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« Nous avons introduit la race blonde d’Aquitaine dans les Alpes-de-Haute-Provence »

Au cœur des Alpes du Sud, le Gaec des Hauts Sommets a été la première exploitation du département à introduire la blonde d’Aquitaine. Située à l’opposé du berceau d’élevage, la famille Silve a trouvé comme porte d’entrée la participation aux concours pour créer du lien et enrichir ses connaissances sur la race.

« La blonde d’Aquitaine a été avant tout un choix de cœur », raconte Michel Silve. Retraité depuis peu, il a été le premier éleveur à introduire cette race dans les Alpes-de-Haute-Provence à la fin des années 1980. Une stratégie pour le moins audacieuse, qui a apporté son lot de difficultés. Niché à la pointe au sud de la chaîne des Alpes, à 1 400 mètres d’altitude, à Seyne, le troupeau a dû s’accommoder à un terrain montagneux et maigre en ressources. « Quant à moi, j’ai dû adapter mes pratiques à leur conduite d’élevage », reprend-il. Pour apprivoiser la race du soleil, Michel Silve a multiplié les déplacements en direction du Sud-Ouest. « À chaque vacances, je partais visiter des élevages là-bas. Je piochais quelques idées et les transposais à mon système. » Ces tournées étaient aussi l’occasion d’acheter quelques animaux. 

En l’espace de sept ans, Michel Silve parvient à constituer un troupeau de cinquante blondes d’Aquitaine, toutes inscrites à l’OS. Un travail de longue haleine puisque à l’époque, « il fallait troquer une vingtaine de laitières pour acheter quatre blondes », se rappelle Michel Silve. Poussé par plusieurs "parrains" rencontrés au cours de ses voyages, l’exploitant participe au premier concours national de la race, à Saint-Gaudens en Haute-Garonne, en 1997. Sur les trois taurillons qu’il présente, il décroche deux podiums. C’est là que l’aventure de la génétique commence.

L’éloignement géographique pose certaines limites

Trois ans plus tard, un de ses taureaux, Mathurin, à la musculature hors-norme, est désigné champion viande au salon international de l’Agriculture (SIA) à Paris. « Nous n’étions pas prêts à monter si vite, mais je n’ai plus jamais lâché après », confie Michel Silve. Si ces sorties en concours, renouvelées chaque année, sont principalement motivées par la passion, elles sont aussi l’occasion pour l’éleveur d’échanger avec ses pairs venus des quatre coins de l’Hexagone et d’entretenir une certaine ouverture. « Un lien indispensable pour questionner ses pratiques, progresser et innover », selon Valentin et Elsa Silve, qui ont repris l’exploitation familiale à la suite de leur père.

Aujourd’hui, l’histoire de la blonde se poursuit et le Gaec des Hauts Sommets compte parmi les élevages hors berceau reconnus au sein de la race. L’année dernière, les enfants Silve ont décroché le second prix au SIA avec Olika, une vache de 5 ans suitée de Tanak. L’éloignement géographique pose tout de même quelques limites pour se positionner en tant que sélectionneurs. « La vente de génétique ne reste que la cerise sur le gâteau », révèle Michel Silve. « À l’avenir, nous allons essayer de placer deux à trois jeunes taureaux à la station raciale de Casteljaloux (Lot-et-Garonne) mais les coûts de transport, sur minimum deux jours, et de pension sont élevés, sans l'assurance de vendre nos animaux derrière », soulève Valentin.

La vente directe comme solution pour tirer un revenu meilleur

Côté débouchés, les éleveurs peuvent en revanche tirer avantage de leur proximité avec la frontière italienne pour la voie maigre. Depuis l’arrivée des tout premiers pensionnaires en 1987, Michel Silve vend ses broutards en direct à un négociant en bestiaux convaincu des qualités de la race, avec qui il a tissé un partenariat de longue date. Les mâles de 300 à 380 kg sont engraissés dans un atelier d’engraissement de 1 500 têtes dans la région du Piémont. En 2022, ils se sont vendus à 4,30 €/kg vif de moyenne. « Pour les vaches de réforme, l’affaire a été plus compliquée au démarrage, reconnaît Michel Silve. Les bouchers alentour n’étaient pas très enclins à acheter des carcasses aussi lourdes et je me trouvais toujours déçu du prix payé. » Ce dernier ne se démonte pas et décide de se lancer dans la vente directe. Avec d’autres éleveurs motivés par le projet, il crée un atelier de découpe sur la commune.

Depuis vingt ans, l’outil collectif tourne, avec deux bouchers à temps plein. « Cette idée m’est venue d’ailleurs mais elle a solutionné mon problème de valorisation », ajoute-t-il. Via ce créneau, la blonde d’Aquitaine a trouvé une demande. Chaque année, vingt vaches de réforme à 500-550 kg de carcasse (kgc) de moyenne sont valorisées en caissettes ou au détail dans les magasins de producteurs aux alentours à un prix au kilo avoisinant les 17 euros. « La blonde d’Aquitaine est une race qui vieillit bien. Même à 8 ou 10 ans d’âge, elle rend une viande de très bonne qualité et tendre (68 % de rendement) », juge Michel Silve. Également, une dizaine de femelles, n’ayant pas un grand avenir en tant que reproductrices, sont vendues en direct comme veaux rosés de 7 à 8 mois. Leur prix s’établit à 19 €/kg pour un poids de carcasse moyen de 150 kg.

L’irrigation vient sécuriser le système fourrager

Pour que leur système naisseur engraisseur tienne la route sans se mettre dans le rouge niveau intrants, le Gaec des Hauts Sommets a progressivement grossi en surfaces pour atteindre une SAU totale de 110 hectares. « Cet agrandissement nous a permis d’introduire notamment la luzerne dans l’assolement. Sa culture nous a fait gagner en qualité de foin et les rendements sont au rendez-vous », indique Valentin. Les exploitants parviennent à effectuer trois coupes, dont les deux premières en enrubanné, à 8-8,5 tonnes MS/ha (tMS/ha). « Sur nos prairies naturelles, nous devons nous contenter d’une coupe à 4,5 tMS/ha, avant de faire pâturer », calcule-t-il.

Sur l’atelier bovin, l’autonomie fourragère est atteinte, sécurisée en partie par l’irrigation. « Nous avons la chance de nous situer au pied d’un versant de la montagne abondé par des eaux de ruissellement », souligne Michel. La famille Silve a installé il y a une cinquantaine d’années son propre réseau de captage sous pression, qui s’écoule par gravité. Cela leur permet de faire tourner un enrouleur et d’irriguer une quinzaine d’hectares, qui sont majoritairement des prairies naturelles. « C’est un filet de sécurité d’autant plus important que nos animaux ne montent pas en alpages collectifs l’été, renseigne Valentin. Il nous faut donc de l’herbe toute l’année et c’est ce réseau privé qui nous le permet. »

Amenant régulièrement des animaux en concours, les éleveurs doivent se montrer irréprochables sur le plan sanitaire. Or, en pâturage de montagne, « le statut 'indemne d’IBR' est requis depuis seulement deux à trois ans alors que notre cheptel l’a depuis vingt ans », remarque Valentin, qui regrette qu’il n’y ait pas un encadrement plus rigoureux dans l’assainissement des troupeaux. Dans le zonage ICHN, cela leur vaut chaque année des points de pénalités, compte tenu d’un chargement trop important mais le risque de contamination est trop grand.

Une mélangeuse pour mieux valoriser les fourrages produits

Les éleveurs font donc pâturer leurs 100 vaches blondes d’Aquitaine sur leurs prairies, de la mi-mai à la mi-novembre, sans jamais affourager l’été. Les terres très vallonnées et quasi toutes entourées de haies les contraignent à constituer de petits lots de dix à quinze bêtes sur des parcelles d’1 hectare en moyenne. L’hiver, les génisses d’élevage, les vaches et leur suite se répartissent entre une stabulation libre à logettes de 42 places et une autre en aire paillée intégrale de 40 places. « Nos quinze hectares d’orge (à 50-60 quintaux/ha) et de triticale d’automne (70 à 80 quintaux/ha) couvrent à 50 % nos besoins en paille », situe Valentin.

Pour la distribution alimentaire en bâtiment, le Gaec a investi en 2020 dans une mélangeuse. « Je me suis décidé après plusieurs visites d’élevages qui réalisaient leur mash à la mélangeuse. Un choix que je ne regrette pas : c’est l’outil qui tourne le plus sur la ferme », rapporte Valentin. Il sert désormais aussi pour l’atelier caprin, monté en 2017 (lire plus loin). « Nous faisons beaucoup d’enrubannage et il nous arrive parfois de rater des séries. Grâce à la mélangeuse, les rations sont plus homogènes et nous avons moins de refus. Cela améliore par ailleurs nos conditions de travail », poursuit-il. Pour l’engraissement, un bol unique est servi et seules 40 tonnes de maïs et 30 de tourteaux sont achetées en moyenne par an.

Entre le troupeau de blondes d’Aquitaines et l’atelier caprin, la fratrie semble avoir trouvé son équilibre, tant au niveau professionnel que personnel. Comme d’autres jeunes éleveurs installés dans la vallée, lors de l’ouverture des stations situées non loin de leur exploitation, ils troquent leur cote pour s’improviser moniteurs de ski. « Cette activité nous permet de voir autre chose et de dégager un revenu supplémentaire », rapporte Valentin. Côté élevage, il poursuit avec sa sœur dans les traces de son père tout en cherchant à gagner en confort de travail. « Quand nous aurons fini de rembourser la chèvrerie - d’ici à dix ans - nous investirons dans une plus grande stabulation en aire paillée pour loger en un seul lieu l’ensemble des effectifs bovins », projette Valentin.

Chiffres clés

110 ha de SAU dont 15 de céréales (orge, triticale), 25 de luzerne, 50 de prairies permanentes, le reste en parcours

80 vêlages en système naisseur engraisseur

250 chèvres de race Saanen pour une production laitière annuelle de 170 000 l

3 UMO dont 2 associés

Des vêlages regroupés pour simplifier le travail et mieux se protéger du loup

Bien que les exploitants aient une partie de leurs débouchés en vente directe, ces derniers se sont résolus à regrouper les vêlages entre septembre et novembre pour simplifier la conduite d’élevage. La reproduction se fait principalement en monte naturelle et est assurée par quatre taureaux sur la ferme. « Les veaux profitent mieux l’hiver en bâtiment, les lots sont plus homogènes et pour nous, les conditions de travail sont meilleures. Nous sommes moins dispersés dans nos tâches », remarque Valentin Silve. L’attention des éleveurs au moment des mises bas est d’autant plus importante depuis que le loup a pris ses quartiers dans la vallée. Si le prédateur n’ose pas s’attaquer aux vaches à gros gabarit, il s’en prend tout de même à leur progéniture. Il y a deux ans, les éleveurs ont retrouvé deux veaux morts sur un de leurs parcours, à 20 kilomètres. Depuis, toutes les vaches proches du terme pâturent près du site principal et sont rentrées en bâtiment jusqu’à ce que leur veau atteigne 10 jours d’âge.

Un atelier caprin en complément des vaches

Lorsque Valentin Silve s’installe en 2016, il craint de se retrouver en difficulté une fois seul aux commandes en lien avec la configuration des bâtiments d’élevage peu commode. Le projet de création d’un atelier caprin plaît à sa sœur, qui le rejoint sur la ferme à la suite de leur père en 2021.

La construction d’une stabulation neuve pour le troupeau bovin étant hors de portée, Valentin Silve décide, un an après son installation en 2016, de monter un atelier hors-sol de 200 chèvres laitières. « Je craignais de me retrouver seul sur l’exploitation, une fois mon père parti à la retraite. Ma sœur, Elsa, qui songeait elle aussi à s’installer, a été emballée par le projet caprin et m’a rejoint au sein du Gaec en 2021 », explique Valentin. La fratrie s’alterne pour la traite, matin et soir, et s’appuie sur l’aide d’un apprenti. Contrairement au troupeau bovin, l’atelier caprin est très consommateur en intrants (50 % des fourrages et la totalité de l’aliment sont achetés à l’extérieur) mais il a le mérite d’être une mine d’or en fumier. « Depuis l’arrivée des chèvres sur la ferme, nous avons doublé nos apports en fumier », soutient Valentin.

Un apport en fumier bénéfique pour les prairies

Les exploitants épandent environ 20 tonnes/ha de fumier qu’ils ont préalablement composté eux-mêmes six mois. Ils se sont équipés pour ce faire d’un épandeur à fumier avec option compostage. Ils n’hésitent pas à pailler un peu plus la litière des bovins et caprins pour assurer le coup en quantité et en qualité. « Nos prairies se sont métamorphosées depuis que nous avons changé nos pratiques. Elles ont retrouvé une flore riche et diversifiée alors qu’on ne voyait plus que des tiges auparavant », décrit Michel Silve. Les éleveurs ont pris le parti d’arrêter complètement les achats d’engrais. « Les rendements sont trop aléatoires d’une année sur l’autre, alors nous préférons mettre cet argent dans quelques bottes de foin et de paille supplémentaires pour sécuriser nos stocks », souligne-t-il.

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