Le plan de filière viande bovine a fixé l’objectif de doubler la production de viande bovine bio d’ici à 2022. Est-ce possible ?
Jean-François Vincent - Cet objectif correspond au prolongement de la dynamique actuelle des conversions, avec une légère accélération. Il s’agit de passer de 4,5 % à 9 % des vaches allaitantes françaises en bio, et dans les mêmes proportions pour les vaches laitières (5,5 % à 11 %). Nous nous appuierons sur la construction de filières, comme nous le faisons depuis vingt ans. L’anticipation sur la sortie des animaux est très importante. Les éleveurs doivent annoncer la mise en place de leurs animaux le plus tôt possible, pour que les filières puissent s'organiser. Nous avons des prix très réguliers, mais nous ne sommes pas pour autant protégés de problèmes de marchés face à un afflux d'animaux non prévu. Nous allons d’autre part accompagner ce développement de garanties sur la qualité de la viande bio. Le bio, c'est forcément bon.
Que sait-on pour le moment des aides dont pourront bénéficier les éleveurs dans les prochaines années ?
J.-F. V. - Le programme « ambition bio 2022 », annoncé en avril 2018 par Stéphane Travert, est encore en discussion. Sa présentation devrait avoir lieu dans l'été. Nous nous attendons à des changements dans la durée et le montant des aides à la conversion notamment. Concernant la PAC post-2020, nous plaidons pour que le sens général de la réforme favorise les systèmes de l’agriculture biologique, et non que le bio continue à être traité comme un sujet périphérique, pour lequel on se contente de dédier une enveloppe, qui n’est d’ailleurs pas à la hauteur des enjeux actuels. Nous promouvons le rallongement des cycles de production, un mode d’engraissement plutôt long, la production de bœufs et de jeunes vaches en donnant le maximum de place à l’herbe. Nous plaidons pour le retour d’une aide au bœuf. Nous avons déjà obtenu la reconduction de l’aide au veau bio pour cette année.
Le nouveau règlement bio européen va-t-il entraîner des changements importants de pratique pour les éleveurs en 2021 ?
J.-F. V. - Il reste deux ans à la Commission européenne pour écrire les actes secondaires, c’est-à-dire les règles précises que les éleveurs auront à respecter. On peut déjà avancer que l’écornage d’adultes sera interdit, sauf en cas de dangerosité d’un animal donné, et l’ébourgeonnage sur jeune animal sera encadré par des pratiques précises. L’attache des animaux en hiver sera probablement autorisée pour les élevages ne dépassant pas une certaine taille. On devrait bénéficier d’une dérogation pour autoriser la castration en bonnes conditions d’asepsie et d’anesthésie, puisque la production de bœufs s’inscrit dans la logique des systèmes bio. Il ne faut cependant pas perdre de vue que le cahier des charges de l’agriculture biologique cherche à rapprocher les pratiques des principes, et que les dérogations sont provisoires par nature.
La Fnab a avancé en 2017 l’idée de développer un label national. Pourquoi ?
J.-F. V. - Suivant les pays, il peut y avoir des différences entre les attentes des consommateurs et celles des producteurs envers le bio. C’est le cas par exemple sur l’âge d'abattage, les caillebotis, les traitements antiparasitaires. Le cahier des charges européen est forcément une sorte de plus petit dénominateur commun. En 2017, la Fnab a avancé l’idée de dédier le logo AB aux produits répondant aux demandes des consommateurs français. Nous avons tout intérêt à fournir à ceux-ci un produit répondant à ce qu’ils attendent du bio. Ce serait le moyen de différencier à l'avenir une production d'excellence. D'ailleurs, en laissant cette possibilité aux États membres, ce serait le moyen de tirer le bio européen vers le haut.
« Anticiper la sortie des animaux est très important »