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Maintenir les abattoirs de proximité

Les dernières décennies ont été marquées par une forte restructuration du secteur français de l’abattage. À côté des outils industriels de grande dimension, il est nécessaire de maintenir un maillage suffisamment dense du territoire pour permettre le développement des circuits de proximité et continuer à offrir la possibilité de recourir aux abattages d’urgence.

Au cours des quarante dernières années, le nombre d’abattoirs a fondu comme neige au soleil sur le territoire français. Au début des années 1980, il y en avait près de 700. Ils n’étaient plus que 263 en 2015, année où ils avaient ensemble permis de travailler un total de 3,51 millions de tonnes de bovins, porcins, petits ruminants et équidés. Des tonnages répartis entre 1,46 million de tonnes pour des abattoirs multiespèces et 2,04 millions de tonnes pour les abattoirs monoespèces. Pour faire simple, les tendances lourdes ont été la concentration des volumes sur un petit nombre d’abattoirs privés, en associant ce phénomène à la rationalisation des outils de production. La course aux « économies d’échelle » et à la rentabilité des « outils » explique en grande partie cette fonte du nombre d’établissements. La forte restructuration des différentes entreprises d’abattage a évidemment accentué ce phénomène. Les quatre leaders du secteur, à savoir le groupe Bigard, Elivia, filiale de la coopérative Terrena, la Société vitréenne d'abattage (SVA), filiale d'Intermarché et gestionnaire du plus gros abattoir français à Vitré en Ille-et-Vilaine, et l’entreprise coopérative Sicarev totalisent désormais 70 % des abattages de bovins.

Ce sont surtout les petits abattoirs qui ont disparu : sur les 125 abattoirs qui ont fermé entre 2002 et 2010, 64 produisaient moins de 1 000 tonnes par an. Les gestionnaires de beaucoup d'abattoirs de petite taille, le plus souvent publics, n'ont pas été en mesure de consentir les investissements nécessaires à leur mise aux normes. Beaucoup de collectivités ont préféré fermer ou vendre. Ces décisions se traduisent désormais dans bien des départements par des difficultés accrues pour faire abattre des animaux, en particulier lorsqu’il s’agit d’abattages d’urgence. Dans les territoires ruraux, la survie des abattoirs de proximité est pourtant essentielle pour favoriser le développement des activités agricoles et du commerce local.

« L’abattoir de proximité est le support indispensable à la boucherie traditionnelle, qui achète ses animaux sur pied et affiche l'origine locale de sa viande. Elle est appréciée des éleveurs car les prix d'achats des animaux en vif sont stables et rémunérateurs. (...) Il est l'appui indispensable aux circuits courts de vente directe de viande par les agriculteurs. Pour ces éleveurs qui transportent leurs animaux à l'abattoir avec les moyens de la ferme, la proximité est une nécessité impérative. Le développement des circuits courts est aussi bien adapté à la création d'un emploi complémentaire sur une exploitation et conforte l'objectif d'installation des jeunes en agriculture », explique un rapport du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux. 

Des dimensions très contrastées 

Les abattoirs français sont aujourd’hui de dimensions très contrastées. Coexistent de petits abattoirs locaux, à faible tonnage, et de grands abattoirs industriels. En 2015, toutes espèces confondues, les 97 abattoirs publics ont produit ensemble 288 723 tonnes, soit en moyenne moins de 3 000 tonnes chacun par an. Les 167 abattoirs privés ont abattu la même année 3 220 898 tonnes, soit une moyenne de 19 000 tonnes par an et par abattoir. Contrairement à la plupart des établissements publics, qui sont généralement multiespèces, la plupart des abattoirs appartenant à de grands groupes privés ou coopératifs ont été spécialisés sur une seule espèce, de façon à gagner en compétitivité.

« Les outils publics connaissent souvent des problèmes de rentabilité et donc de financement des investissements : ils sont rarement spécialisés et abattent tous types d’espèces, ce qui influe sur les cadences. Les abattoirs multiespèces de petite taille ne peuvent bénéficier d’économies d’échelle, et tout investissement est beaucoup plus long à rentabiliser que dans un abattoir monoespèce », souligne dans son récent rapport la Commission d'enquête parlementaire sur les
 conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français. « Les grands outils industriels travaillent systématiquement sur des volumes importants pour comprimer leurs coûts fixes. Mais leur rentabilité, très faible, peut rapidement devenir négative en cas de diminution des volumes traités. Si l'outil n'est pas saturé, les problèmes financiers peuvent s’accumuler en peu de temps. " 

Ramené au kilo de carcasse, le coût de l’abattage pour l’espèce bovine dépend de la taille de l’abattoir et du volume réalisé. D’après les auditions de responsables de ce secteur réalisées par la Commission d'enquête parlementaire, ce coût se situe en moyenne à 0,50 euro le kilo carcasse – le plus bas autour de 0,30 euro pour les gros abattoirs, le plus élevé à 0,80-0,90 euro pour les abattoirs de très petite taille, en raison du poids des équipements.

Cachez cette mort que je ne saurais voir ! 

Les premiers abattoirs ont été créés à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe. Jusqu’à cette époque, les animaux de boucherie étaient abattus dans des tueries individuelles qui ne camouflaient pas grand-chose de la mise à mort des animaux puis de la préparation de leurs carcasses. Au début du XXe siècle, une série de lois vont aller dans le sens de la généralisation des établissements spécialisés.

À la fin du XIXe siècle, la plupart des grandes villes possèdent un abattoir, mais ce n’est pas le cas dans toutes les zones rurales. Dans certaines communes, jusqu’au début du XXe siècle, les animaux étaient encore souvent abattus à l’arrière de la boucherie. « L’histoire des abattoirs est, finalement, assez simple : elle est celle d’une mise à l’écart progressive, pour des raisons sanitaires évidemment, mais également pour des raisons morales, l’objectif étant de soustraire au regard des citoyens l’acte de mise à mort des animaux qu’ils consomment. Conjuguée à l’industrialisation des modes de production, cette occultation a abouti à une distance de plus en plus grande, et aujourd’hui excessive, entre les consommateurs de viande et les conditions de production et d’abattage de cette viande. (…) Aussi crée-t-on progressivement un monde coupé de l’extérieur : quelques hommes seulement vont accomplir le geste de mise à mort que désormais la société ne veut plus voir », résume dans son rapport la Commission d'enquête parlementaire sur les
 conditions d’abattage des animaux de boucherie dans les abattoirs français

Focus régionaux

Le poids lourd breton 

D’après des données diffusées par Agreste, le département statistiques du ministère de l’Agriculture, la Bretagne occupe devant les Pays de la Loire le premier rang des treize régions métropolitaines françaises pour les abattages de gros bovins, avec 21 % des tonnages. La Bretagne compte dix-huit sites d’abattages de gros bovins, dont sept abattent plus de 10 000 tonnes. Quatre des cinq plus importants abattoirs français de bovins sont bretons. Cette région se caractérise par l’importance de la part des animaux laitiers dans les abattages (laitières de réforme et veaux). Autre caractéristique de l’abattage breton : près de 60 % des gros bovins abattus proviennent d’autres régions. 

Forte diversité en Auvergne-Rhône-Alpes

La région Auvergne-Rhône-Alpes totalisait quarante-deux abattoirs en 2016, dont deux spécialisés sur la seule espèce porcine. Neuf abattoirs mixtes ou spécialisés en bovins totalisent plus de 7 300 tonnes. À signaler la présence de vingt-quatre établissements multiespèces de petite taille (moins de 3 000 tonnes). Ils permettent de satisfaire les besoins des filières courtes (vente directe, abattages familiaux, boucherie artisanale). Une des caractéristiques des outils de la région est d’abattre plus d’animaux qu’il ne s’y en produit. Environ 40 % des gros bovins abattus proviennent des régions périphériques, principalement Bourgogne et Limousin. C’est tout particulièrement vrai pour les vaches allaitantes. 

Gros abattoirs dans les Pays de la Loire

Dans les Pays de la Loire, il n’y avait en 2016 que dix abattoirs exerçant une activité pour l’espèce bovine, mais il s’agissait en revanche d’outils de dimension conséquente : à eux seuls, ils ont réalisé en 2016 un peu plus de 15 % des abattages nationaux de gros bovins, soit 198 898 tonnes équivalent carcasse. Mais ces volumes ont eu tendance à s’éroder ces dernières années. Alors que les Pays de la Loire sont la région phare pour la production de taurillons issus du cheptel allaitant, un quart d’entre eux sont désormais abattus en Bretagne.

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