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Ethologie
Les vaches ont beaucoup à nous dire

S’attarder sur les signes envoyés par nos animaux n’est pas une perte de temps, ni d’argent. Cela permet de mieux les comprendre pour réagir tôt (adaptation de la ration, du logement…) et améliorer sa relation avec le troupeau.

L’observation de nos animaux nous enseigne beaucoup de choses. Apprendre à décoder leur comportement pour réagir rapidement, c’est payant. Le fait de détecter un maximum de signes et d’intervenir en conséquence, avant que les problèmes véritables n’arrivent, améliore en effet la santé des vaches et la performance de votre élevage. Un bovin en forme, c’est moins de travail et de stress ! », note Pauline Woehrlé, responsable pôle agriculture biologique et durable à Eilyps, lors d’une formation sur l’éthologie bovine. « Vos vaches vous parlent mais savez-vous ce qu’elles vous disent ? A travers son comportement, ses postures, son corps, une vache émet en permanence des signes qui renseignent sur sa santé, son bien-être et son alimentation. Tout l’enjeu est de prendre le temps de les décoder (cinq minutes par jour à ne faire que ça) et de se poser les bonnes questions (qu’est-ce que cela signifie, quelle cause, qu’est-ce que cela entraîne, quels correctifs allons-nous apporter ?). On développe son sens de l’observation pour déceler des choses que la routine quotidienne empêche de voir. La compréhension de ses bovins commence avant tout par une bonne connaissance de leur comportement », poursuit la responsable.

Les bovins sont des animaux d’habitudes

La compétition entre les animaux tout comme la notion de mouvements d’intention sont importantes à repérer. Le troupeau bovin obéit à un ordre social comprenant des animaux dominants (autour de l’auge ou des points d’eau), des leaders (souvent les plus curieux), des dominés et des marginaux. Au sein des cheptels, des sous-unités sociales de 20 animaux se forment. « Lors de nouvelles introductions, 24 heures sont nécessaires à la mise en place d’une nouvelle hiérarchie puis 3 à 7 jours pour trouver un nouvel équilibre. Le stress oxydatif créé alors est très important, il vaut donc mieux éviter l’intégration d’un animal seul, d’autant plus si c’est une génisse. » De même, il est indispensable de regarder le troupeau dans son ensemble avant d’aller au particulier. Il faut ainsi vérifier en premier lieu l’homogénéité du troupeau ou d’un lot (état d’engraissement, propreté, couleur et texture de la peau, comportement) et observer le déroulé des différentes séquences qui rythment le quotidien des vaches (boire, s’alimenter, se coucher, ruminer…). « Le matin correspond au repas le plus important de la journée, le début d’après-midi à la phase de rumination la plus longue pendant laquelle il est donc préférable de ne pas les déranger. La rumination est un bon indicateur : 75 % des vaches doivent être couchées à 14 h et 75 % d’entre elles doivent ruminer », souligne Pauline Woehrlé, avant de préciser que « les bovins sont des animaux d’habitudes. Tout changement entraîne du stress et leur demande un temps d’adaptation. »

De l'air, du repos, de la lumière

Distribuer une ration adaptée est une bonne chose mais encore faut-il qu’elle soit bien consommée. Pour que les vaches mangent beaucoup de petits repas et ruminent sereinement, l’alimentation doit être facilement accessible et appétente. Les vaches ont un goût et un odorat très prononcés. Le fait de donner et de repousser régulièrement la ration les incite à revenir manger et limite le volume des repas contribuant ainsi à maintenir un pH ruminal plus stable. La stabilité ruminale se repère grâce à l’homogénéité du troupeau, aux zones de léchage des animaux (si instabilité, les vaches se lèchent en arrière de l’épaule 2 heures après repas) et à la qualité des bouses.

Les bovins ont besoin de repos pour ruminer. En stabulation, ils doivent pouvoir se coucher entre 12 et 14 heures par jour. « Le repos est primordial pour optimiser leur production et améliorer leur santé et leur bien-être. D’où l’importance d’un couchage confortable, sain et facilement accessible. La lumière contribue au bien-être des bêtes et de l’éleveur. L’éclairage recommandé est de 150 à 200 lux, autrement dit suffisante pour lire le journal sans problème dans toute la stabulation, pendant 16 h par jour. Les vaches, comme les humains, ont besoin de périodes d’obscurité (au minimum 6 heures par jour) mais aussi d’air. » La ventilation est essentielle pour gérer la température et l’humidité. Enfin, l’espace dans la stabulation détermine la liberté de mouvements des animaux et une bonne prise au sol favorise leurs déplacements.

Lire les signes d'un dérèglement alimentaire

Le jugement du bon équilibre de la ration (balance des apports énergie-fibre-azote) nécessite d’être établi sur plusieurs animaux et d’être répétitif. « Certains signes deviennent significatifs s’ils se retrouvent sur les deux tiers du troupeau ou du lot observé, avec des stades d’apparition similaire. L’analyse demande également de croiser les différents signaux entre eux pour ne pas conclure trop vite. Il faut prendre en compte trois critères sur trois sites distincts (bouses, pieds, museaux, yeux, poils et peau, urines, léchage, en général). » Tous les signes sont à inscrire et notamment ceux qui ne sont pas explicables car on peut en trouver la cause ultérieurement. Tous ces indices (rumination, note d’état, remplissage de la panse, forme et texture des bouses, propreté, activité des animaux…) seront les garants d’un bon équilibre de la ration. Ils mettront en évidence d’éventuels problèmes de transition alimentaire, de quantités distribuées, des défauts dans le bâtiment des animaux : aire de couchage, accès à l’auge, aux points d’eau…Quelques minutes consacrées à l’observation peuvent être vite rentabilisées. 

Une vache boit en moyenne, selon la saison et la nature de sa ration, entre 50 et 110 litres d’eau par jour. Au même titre que la ration alimentaire, une eau de boisson saine et en quantité suffisante est primordiale. Le nombre, le type, l’emplacement et la propreté des abreuvoirs doivent répondre aux besoins des animaux.

Porter une blouse avec l'odeur de l'exploitation réduira leur stress 

Au-delà du confort ou de l’alimentation, la relation homme - animal représente un véritable enjeu pour l’éleveur. De son point de vue, une interaction positive avec son troupeau lui permettra de travailler en sécurité. D’autre part, cette relation peut aussi impacter la production de plus ou moins 20 %. En effet, la peur et le stress de l’animal engendrés par des manipulations aversives de l’homme aboutissent à des conséquences sur la quantité et la qualité de la production (diminution de la croissance, problèmes de reproduction, santé…). D’autres facteurs interviennent, tels que le caractère de l’animal (critères génétiques), mais sur ceux-là, l’éleveur est impuissant. La mère est un élément déterminant dans la relation avec l’éleveur. Ainsi, plus elle est habituée à l’homme, plus le veau sera calme avec les humains et vice versa. Le facteur groupe est aussi à prendre en compte. La peur se transmet en effet au sein d’un troupeau, en particulier par l’odeur des urines, pouvant ainsi modifier les réactions des animaux et en entraîner d’autres plus inattendues. Les bovins disposent d’un odorat très développé. « Il vaut donc mieux éviter par exemple de réutiliser un vêtement ayant servi lors d’une intervention anxiogène. Lors de soins réalisés par le vétérinaire, si ce dernier n’utilise pas une blouse jetable, lui prêter une blouse avec l’odeur de l’exploitation est un bon moyen de réduire le stress induit par les odeurs. »

Cette relation entre l’éleveur et son troupeau se construit tout au long de la vie de l’animal. Cependant, des périodes dites « sensibles » ont été identifiées comme favorables pour entrer en contact avec les bovins : la mise-bas, le jeune âge et le sevrage. En allaitants, la mise-bas est un moment à utiliser avec précaution, l’approche pouvant s’avérer dangereuse en l’absence d’une case spécifique pour les veaux. Il faut toutefois être absolument présent auprès de ses animaux pour que le jeune comprenne que l’homme fait partie de son monde. Le sevrage représente une étape clé pour le veau. Il faut profiter de cette opportunité.

La relation homme-animal impacte la production
Définition

L’éthologie, du grec « ethos » qui signifie « mœurs » et « logos » qui signifie « science » s’intéresse aux comportements des animaux dans des conditions de vie données mais variables. Elle porte sur les comportements en eux-mêmes, ainsi que sur leurs causes et leurs fonctions.

L'éthologie s’est développée essentiellement dans la seconde moitié du XXe siècle.

Pour en savoir plus
- Travaux de Jean Cousineau, agronome-enseignant, Institut de technologie alimentaire, Québec.
- Signes de vaches, connaître, interpréter, observer, Jan Hulsen, Roodbont Publishers.
- Fiche technique Bien réussir la manipulation des bovins, FiBL, Bio Suisse, Demeter, MABD, IBLA, disponible en accès libre (shop.fibl.org/CHfr/mwdownloads/download/link/id/678/?ref=1).
 

Évaluer la relation homme-animal dans un troupeau

Il existe des moyens d’évaluer la relation homme-animal qui peut être définie comme le niveau de lien ou de distance entre l’éleveur et son troupeau. On peut, par exemple, en mesurant la distance d’approche d’un animal, déterminer la qualité des interactions précédentes entre ces deux protagonistes. On parle alors de distance de fuite. Elle correspond à la proximité que tolère un animal avant de s’enfuir ou de charger. Elle varie en fonction de deux critères : la réactivité de l’animal et la qualité de la relation avec l’éleveur. Elle peut ainsi permettre d’évaluer la peur vis-à-vis de l’homme. Concrètement, il faut se placer à trois mètres des animaux et s’avancer au fur et à mesure. Cette distance a aussi des conséquences économiques : plus elle est importante, moins la croissance des animaux est bonne.

Avis d’éleveur

 « Plus d’attention aux vaches »

« Le comportement des vaches révèle beaucoup de choses. Installé depuis quatre ans, j’ai souhaité suivre cette formation sur l’observation des bovins pour mieux comprendre leur comportement, prévenir les problèmes plus facilement et mieux les anticiper. Quinze jours après avoir suivi la formation, je porte davantage d’attention à mes bêtes et je peux désormais analyser ce que j’ai vu. »

David Guillou, éleveur de 30 mères limousines à Riec-sur-Bélon dans le Finistère

Avis d’éleveur

« Aller dans le détail »

« En cours d’installation sur l’exploitation familiale qui comprend un atelier porc et un troupeau de bovins, j’ai participé à la formation sur l’observation des bovins par curiosité. Elle permet de mettre l’accent sur des points auxquels on ne pense pas. Sur les petits détails pour encore progresser. Je vais davantage observer les animaux à des moments différents des travaux quotidiens. J’essaie également de passer plus de temps avec les veaux pour les apprivoiser. Je compte également être plus présent avec les génisses au moment du sevrage. »

Benjamin Robert, éleveur de 40 mères charolaises à Coëtlogon dans les Côtes-d’Armor

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