Le mûrier blanc : une ressource fourragère à fort potentiel
Valeur alimentaire et rendement placent cette essence sur la même ligne que la luzerne sur le plan de l’intérêt fourrager. Les conditions dans lesquelles le mûrier blanc récolté peut répondre aux besoins des éleveurs sont à l’étude en Ariège, dans le cadre du programme Agrostyl.
Valeur alimentaire et rendement placent cette essence sur la même ligne que la luzerne sur le plan de l’intérêt fourrager. Les conditions dans lesquelles le mûrier blanc récolté peut répondre aux besoins des éleveurs sont à l’étude en Ariège, dans le cadre du programme Agrostyl.
Le mûrier blanc – Morus alba — nourrit les vers à soie depuis l’Antiquité. Il peut aussi entrer dans le régime alimentaire de bien plus grosses bêtes. Cet arbre est couramment utilisé comme ressource fourragère en Amérique latine pour élever des petits ruminants et aussi des vaches. Il a été identifié comme l’une des essences les plus prometteuses pour améliorer l’autonomie alimentaire des élevages face au changement climatique par l’Inra de Lusignan. En 2017, dans le cadre du projet Agrosyl animé par la chambre d’agriculture de l’Ariège, une plantation pilote de mûrier blanc a été mise en place chez des éleveurs de Limousines installés en bio sur les coteaux des Pyrénées.
« Nous étudions l’intérêt de cette espèce en peuplement dense pour l’affourragement en vert et l’ensilage », explique Mehdi Bounab, de la chambre d’agriculture. « À l’issue du programme en 2020, des références seront produites sur l’adaptation de l’essence, son rendement, la fréquence et les modes de récoltes et sa valeur alimentaire. »
Le site pilote s’étend sur 0,2 hectare (120 x 17 m). Les mûriers sont plantés en lignes tous les 50 centimètres, avec un interrang de 80 centimètres, soit une densité de 25 000 pieds par hectare. Du fumier de bovins a été apporté au moment de la plantation, à raison de 72 unités d’azote par hectare. Le binage a permis de maîtriser le salissement. Il n’y a pas de maladie à signaler sur cet essai. Une coupe d’uniformisation a été réalisée douze mois après la plantation. La première récolte est intervenue quelques mois plus tard, à 50 centimètres de hauteur du sol, avec une ensileuse à maïs semence.
Une « banque de protéines » à récolter
« Nous prévoyons maintenant de réaliser deux ensilages par an, en juin et en septembre, explique Mehdi Bounab. Grâce à leur enracinement, les arbres fournissent une bonne pousse en période chaude. » Pour la première année d’exploitation, le rendement est de 4,1 tMS/ha. « Il devrait s’établir entre 10 et 12 tMS/ha les années suivantes, avec des arbres arrivés à maturité. »
La valeur alimentaire a été évaluée sur 60 échantillons en 2018. « En moyenne, le mûrier a donné 30,5 % de MS, 19,3 % de MAT, avec une digestibilité de 80 %. Il tient donc la comparaison avec la luzerne. » Les Limousines ont d’ailleurs tout bien mangé, que le mûrier ait été distribué en vert ou en ensilage. Le fourrage récolté n’est composé que de feuilles et d’une petite partie de tiges faiblement ligneuses.
Il reste beaucoup à étudier sur cette espèce avant de pouvoir faire des recommandations. « La place du mûrier dans les systèmes fourragers pourrait être celle d’une ressource complémentaire, constituant une 'banque de protéines' à exploiter au gré de ses besoins », avance Mehdi Bounab. Le mûrier blanc pourrait être planté en petits îlots ou en bordure de parcelle, comme haies vives.
Les éleveurs sont intéressés par le pâturage du mûrier, sur le site expérimental en Ariège. Marcel et Jean-Baptiste Authier ont constaté que les Limousines suitées l’ont consommé assez facilement, et que le mûrier a repoussé au cours du mois d’août en deux semaines après un premier passage des bovins. « Pour favoriser la production de biomasse, la conduite la plus efficace est celle d’une plantation à haute densité à récolter, pour affourragement en vert ou ensilage, conseille Eliel González-Garcia, de l’Inra de Montpellier. Ceci permet de gérer finement la lignification des pousses, d’éviter les blessures des plantes et de garantir la résilience de la plantation sur le long terme. » La pérennité en zone tropicale est de 20 à 30 ans.
Des sols un peu profonds et pas trop de froid
Le mûrier est présent un peu partout en France. « C’est une espèce très plastique par rapport aux conditions pédoclimatiques, et très résistante aux maladies », explique Eliel González-Garcia, de l’Inra de Montpellier. "Cependant, si l’on vise un certain niveau de rendement, c’est une espèce qu’il faudra probablement réserver aux zones de France à climat tempéré », estime Mehdi Bounab de la chambre d’agriculture de l’Ariège.
Tolérant à la sécheresse, il supporte des températures très élevées mais entre en dormance en deçà de 13 °C de température moyenne annuelle. Il craint le gel mais cela ne l’empêche pas de rejeter au printemps. Il nécessite par ailleurs des sols un peu profonds (au moins 50 cm).
On sait peu de chose sur les variétés de mûrier blanc disponibles, mais il a été sélectionné pour l’alimentation des vers à soie. Il ne contient aucun facteur antinutritionnel, et est riche en antioxydants.
Le frêne est l’autre espèce d’arbre dont la valeur alimentaire est aussi très intéressante, quoique bien en dessous de celle du mûrier. Selon des résultats de l’Inra de Lusignan, le frêne contient 15 à 16 % de MAT avec une digestibilité de plus de 70 %.
En savoir plus
Le projet Agrosyl étudie l’amélioration de l’autonomie fourragère et du bien-être animal grâce aux arbres et au bois. Il porte au niveau expérimental sur quatre volets : produire des plaquettes forestières pour la litière, faire des éclaircies pour le pâturage en sous-bois, valoriser des ressources ligneuses pour l’alimentation et planter des arbres fourragers.