Comment se traduisent les périodes de confinement successives pour votre profession ?
Jean-François Guihard - Elles nous sont plutôt favorables et confirment une tendance de fond observée depuis quelques années. Le panel Kantar fait état d’une progression des volumes comprise entre 13 et 15 % en 2020. Chiffres en phase avec les enquêtes menées auprès de nos adhérents. Cette tendance est valable dans la plupart des magasins, hormis ceux situés dans les stations de sport d’hiver et certaines zones côtières où l’activité touristique a forcément été réduite ainsi que ceux réalisant une partie importante de leur chiffre d’affaires avec leur activité traiteur (annulation et reports d’événements familiaux et professionnels). Les boucheries qui ont progressé ont vu arriver une clientèle plus jeune. Dans la mouvance actuelle du « mieux manger », elle redécouvre la proximité, la qualité et le service. Nos boucheries artisanales représentent entre 15 et 20 % de la viande bovine vendue en France. Elles sont bien réparties sur l’ensemble du territoire : 60 % d’entre elles sont dans des villes de moins de 10 000 habitants.
Comment évolue le métier auprès des jeunes générations ?
J.-F. G. - On constate une progression du nombre d’apprentis dans les centres de formation. Il y a 10 ans, ils étaient 6 000 à être formés chaque année. Ce chiffre avoisine désormais les 10 000.
Autre phénomène, la reconversion d’actifs disposant d’un bon niveau de formation (bac + 2 à bac + 5) qui, jusque-là, travaillaient dans d’autres secteurs d’activité : experts-comptables, informaticiens, chargés de marketing, architecte, militaires en fin de carrière… et même un notaire !
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Ils effectuent cette reconversion après avoir passé le cap de la trentaine. Certains avaient dans leur cercle proche de la famille ou des amis travaillant dans les métiers de bouche. Mais ce n’est pas toujours le cas. La plupart ont la volonté d’être à la tête de leur entreprise. Nous avons mis en place une nouvelle formation pour répondre à ce genre de profil : la licence professionnelle commerce boucher manager.
Quelle est la proportion de bouchers qui achètent encore directement en ferme ?
J.-F. G. - Les achats en ferme concernent actuellement entre 10 et 15 % des artisans bouchers. Et il me semble que ce mode d’approvisionnement gagne un peu de terrain. Les bouchers qui achètent en ferme peuvent se scinder en deux catégories : celle des bouchers de campagne travaillant avec des éleveurs situés à proximité de leurs magasins mais cela concerne également des bouchers de grands centres urbains. Ils nouent de vraies relations de partenariat avec des éleveurs situés parfois à plus de 300 km de leurs magasins, lesquels leur produisent des animaux bien en phase avec ce qu’ils attendent. C’est l’idéal pour favoriser cette notion de proximité et de filière courte : l’éleveur, l’abattoir, le boucher.
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C’est aussi ce qui différencie la boucherie artisanale des autres circuits. Pour nous, la viande n’est pas du minerai. On apprécie de connaître l’éleveur et on gagne évidemment à mettre en avant l’origine de l’animal auprès de notre clientèle. Il y a en France de très bons éleveurs et la boucherie artisanale est le débouché qui permet la meilleure rémunération des animaux issus du cheptel allaitant.
Vous souhaitez faire inscrire votre métier au patrimoine immatériel de l’Unesco. Quelles spécificités souhaitez-vous mettre en avant ?
J.-F. G. - Notre spécificité, c’est notre art de la découpe. Notre savoir-faire pour détailler les muscles d’une carcasse est par exemple très différent de ce qui est pratiqué à l’étranger où les muscles sont souvent répartis en seulement quatre ou cinq catégories pour être grillés, bouillis ou hachés. De nombreux confrères étrangers qui nous rencontrent et nous sollicitent découvrent des morceaux qui ne sont pas valorisés chez eux : la poire, le merlan, l’araignée… En France, les muscles d’une même carcasse sont répartis en une quarantaine de morceaux différents. C’est très lié à la richesse de notre gastronomie. Nous avons également cette particularité d’avoir de nombreuses races à viande. Elles sont bien adaptées à leur territoire et sont associées à un savoir-faire ancestral du travail de la viande. C’est tout cela, ce que l’on entend mettre en avant, toujours dans l’esprit de filière et de valorisation du travail des éleveurs, sans oublier les abattoirs et les grossistes.
Pour nous, la viande n’est pas du minerai