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Mieux comprendre la biosécurité pour améliorer les pratiques

La maîtrise de la bonne santé des animaux est au cœur des préoccupations des éleveurs. Pourtant, la notion de biosécurité, protection globale des élevages, est très diversement perçue.

Jocelyn Amiot, vétérinaire praticien et président de la commission vaches allaitantes du SNGTV. « La biosécurité, c’est protéger son troupeau avec bon sens en appliquant les règles d’hygiène. »
© DR

« La notion de biosécurité regroupe l’ensemble des mesures visant à faire obstacle à l’introduction et à la diffusion d’un agent pathogène dans le troupeau, et celles empêchant ou limitant sa sortie pour éviter de contaminer un autre troupeau, l’homme ou encore l’environnement. On est donc face à des enjeux de santé animale mais également de santé publique dans le cas notamment des zoonoses », explique Cécile Chuzeville, du GDS de Saône-et-Loire. Aussi, la biosécurité représente un des leviers d’action de la réduction de l’utilisation des antibiotiques en élevages car moins d’agents pathogènes (bactéries, virus, parasites et champignons) et des agents pathogènes mieux maîtrisés, c’est moins de traitements, moins d’antibiorésistances, moins de pertes, moins d’impacts financiers…

« Les principales mesures de gestion des risques sanitaires sont familières aux éleveurs de bovins, mais le mot « biosécurité » reste encore méconnu voire porteur d’une image négative. En effet, selon une enquête(1) qualitative que nous avons menée à l’Institut de l’élevage, auprès de 44 exploitations laitières ou allaitantes dans cinq départements français, 77 % des enquêtés déclarent ne pas connaître vraiment le sens de ce mot en élevage bovin. Ce terme est pour eux associé à des productions qualifiées de plus intensives, ou bien lié à un type de production industrielle (chimique, nucléaire…) dans lequel ils ne se retrouvent pas. Or, vacciner, pratique courante, constitue une mesure de biosécurité car cela permet de maîtriser les pathologies », souligne Béatrice Mounaix, de l’Institut de l’élevage et co-auteur de l’étude.

Une perception variable des risques

« Ce travail a également permis de montrer que, si les principaux risques sanitaires sont connus des éleveurs (risques de contamination entre troupeaux et risques internes au troupeau, entre adultes et jeunes par exemple), leur perception varie et explique en grande partie le choix des mesures mises en œuvre dans les élevages, parfois incomplètes ou pas toujours effectuées dans les temps », poursuit Béatrice Mounaix. Les exploitants enquêtés considèrent que les mesures de biosécurité les plus importantes sont celles relevant de la biosécurité externe. Ainsi, les actions de prévention sécurisant les échanges d’animaux sont plébiscitées par 57 % d’entre eux. « Par contre, la pratique de la quarantaine, sécurisant l’entrée de nouveaux animaux, reste difficile à mettre en application, en raison de possibilités d’isolement limitées dans les bâtiments existants. » Les risques liés aux contacts fortuits entre des troupeaux voisins ou liés aux visiteurs et intervenants sont perçus comme moins graves.

Les pratiques de biosécurité interne sont quant à elles moins bien identifiées. En conséquence, elles relèvent davantage de la gestion de situations à problèmes que de prises de précautions. Par contre, la gestion des animaux malades représente l’une des trois mesures jugées importantes par les éleveurs de l’échantillon enquêté pour la sécurité sanitaire.

Un concept qui demande à être explicité

Limiter les frais vétérinaires est la principale motivation des éleveurs enquêtés à améliorer leur biosécurité. Des freins importants existent toutefois. Ils sont majoritairement d’ordre pratique. « La mise en œuvre de mesures de biosécurité se heurte le plus souvent aux habitudes de travail ainsi qu’aux contraintes des bâtiments et équipements existants », relève l’étude.

Le terme biosécurité nécessite donc d’être mieux explicité pour en améliorer sa perception par les éleveurs de bovins. « Il est nécessaire de rechercher ensemble des mesures de biosécurité adaptées au contexte et au fonctionnement des exploitations. C’est pourquoi, suite à cette étude, nous sommes en train de déployer des réunions participatives d’éleveurs et de groupes de co-innovation pour élaborer des solutions de biosécurité innovantes, plus faciles à engager car s’articulant avec l’organisation du travail », conclut Béatrice Mounaix.

(1) Ce projet, « La biosécurité vue par les éleveurs de bovins et leurs vétérinaires », a été réalisé dans le cadre du plan national écoantibio 2017.
Le saviez-vous

En 2017, les visites sanitaires obligatoires pour les bovins portent sur la biosécurité. Compte tenu de l’importance de la thématique, seuls les points de maîtrise « faire que le pathogène ne circule pas dans le troupeau » et « faire que le pathogène n’infecte pas l’homme » ont été retenus. Les autres points seront au programme de la prochaine visite.

Penser " protection de son cheptel »

« La biosécurité ! C’est un terme qui fait peur mais sous ce mot se cachent des notions de bon sens relatives à l’hygiène dont le seul but est de protéger le cheptel d'agents pathogènes externes. D’autre part, en respectant en amont les règles de biosécurité, l’éleveur peut financièrement s’y retrouver par la diminution des coûts de traitements », explique Jocelyn Amiot, vétérinaire praticien. Un programme de biosécurité comprend à la fois des mesures de biosécurité externe pour prémunir de l’introduction de pathogènes (contrôle et isolement des animaux introduits, hygiène des visiteurs…) et de biosécurité interne pour en prévenir la propagation dans le troupeau (organisation des soins, bonne gestion des animaux malades…).

« Avec l’augmentation de la taille des troupeaux, les mesures concernant les mouvements de personnes - techniciens, vétérinaires et surtout voisins - représentent à mon sens une priorité pour maîtriser les risques d’apport de pathogènes. L’hygiène est essentielle. Il est donc indispensable de leur proposer pédiluves, matériels de nettoyage des bottes et des mains. Ensuite, d’un point de vue zootechnique, tout achat est un danger potentiel pour l’élevage. Il faut les limiter autant que possible, mettre en place une quarantaine, réaliser les analyses des maladies réglementaires mais également d’autres très contagieuses comme la BVD, et surtout effectuer un diagnostic parasitaire (coproscopies) trop souvent oublié et à l’origine de contaminations par certains parasites dans des régions indemnes. Ce n’est pas parce qu’on connaît le vendeur qu’on ne peut pas acheter une maladie ! À chaque acquisition, on s’expose à des risques. La quarantaine devrait également être de mise pour les animaux de retour de centre de rassemblement ou de vente aux marchés », insiste le vétérinaire.

Un coût réduit par rapport à celui d’une épidémie

Intra-troupeau, il faut éviter le mélange des classes d’âge et des lots mais aussi du matériel de traitements (seringues pour vaches et veaux différentes). La gestion du pâturage est un volet important. « La double clôture élimine le léchage des animaux avec le troupeau du voisin. Le risque "voisin" est plus important que le risque "faune sauvage". Les déclarations de prêts, de mises en pension, d’alpages sont essentielles pour trouver l’origine de l’introduction d’un agent pathogène en cas de problème. » Ne pas oublier le nettoyage du matériel en commun. Il faut prendre le temps de donner un coup de nettoyeur haute pression. « Les taureaux en copropriété représentent également un danger. A minima, il serait bien de les isoler une semaine, le temps d’effectuer le contrôle des maladies réglementées et de la BVD. » L’alimentation (qualité, circulation de camions…) et les effluents sont également à prendre en considération pour se prémunir des contaminations.

Dans un cheptel, une immunité s’installe. Chaque cheptel a son propre microbisme. Donc, à partir du moment où l’on introduit un germe, même faiblement pathogène, on court des risques. « Le coût d’une case d’isolement (un bout de pré, une vieille écurie…), d’une quarantaine ou encore d’analyses n’est pas si conséquent au regard de celui d’une épidémie - en moyenne de 40 € par veau selon le cas. »

Exemple de mesures avec la salmonellose

Si un cas de salmonelle (zoonose) est détecté dans un élevage, des mesures de biosécurité seront mises en place selon le principe des cinq B (bio-exclusion, bio-compartimentation, bio-confinement, bio-prévention et bio-préservation). « On va essayer de répondre aux questions suivantes : comment est entrée la maladie ? Comment limiter sa diffusion ? Comment éviter la sortie du pathogène et de possibles contaminations humaines, animales et environnementales ? Comment éviter qu’elle ne re-entre ? », note Cécile Chuzeville, du GDS de Saône-et-Loire.

Les mesures de bio-exclusion (faire que le pathogène n'entre pas) se traduiront par la mise en place d’une quarantaine, la maîtrise des nuisibles (oiseaux) et des espèces domestiques (poules), la maîtrise de l’alimentation (qualité du stockage pour limiter la contamination des aliments par des fèces d’oiseaux par exemple) et de l’eau (qualité bactériologique).

Pour éviter la diffusion au sein du troupeau (bio-compartimentation), « un protocole de soins pouvant allier traitements antibiotiques et vaccination sera mis en place avec le vétérinaire de l’élevage associé à d’autres mesures d’hygiène et de conduite indispensables : isolement des malades et des vaches prêtes à vêler, élimination rapide des placentas et curage/nettoyage/désinfection des bâtiments ».

Éviter la vente des animaux malades représente de son côté une mesure de bio-confinement (faire que le pathogène ne sorte pas du troupeau) tout comme remplir l’ICA (information sur la chaîne alimentaire) qui repose sur l’Asda (attestation sanitaire à délivrance anticipée).

Cette dernière représentant également une mesure de bio-prévention (faire que le pathogène n’infecte pas l’homme par les produits viande et lait notamment), à laquelle s’ajoutent les règles d’hygiène (lavage des mains et port de gants, éviter les visites de personnes fragiles).

Les dernières mesures vont concerner la bio-préservation (faire que le pathogène ne persiste pas dans l’environnement). Elles passent par la gestion des effluents et notamment le fumier, par son compostage pour tuer les bactéries par élévation de la température et par un épandage sur cultures plutôt que sur pâtures avec enfouissement.

« Il faut dédiaboliser le terme biosécurité. C’est en fait beaucoup de bon sens dans ce que l’on fait et de la rigueur dans la façon de le faire. Lorsque l’on parle de programme de biosécurité, on pense beaucoup à la gestion des animaux lorsqu’ils sont en bâtiment. Attention toutefois à ne pas oublier le pâturage », conclut Cécile Chuzeville.

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