Boiteries : « Les lésions des pieds sont devenues courantes en élevage bovin viande »
La dermatite digitale est devenue une pathologie répandue en élevage allaitant. Des défauts de conformation du pied tendent aussi à être plus fréquents. Catherine Lutz, vétérinaire spécialiste des maladies podales des bovins, passe en revue les lésions le plus souvent rencontrées en élevage bovin viande.
La dermatite digitale est devenue une pathologie répandue en élevage allaitant. Des défauts de conformation du pied tendent aussi à être plus fréquents. Catherine Lutz, vétérinaire spécialiste des maladies podales des bovins, passe en revue les lésions le plus souvent rencontrées en élevage bovin viande.
« Certaines lésions des pieds sont devenues assez fréquentes en élevage allaitant. C’est le cas de la dermatite digitale, maladie infectieuse qui, il y a quinze ou vingt ans, ne se rencontrait pratiquement qu’en élevage laitier. Les défauts de conformation des pieds sont également en augmentation », a présenté Catherine Lutz, vétérinaire spécialiste de la santé des pieds des bovins dans le Bas-Rhin et membre du GTV Grand Est, à l’occasion d’une journée sur les boiteries organisée par la chambre d’agriculture de la Nièvre (1).
« Il est important pour les éleveurs allaitants de savoir distinguer les différentes lésions du pied », estime-t-elle. En cas de boiterie, la première étape consiste à établir un diagnostic complet de la locomotion du haut vers le bas du membre avec prise de la température. « Une arthrite du genou ou une fracture font aussi boiter, et quand une vache marche dans la paille, il est difficile de voir à quel niveau elle boite. Cela dit, dans 90 % des cas, l’origine de la boiterie se situe au niveau du pied. »
Des lésions d’origine génétique
Parmi les défauts de conformation du pied qui peuvent causer des boiteries en élevage allaitant, plusieurs sont d’origine génétique. C’est le cas des onglons asymétriques. « La morphologie du pied ne permet pas de faire un parage, et la vache va toujours marcher plus sur le gros onglon que sur celui interne », explique Catherine Lutz.
La concavité de la muraille, les onglons en ciseaux ainsi que la rotation de l’onglon sont autant de lésions qui auraient une origine génétique et qu’on constate en augmentation en bovins viande. La limace est une lésion ayant une origine majoritairement génétique mais pas toujours. Parfois elle apparaît à la suite d’un gros panaris. Dans tous les cas, la limace ne fait pas souvent boiter ou alors c’est qu’elle est associée à une autre lésion.
D’autres ne sont pas génétiques. Chez les vaches au pré, peut apparaître une seime longitudinale interne. Il s’agit d’une fissure qui part du milieu du creux axial. Les onglons un peu secs peuvent casser, et ensuite quand la corne pousse autour, cela crée une fissure. La seime cerclée apparaît elle quelques mois après que la corne a arrêté temporairement de pousser, souvent à cause d’un important traumatisme métabolique (césarienne compliquée, …). « Là où il n’y a pas de corne dans la seime, des pressions s’exercent sur le vif du pied et s’avèrent très douloureuses. Il faut aplanir la zone ! », souligne la vétérinaire.
Des lésions de la boîte cornée
Une part importante des maladies podales concernent des lésions de la boîte cornée : des ulcères et des décollements. « Elles trouvent leur origine premièrement dans la nature du sol sur lequel les vaches marchent. La deuxième cause est le poids de l’animal qui se répartit sur les onglons. L’alimentation arrive en troisième position des causes d’apparition de ces lésions », liste Catherine Lutz.
Ces lésions de la sole et de la ligne blanche ont toujours existé, aussi bien en élevage allaitant qu’en laitier. « On en voit de plus en plus chez des vaches allaitantes bien qu’elles passent très souvent l’hiver sur paille, et on pense que c’est parce que l’été, les pâtures sont extrêmement sèches et donc très dures. » Un sol de prairie avec des creux redevenus secs, par exemple après des dégâts de sangliers, un sol en escalier au niveau des sorties de pâtures ou encore en présence de cailloux peuvent causer des traumatismes sur les onglons.
Les bleimes et ulcères de la sole
Les bleimes sont des hématomes dans la corne qui apparaissent lorsque les pressions sont anormales au niveau des onglons. Ainsi un changement brutal de sol, un manque de parage ou un changement brutal de conduite d’élevage peut augmenter le nombre de cas dans un troupeau. La bleime circonscrite est le stade avant l’ulcère de la sole.
L’ulcère de la sole est la lésion classique que toutes les races présentent. Le détecter et le tailler correctement permet d’éviter son évolution en pied enflé qui oblige à traiter avec un antibiotique, voire ensuite en abcès du pied qui peut conduire à la réforme.
« En élevage allaitant, ce n’est pas facile de les voir car les vaches marchent dans la paille ou sont au pré et ce sont des battantes. Quand elles ont leur veau, elles ne montrent rien », constate Catherine Lutz. Les taureaux qui sont très lourds en ont encore plus. Aujourd’hui, on taille de plus en plus d’ulcères sur cette catégorie d’animaux et on voit beaucoup de pieds enflés faisant suite à des ulcères non taillés à temps. Ils provoquent des lésions internes et des infections profondes du pied nécessitant une médication antibiotique. »
Le décollement de la sole
Le décollement de la sole est extrêmement fréquent dans l’origine des boiteries. Il apparaît suite à une compression pendant un temps (difficilement estimable) de la couche de cellules productrices de corne dans le vif du pied. Une poche se crée entre deux couches de corne. À cause de la pression entre les deux couches, la corne finit par se liquéfier et sa macération fait mal et cause la boiterie. Un parage préventif est alors nécessaire pour éviter les complications.
Parmi les lésions infectieuses du pied, l’érosion de la corne du talon (le fourchet) reste relativement rare en allaitant sauf si le taux d’humidité est élevé dans les bâtiments. Des vaches qui traînent à l’abreuvoir par exemple peuvent parfois développer cette maladie sur les pattes avant.
La dermatite digitale
La dermatite digitale, anciennement appelée maladie de Mortellaro, a pris de l’ampleur ces dernières années. Certains élevages allaitants recensent beaucoup de cas, d’autres aucun, et un certain nombre ne savent pas si la pathologie est présente ou pas. « Si on n’a pas de dermatite digitale dans son troupeau, il faut être très vigilant envers les animaux qu’on achète car c’est la première porte d’entrée. Attention aussi aux voisins directs de pâture, conseille Catherine Lutz. Si on ne soigne pas tout de suite les lésions naissantes quand elles font de 2 à 3 mm, elles vont grossir. Elles ne sont pas faciles à voir sur des allaitantes dans la paille, mais dans l’idéal, c’est ce qu’il faudrait arriver à faire. »
La maladie n’est pas gérable sans être équipé d’une cage permettant de lever les pieds. « Il faut faire du parage préventif, c’est la mesure numéro un. Tout n’est pas élucidé encore dans cette maladie, mais on avance, note Catherine Lutz. L’intérêt d’installer un pédiluve est discutable en race allaitante, mais s’il y a beaucoup de cas de dermatite dans le troupeau, il faudrait le faire au travers d’un couloir de contention au moins deux fois par mois. Il faut également habituer les animaux (et les intervenants) à ce nouveau système. »
La nécrose
La nécrose, ce trou noir avec une phalange complètement disparue, n’a pas de lien avec la dermatite digitale contrairement à ce qu’on pensait depuis vingt ans. « D’après mon expérience terrain, le premier facteur de risque de la nécrose est la surpopulation en bâtiment et la mauvaise qualité de la corne en raison d’un défaut de minéralisation. On attend des publications scientifiques pour vérifier ces hypothèses. »
Le panaris
Le panaris est une infection profonde du pied qui nécessite un traitement antibiotique et anti-inflammatoire. C’est d’ailleurs une des seules lésions ayant besoin d’un traitement. Le pied est enflé symétriquement et centralement sous les ergots. La douleur est vive et d’apparition soudaine. L’origine du panaris est souvent méconnue mais son apparition est généralement liée à un traumatisme des onglons et/ou une baisse de système immunitaire.
À noter
Des panaris inhabituels qui ne guérissent pas, ou des épisodes de panaris sur de nombreuses vaches dans un troupeau pendant quinze jours par exemple, représentent des cas de « super panaris ». Un observatoire est mis en place pour mieux comprendre cette pathologie. Les vétérinaires sont invités à y signaler les cas qu’ils rencontrent.
Une « approche troupeau » pour mieux comprendre les boiteries
Pour lutter contre les boiteries, une « approche troupeau » est pertinente. « Si on veut comprendre l’évolution des maladies dans un troupeau, il faut prendre le temps de noter ce qu’on trouve quand on fait du parage », encourage Catherine Lutz. Le pareur et/ou le vétérinaire pourront à partir de ces notes échanger pour faire la relation entre les boiteries et les étapes de la conduite du troupeau, les variations de sol, l’alimentation… et identifier les facteurs de risque propres à l’élevage.
Regarder en premier l’onglon externe d’un postérieur
Les pieds postérieurs sont en cause dans près de 80 % des cas de boiterie. Les pieds antérieurs le sont dans environ 20 % des cas, mais la vétérinaire spécialiste Catherine Lutz constate qu’ils sont quand même de plus en plus souvent à l’origine de boiteries. « Ce qu’il faut retenir, c’est qu’à l’arrière, dans 90 % des cas, c’est l’onglon externe qui est le siège du problème et il faut commencer par regarder celui-ci. À l’avant, c’est l’inverse : 90 % des problèmes sont sur les onglons internes. » Ceci s’explique par plusieurs facteurs anatomiques et mécaniques de la locomotion de la vache.