« Je produis toute l’alimentation des vaches allaitantes en semis direct sous couvert »
Au cœur de l’Aveyron, l’EARL Mazel Fabre produit toute l’alimentation de ses vaches allaitantes en semis direct sous couvert végétal. Un point d’équilibre est trouvé entre intérêts fourrager et agronomique.
Au cœur de l’Aveyron, l’EARL Mazel Fabre produit toute l’alimentation de ses vaches allaitantes en semis direct sous couvert végétal. Un point d’équilibre est trouvé entre intérêts fourrager et agronomique.
En autodidacte, Fabien Fabre est devenu un fervent adepte des techniques de conservation des sols, qu’il expérimente au quotidien. Installé sur l’exploitation familiale en 2017 sur la commune de Cassagnes-Bégonhès dans l’Aveyron, l’éleveur de limousines a une rotation basée sur quatre ans de prairies, puis deux ans de maïs et deux ans de céréales. « Néanmoins, elle n’est pas figée. Elle est plutôt opportuniste et s’adapte en fonction des rendements », remarque-t-il. Il y a quatre ans, l’exploitation a subi un gros orage juste après l’implantation d’une luzerne. « Le ravinement qui en a résulté m’a décidé à me lancer dans le semis direct. D’autant que les épisodes de fortes pluies se multiplient », poursuit-il.
Le semis direct pour limiter l’érosion
Au démarrage, le jeune agriculteur a testé du semis direct de céréales dans des prairies de longue durée. Encouragé par des résultats satisfaisants, il s’est essayé à la culture de maïs ensilage en technique culturale simplifiée en combinaison avec des méteils. « J’ai choisi au départ un mélange de seigle, pois, triticale et vesce, semé à 50 kg par hectare, dans un objectif de zéro labour. » En parallèle, Fabien Fabre implante son premier couvert après moisson : un colza fourrager pur.
Des couverts au banc d’essai
L’exploitant travaille sur ses propres mélanges de couverts et utilise dès que possible des semences fermières, afin d’en réduire le coût. Il teste aussi différentes densités de semis, toujours dans un objectif économique. En 2022, après une orge, il a implanté un mélange de 8 kg de tournesol, avec 20 kg de sorgho et 2 kg de colza. Ce mélange a été récolté en enrubannage pour compléter la ration des vaches impactée par la sécheresse.
« Même si je reconnais un réel intérêt fourrager, notamment sur les vaches en lactation, l’alimentation du troupeau n’est pas mon objectif premier. Ce que je vise d’abord, c’est l’impact agronomique, la création de biomasse. Sauf en cas d’année difficile, le couvert est voué à être restitué au sol. »
C’est le cas cette année, avec un mélange de sorgho et colza, semé à 18 kg par hectare, dans lequel Fabien Fabre a introduit une orge d’hiver. « J’ai quasiment diminué par deux la densité de semis du couvert avec la même efficacité de couverture. Je suis satisfait de la levée et je remarque que les attaques de limaces sont moins importantes grâce aux résidus du couvert », observe l’éleveur.
Gagner en matière azotée
Les méteils sont implantés par un semis combiné suite au déchaumage. « Je vise surtout de la valeur en matière azotée totale, afin de m’affranchir du complément en tourteau. Pour cela, le stade de récolte est primordial. En analysant la MAT, je me suis rendu compte de la perte rapide en cas de récolte trop tardive. »
Au départ, Fabien Fabre semait un mélange d’avoine, triticale, pois, vesce et féverole, avec une densité totale de 200 kg par hectare. « Cet automne, j’ai semé 80 kg d’avoine, 30 kg de vesce commune et 5 kg de vesce velue, le tout en semences fermières. J’ai ainsi réduit mon coût de semences de 180 à 60 euros par hectare ! ». Le jeune agriculteur indique qu’il a arrêté la féverole en fourrage, car certains lui prêtent des problèmes d’oxydation. Le pois, trop sensible aux gelées, a aussi été écarté.
Avoir du matériel adapté est primordial
« Quand j’ai démarré, j’ai eu la chance de pouvoir utiliser un semoir direct disponible en Cuma. Puis, avec un voisin aussi intéressé par l’agriculture de conservation, nous avons décidé de construire nous-mêmes notre semoir à dents », raconte Fabien Fabre. Ingénieux et soucieux de faire des économies, les deux agriculteurs ont bricolé le matériel à partir d’un vieux cultivateur, qu’ils ont agrandi jusqu’à 3,40 m de large, et d’une trémie frontale pneumatique d’occasion. « Au final, notre semoir nous a coûté moins de 6 000 euros ! ». Afin de semer dans le couvert resté au sol, Fabien Fabre va aussi pouvoir compter sur un semoir à disques grâce à la Cuma.
Convaincu par l’efficacité des techniques de conservation des sols, Fabien Fabre va continuer à expérimenter et à chercher la meilleure formule adaptée à son exploitation. « En ce moment, je dédie une parcelle à un couvert permanent de luzerne, dans lequel je vais pratiquer ma rotation. » Le jeune homme réfléchit aussi à la meilleure façon d’implanter la nouvelle prairie qui suit la rotation de céréales : avec ou sans le couvert ?
Chiffres clés
Avis d’expert - Matthieu Hammann, ingénieur agronome chez AgroLeague (1)
« Un "test tout" qui n’est pas dogmatique »
« Fabien Fabre est un "test tout" qui n’est pas dogmatique au sujet du semis direct : si le sol nécessite d’être travaillé, il le sera. En outre, il a la chance de disposer de deux types de semoir, à dents et à disques. Cela lui permet de pratiquer du semis direct en toutes circonstances. Cette exploitation est un bon exemple pour qui veut se lancer dans l’implantation de couverts végétaux. Le premier pas consiste toujours à définir sa priorité : renforcer son autonomie alimentaire ou améliorer le potentiel du sol. Comme Fabien, on peut aussi être opportuniste selon les années. Cependant, même si on exporte le couvert, par son réseau racinaire il aura tout de même un effet intéressant sur la structuration du sol et l’augmentation de biomasse. De plus, il ne faut pas oublier le rôle sanitaire du couvert qui vient casser le cycle de certaines maladies. Nos systèmes sont aujourd’hui très exportateurs, l’utilisation de couverts végétaux est un bon moyen de rééquilibrer le ratio du sol. »