupe Altitude et valorisés pour la filière très jeunes bovins (TJB) salers. « Ce débouché représente un levier intéressant pour travailler la valeur économique de la race », appuie Victorien Leybros, installé avec son père et son oncle depuis 2013. « Je ne trie pas, je valorise tous les mâles, même les moins bons », soutient-il. Leur logique de rentabilité : marger par rapport au broutard. Les éleveurs apprécient par ailleurs contribuer à l’activité d’abattage local, et limiter le stress et les pertes adjacentes de poids à l’arrivée pour les animaux. Les jeunes bovins sont abattus entre 15 et 19 mois à un poids oscillant entre 380 et 400 kg de carcasse (R3) sur le site de Covial à Aurillac. Le prochain lot annoncé pour la mi-février 2025 a été assuré au prix minimum de 5,30 euros par kilo de carcasse. « Le contrat prévoit un prix garanti à six mois et repose sur une double mécanique : une indexation à hauteur de 70 % sur le coût de production de l’animal, basé sur le prix du maigre au moment d’engager les TJB et une indexation de 30 % sur le prix de la viande avant abattage, expose Catherine Entraygues, responsable qualité et développement des filières bovines à la coopérative. Ainsi, le prix du TJB peut être revu à la hausse en cas de conjoncture favorable. L’éleveur profite de la sécurité d’un prix plancher sans se trouver déconnecté d’opportunités de marché. »

1 ha de maïs fourrage pour huit à dix jeunes bovins

« Sur cet atelier, nous dégageons au minimum une marge sur coût alimentaire de 530 euros par taurillon », calcule Victorien Leybros. L’éleveur estime un coût de ration journalier entre 2,05 et 2,24 euros. « Les veaux après sevrage reçoivent graduellement 600 g à 2,4 kg de correcteur azoté, ce qui peut faire varier le surcoût de 10 à 15 centimes par jour. Ce qui conditionne notre marge, c’est la performance », reprend-il. Les éleveurs ont fait progresser peu à peu la part du maïs ensilage pour viser la plus grande autonomie en fourrages. Ils ont également introduit la luzerne sur les quelques plateaux volcaniques, qui leur assure de bons rendements (3 à 4 coupes par an) et un fourrage riche en protéines. Ils n’hésitent pas à diversifier un maximum leur assolement et implantent des couverts végétaux (RGI, trèfle incarnat) pour s’assurer quelques stocks supplémentaires. Profitant d’un agrandissement de terres, Victorien et son frère Valentin, nouvellement installé, implanteront trois hectares de maïs épi au printemps 2025, qu’ils récolteront en enrubannage. « Sa concentration en énergie se trouve à mi-chemin entre un ensilage de maïs plante entière et un concentré. C’est la solution trouvée pour assurer des croissances régulières sans avoir recours aux intrants. Aussi, nous devrions quasiment doubler le nombre de jeunes bovins nourris à l’hectare en comparaison au maïs fourrage », poursuit Victorien Leybros.

Le relief limite cependant l’intensification des terres, c’est pourquoi les éleveurs ont tout intérêt à maximiser la productivité sur les parcelles qui s’y prêtent. Les récoltes annuelles en céréales à paille varient entre 50 et 80 tonnes. « Notre système est aussi très gourmand en paille, quand nos besoins ne sont couverts que d’un tiers, mais le fumier tiré de l’engraissement n’est pas non plus une ressource à négliger », souligne Victorien Leybros qui comptabilise près de 4 000 m3 épandus sur les 190 hectares de terres mécanisables en 2024.

1 500 g/j en moyenne sur la durée d’engraissement

La maîtrise du coût alimentaire est le nerf de la guerre. L’investissement dans un bol mélangeur il y a six ans avait déjà permis de confectionner des rations plus complètes, non triables par les animaux. Cette maîtrise se traduit aussi au Gaec Leybros par un suivi extrêmement soigné dès le plus jeune âge et des pratiques avant le sevrage repensées. Les naissances s’échelonnent de la mi-août à début novembre en champ. Tous les veaux sont vaccinés par voie intranasale contre RS et Pi3 et par voie cutanée contre la bactérie Mycoplasma bovis. Quant aux mères, elles sont protégées contre la BVD et sont systématiquement déparasitées. « Le poste de vaccination pèse lourd dans nos frais vétérinaires. »

Durant l’hiver en bâtiment, les éleveurs réservent aux veaux un foin de seconde coupe – le meilleur en stock – et 300 g d’aliment complet à la mi-mars. Les mères regagnent les pâtures au printemps tandis que les veaux restent en stabulation, avec une tétée matin et soir. « Auparavant, les veaux suivaient leurs mères à la mise à l’herbe au printemps et nous leur mettions un nourrisseur à volonté. Leurs croissances avant sevrage avoisinaient les 800 g/j. Depuis le changement de conduite il y a six ans, les veaux affichent des GMQ de 1,6 kg/j. Ils ont gagné en docilité et se dépensent moins. » Les éleveurs veillent par ailleurs à écorner tous les veaux pour éviter tout risque de bagarres. Au moment de la séparation, « nous démarrons le rationnement au bol mélangeur de foin de luzerne, d’ensilage de maïs, de blé aplati et de correcteur azoté, avec comme objectif de croissance minimum avant tarissement 1,2 kg/j. »

Les veaux sont sevrés à l’âge de 10 mois. « Nous augmentons les quantités distribuées graduellement toujours en ration sèche avec comme repères 2,2 kg de MS ingéré par 100 kg de poids vif en début d’engraissement et plutôt 1,8 kg en fin de finition. » Une fois les récoltes achevées, les éleveurs font analyser tous leurs fourrages et arbitrent en fonction des stocks disponibles pour ajuster leurs rations. Si le blé vient à manquer, il est compensé par l’apport de maïs grain. « Le plus important, c’est de veiller à des transitions douces et d’assurer des croissances régulières. La ration sèche permet en ce sens d’accroître leur capacité d’ingestion sans surcharger leur foie. Nous ajoutons des levures vivantes pour faciliter l’ingestion et éviter les problèmes de subacidose. C’est au-delà de 400 à 450 kg que nous les poussons davantage, avec un GMQ visé à 1,6 kg. » Des pesées tous les 45 à 60 jours sont réalisées. « Les poids visés en fin de finition se situent autour de 650 kg pour répondre aux attentes de marché, sachant que le rendement d’abattage en race pure se chiffre à 58 % », évoque Laurent Montboisse, conseiller chez Altitude.

Vers davantage de veaux nés en race pure

« De voir comment nos veaux ont performé une fois engraissés nous donne une base bien plus précise pour juger de l’efficacité des accouplements réalisés », apprécie Victorien Leybros. Afin d’améliorer la valeur génétique du troupeau, les éleveurs ambitionnent d’abaisser le croisement à 40 %. « Le potentiel laitier est au rendez-vous, mais nous devons poursuivre nos efforts sur la conformation, le développement musculaire et la précocité de nos lignées », témoigne Victorien Leybros, qui a privilégié l’IA sur 25 vaches à la dernière campagne. Un nouveau bâtiment de 1 500 m² en aire paillée intégrale, dont l’ossature sera financée par un tiers investisseur en photovoltaïque, verra le jour d’ici fin 2025 pour accueillir davantage de bovins à l’engraissement. Les exploitants comptent poursuivre la vente des mâles croisés en broutards repoussés de 10 à 13 mois. « Ce débouché nous donne de la flexibilité dans les périodes de vente et il reste un bon complément de revenu malgré les contraintes sanitaires », souligne Victorien Leybros.

Pour en savoir plus, lire | Engraissement des broutards : quelles sont les opportunités de marché à saisir ?

Lire aussi | Viser la productivité, un impératif en engraissement

Chiffres clé du Gaec Leybros

180 vaches salers, conduite en croisement charolais à 60 %
200 ha de SAU dont 12,5 ha de maïs fourrage, 12 ha de blé d’hiver, 22 ha de prairies temporaires (dont 9 ha de luzerne) et le reste en prairies naturelles
Engraissement de 30 jeunes bovins salers, 30 génisses croisées rajeunies et 10 à 15 vaches de réformes en label rouge
3 associés

Plusieurs catégories engraissées pour garantir une rentabilité

Au Gaec Leybros, l’engraissement des femelles est aussi une affaire de longue date avec la finition au début des années 2000 de génisses croisées de 30 mois pour le groupe Altitude. « Nous sommes passés depuis à la valorisation de génisses de 18 mois pour abaisser le niveau de chargement et sécuriser davantage nos marges, particulièrement les années sèches », explique Victorien Leybros. Les éleveurs trient les trente meilleures en termes de potentiel de croissance, le reste part à l’export. Ces derniers valorisent en parallèle dix à quinze vaches de réforme labellisables. Toutes sont ensuite conduites à l’engraissement comme les mâles, en ration sèche.

 
<em class="placeholder">Catherine Entraygues, responsable qualité et service développement zone Auvergne au Groupe Altitude</em>
© L. Pouchard

Catherine Entraygues, responsable qualité et service développement zone Auvergne au Groupe Altitude

« Un travail culturel à mener »

« Dans le Cantal où la culture du naissage est particulièrement ancrée, les orientations de la politique agricole commune ne peuvent convaincre à elles seules. Le seul moyen de lever les freins à l’engraissement est d’apporter de la visibilité aux éleveurs. Les contrats TJB salers, qui incluent un prix minimum garanti à six mois, oeuvrent en ce sens. Près de 700 mâles purs de moins de 24 mois sont valorisés désormais, contre 200 il y a trois ans (poids visé à 360 kg de carcasse). Depuis peu, le groupe Altitude a ouvert la filière aux génisses pures salers (poids visé entre 280 et 360 kg de carcasse), pour celles dont l’avenir reproductif serait compromis. Basées sur la même mécanique que les TJB, elles bénéficient d’une prime de 15 centimes. L’objectif est triple : motiver les éleveurs à monter la part de leur cheptel en race pure, inciter à davantage de mises en place et lisser les sorties en appui de critères d’âge moins contraignants. »

Lire aussi |  « J’ai été accompagné pour faire évoluer mon système naisseur »

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