Marchés aux bestiaux
Le gré à gré recule, les cadrans progressent
Même s’il a été pénalisé par les aléas sanitaires, le nombre de bovins commercialisés sur les différents marchés au cadran a été en progression régulière ces dernières années. Il pourrait être conforté par la mise en service de nouveaux outils.
Même s’il a été pénalisé par les aléas sanitaires, le nombre de bovins commercialisés sur les différents marchés au cadran a été en progression régulière ces dernières années. Il pourrait être conforté par la mise en service de nouveaux outils.
Moins d’animaux commercialisés sur les marchés de gré à gré mais davantage sur les marchés au cadran. En 2016, l’activité des marchés aux bestiaux adhérents à la Fédération française des marchés de bétail Vif (FMBV) a globalement affiché les mêmes tendances que les années précédentes. Toutes espèces et catégories confondues, les apports ont été de 1 176 388 animaux en 2016, soit une baisse de 73 000 têtes (-5,9%) comparativement à 2015. Le recul de l’activité est plus particulièrement sensible pour les broutards. « Ces chiffres sont fortement marqués par la FCO et le zonage qui a été opéré. Plusieurs marchés ont subi de plein fouet les restrictions de mouvements d’animaux et la baisse d’apports qui en a découlé. Certains marchés ont dû fermer leurs portes plusieurs semaines. Les pertes en lien direct avec la FCO sont estimées à 52 000 têtes », expliquait Aurore Guenot, directrice de la FMBV à l’occasion du dernier congrès de cette fédération qui s’est déroulé à Saugues en Haute-Loire. Le contexte agricole, la plus ou moins grande dynamique de l’élevage bovin et ovin selon les territoires où sont implantés ces marchés et la concurrence des autres circuits de commercialisation, sont autant de facteurs supplémentaires à même d’expliquer cette baisse.
Sécurité et rapidité de paiement
L’analyse des statistiques de la FMBV confirme également année après année l’évolution divergente entre l’activité des différents marchés au cadran, laquelle progresse régulièrement, et celle des marchés de gré à gré qui s’érode tout aussi régulièrement. 2016 confirme une fois de plus ces évolutions avec -12% d’activité cumulée pour les marchés de gré à gré et + 4% pour les différents cadrans, lesquels sont — pour le seul volet bovin — plutôt spécialisés dans la commercialisation de bétail maigre, qu’il s’agisse de broutards, de laitonnes ou d’animaux adultes.
Les principales raisons qui favorisent l’attractivité des marchés au cadran comparativement à ceux de gré à gré sont bien connues. Pour des éleveurs très attachés à la possibilité de faire jouer la concurrence entre acheteurs, elles découlent d’abord de la sécurité et de la rapidité de paiement, sans oublier la volonté de permettre une confrontation en direct de l’offre et de la demande pour établir le prix des animaux. Cet attrait est loin de faiblir parmi les jeunes générations. « Mais les jeunes éleveurs savent aussi souvent moins bien se défendre que leurs ainés pour négocier en ferme ou sur un marché de gré à gré le prix de leur bétail », estime Clément Le Page, architecte, mais également bon connaisseur de ces marchés dans la mesure où ce sont ses projets qui ont été retenus pour la construction des cadrans de Saint-Christophe-en-Brionnais (71), Mauriac (15) et Les Hérolles (86).
« Dans nos régions productrices de bétail maigre, la plupart des éleveurs ne vendent guère plus de cinq ou six fois par an des lots conséquents. Les acheteurs, eux, en négocient tous les jours et ils font cela du matin au soir. Ils ne sont donc jamais à court d’arguments pour essayer de nous les payer le moins cher possible », souligne Frédéric Valette, éleveur en Lozère, et à la tête de l’association « Un cadran pour tous » visant à mettre en place un marché au cadran dans ce même département. Pouvoir mettre en concurrence plusieurs acheteurs en un même lieu de façon anonyme est apprécié. Pour autant, bien des éleveurs déçus par ces marchés pointent également le temps passé, les kilomètres nécessaires et autres frais induits pour amener leurs animaux.
Création de nouveaux marchés au cadran
Quoi qu’il en soit, la progression régulière du nombre de bovins commercialisés sur les différents marchés aux cadrans a été favorisée ces dix dernières années par la création de nouveaux, en particulier celui d’Ussel en Corrèze, où la transformation de certains autres qui ont choisi de supprimer le gré à gré pour le remplacer ou l’associer à un cadran. Des transformations le plus souvent salutaires dans la mesure où elles ont permis de remédier à la baisse des apports. Les performances de Saint-Christophe-en-Brionnais, en Saône-et-Loire, et de Mauriac dans le Cantal en sont de bons exemples. Ces transformations réussies incitent forcément les marchés de gré à gré, actuellement dépérissant, à vouloir à leur tour les suivre sur le même chemin. Les projets les plus aboutis en ce domaine sont à ce jour ceux de Saugues en Haute-Loire et de Saint-Yrieix-la-Perche en Haute-Vienne sans oublier Baraqueville, dans l’Aveyron.
En choisissant de tenir cette année le congrès de la FMBV à Saugues, le marché de cette localité de la Margeride a forcément été pris en exemple avec visite à l’appui. Il s’agit d’un marché de gré à gré spécialisé sur les ovins (32 769 têtes en 2016) et les petits veaux (3 250 têtes en 2016). L’érosion lente mais régulière des apports incite la municipalité, avec l’appui des politiques locaux, à mettre en place un cadran dans l’objectif d’enrayer cette baisse. Il sera organisé sous forme de cadran mobile qui se déplace successivement devant les différents lots. " Il doit être mis en service courant 2018", expliquait Michel Brun, maire de Saugues. Ce choix a été motivé par un investissement moins important (un peu plus de 250 000 € tout de même !) tout en étant plus adapté à la mise en marché d’agneaux ou de veaux, catégories difficiles à déplacer dans un ring de vente. D’autres projets sont en cours comme par exemple à Baraqueville dans l’Aveyron, Aumont-Aubrac en Lozère, ou Saint-Yrieix-la-Perche en Haute-Vienne. Tout n’est pas forcément rose partout pour autant. À signaler par exemple la prochaine disparition du marché de Fougères près de Rennes en Ille-et-Villaine même si sa fermeture initialement prévue le premier janvier dernier a été temporairement reportée.
Retransmission de vidéos de bêtes à vendre
Le cadran de Moulins-Engilbert dans la Nièvre teste actuellement la possibilité de mettre en vente des lots d’animaux qui ne seront pas physiquement présents dans le ring de vente mais seront visibles sur une vidéo réalisée quelques jours auparavant dans l’élevage, puis projetée aux acheteurs sur le ring de vente accompagnée des habituelles informations visibles sur le cadran. « Cela ne pourrait concerner que des lots suffisamment importants et homogènes avec des animaux jeunes de conformation assez standard, type broutards ou laitonnes », précise Martial Tardivon, chef des ventes de ce marché. Les vidéos doivent évidemment être de très bonne qualité pour apprécier les animaux à leur juste valeur et ne pourront être réalisées que par l’un des salariés du marché, qui aura ainsi pu apprécier lui-même la qualité du lot et certifier leur poids. Une solution qui présente un intérêt évident pour ne pas avoir à déplacer de lots conséquents (plus de 35 têtes) ou si l’exploitation est éloignée du marché.
Saint-Yrieix opte pour un cadran
Avec 8 884 animaux en 2015 puis 4 284 l’an dernier, équitablement répartis entre bovins et ovins, les apports sur le marché de Saint-Yrieix-la-Perche dans le sud de la Haute-Vienne fondent comme neige au soleil. Sur ce territoire ou les Limousines sont, avec les vergers de pommiers, les principales productions agricoles, il est grand temps de faire quelque chose pour pérenniser le marché de Bourdelas. Ce dernier est situé sous une halle couverte de près d’un hectare en périphérie de cette agglomération d’un peu moins de 7 000 habitants.
Décision a donc été prise par la municipalité de transformer très prochainement ce marché de gré à gré en cadran. Un projet facilité par la fonctionnalité des installations existantes construites au milieu d’une surface parfaitement plane et aisément accessible aux poids lourds même si ce terrain présente l’inconvénient d’être à 30 km de l’autoroute A20 reliant Limoges à Toulouse. Le projet est porté par Daniel Boisserie, député-maire de Saint-Yrieix et président de la communauté de commune, avec la quasi complicité de Roland Pellenard, président de l’OPNC Opalim. Le projet est en réflexion depuis deux ans. La construction de la salle des ventes doit démarrer en septembre pour une mise en service annoncée en début d’été 2018.
Un investissement de 2,5 millions d'euros
Les plans ont été confiés à Clément Le Page, architecte qui a déjà à son actif la réalisation des trois marchés au cadran de Saint-Christophe-en-Brionnais, Mauriac et Les Herolles. La transformation va consister en la construction d’une salle des ventes sur la façade est de l’actuel bâtiment en retenant pour modèle ceux de Saint-Christophe et Mauriac. Autour du ring, il y aura 75 places pour les acheteurs avec un espace à l’arrière pour accueillir les vendeurs. Pas question en revanche de multiplier le nombre de places assises pour les badauds de passage. « C’est une salle de vente, ce n’est pas une salle de spectacle ! Notre premier objectif est de permettre aux acheteurs de travailler dans de bonnes conditions. Il faut une bonne acoustique, des sièges confortables avec surtout la possibilité de bien voir les animaux qui défilent », précisait Roland Pellenard en soulignant aussi qu’il était prévu d’installer un écran TV dans le bar-restaurant de façon à ce que les éleveurs puissent suivre la vente assis en buvant un café. « Contrairement à Mauriac où il a fallu composer avec un terrain en pente, côté topographie des lieux, la situation est nettement plus favorable à Saint-Yrieix » souligne Clément Le Page. L’actuel projet représente un investissement de 2,5 millions d’euros porté par la communauté de commune. Le montage financier est en cours de finalisation avec la volonté de maximiser le plafond et le taux de financement par des aides publiques.
Comme pour tous les autres marchés au cadran, il y aura un prélèvement sur chaque animal vendu, à la charge des acheteurs et des vendeurs. La SAS qui gèrera le marché devrait employer six équivalents temps plein. L’objectif n’est bien évidemment pas d’accumuler les bénéfices mais de couvrir seulement les frais de fonctionnement. « Pour couvrir ces frais, les apports devront être d’au moins 270 broutards ou gros bovins par semaine. C’est tout à fait jouable », estimait Roland Pellenard en soulignant qu’il y a actuellement un peu plus de 50 000 vaches allaitantes dans un rayon de 30 km autour de Saint-Yrieix. Rien n’était encore calé lors de la dernière AG d’Opalim pour savoir quel jour de la semaine aura lieu ce marché. « Ce sera aux utilisateurs de décider », précisait Daniel Boisserie.
Nouveau projet en Lozère
La bourgade d’Aumont-Aubrac en Lozère est située au cœur d’un important bassin d’élevage allaitant. Idéalement desservie par l’autoroute A75 et à mi-chemin entre Clermont-Ferrand et le port de Sète, l’ambition est d’y créer de toute pièce un nouveau marché au cadran en s’inspirant des réalisations existantes. « L’étude de faisabilité nous montre qu’il est possible de bâtir un projet intéressant. Si on exclut les cheptels des adhérents de structures coopératives, le nombre de gros bovins potentiellement commercialisables dans un périmètre de trente kilomètres autour du site retenu a été estimé à 20 000 têtes par an avec une majorité de cheptels Aubrac conduits en pur et/ou en croisement », souligne Frédéric Valette, éleveur allaitant et président de l’association « Un cadran pour tous » créée pour appuyer la mise en place de ce projet. L’autoroute contribue à raccourcir les distances et incite les éleveurs de l’est du Cantal et de l’Aveyron à s’y intéresser de près. « Nous y travaillons depuis l’été 2015. C’est d’abord un projet d’éleveur, appuyé par la profession mais également par les responsables politiques locaux avec le soutien de la commune de Peyre-en-Aubrac qui nous a déjà proposé un terrain. » Tous les marchés proches ont été visités et leurs responsables consultés. L’ambition serait de s’inspirer du marché des Hérolles dans la Vienne pour l’aspect infrastructures et de celui de Mauriac dans le Cantal pour le fonctionnement. Les principaux opérateurs privés travaillant sur la zone y sont globalement favorables. Deux d’entre eux font partie du comité de pilotage chargé de mener à bien le projet.
La volonté est également de chercher une synergie avec le projet de Saugues en Haute-Loire en particulier pour le personnel. La construction démarrerait en 2018 pour une mise en service espérée l’année suivante. Comme pour la plupart des cadrans déjà existants l’ambition est d’y associer un espace restauration de façon à en faire aussi un lieu de convivialité pour en renforcer l’attractivité. « Ce marché aura lieu le lundi et nous permettrait d’avoir un bon baromètre pour suivre les cotations des bovins issus de cheptels Aubrac. Ce qui existe actuellement ne nous convient pas. »