Export de viande bovine : la Chine doit faire davantage que susciter des espoirs
Même si l’arrivée du coronavirus complique la situation, l’ouverture du marché chinois à la viande française suscite l’espoir de voir enfin une tension des prix à la production. La viande Limousine semble montrer l’exemple.
Même si l’arrivée du coronavirus complique la situation, l’ouverture du marché chinois à la viande française suscite l’espoir de voir enfin une tension des prix à la production. La viande Limousine semble montrer l’exemple.
Si tous les regards sont actuellement braqués sur la Chine, c’est pour l’épidémie de coronavirus. Pourtant, lors de la dernière assemblée générale de la Fédération nationale bovine, ce pays a d’abord été analysé en tant que premier importateur mondial de viande bovine. « Calculées sur les onze premiers mois de 2019, les importations en Chine continentale (hors Hong Kong) ont progressé de 57% comparativement à la même période de 2018, pour un total de 1,85 millions de tonnes. » explique Jean-Marc Chaumet agroéconomiste à l’Institut de l’élevage. Les chinois prennent goût au boeuf d'autant que le prix du porc flambe suite à l’épidémie de fièvre porcine africaine. Même si, dictature oblige, les statistiques chinoises ne sont pas forcément fiables, la production de viande bovine de ce pays avoisinerait actuellement 6.35 millions de tonnes/an contre plus de 7 millions voici quelques années. Production en baisse, consommation en hausse, tout laisse à penser que la dépendance aux importations va aller croissante.
Visite d’état d’Emmanuel Macron
Pour les produits issus de l’élevage français, un nouvel élan semble avoir été apporté depuis la visite d’état d’Emmanuel Macron en Chine en novembre dernier. Huit cent cinquante tonnes de viande bovine française avaient été exportées sur cette destination au 31 décembre 2019 par les cinq opérateurs agréés, dont seulement 150 tonnes de janvier à octobre. Le coup de main du président de la République a été vivement apprécié. « Sur ce type de destination, l’action et l’implication des responsables politiques sont très importantes. Elles contribuent à faire avancer les dossiers » soulignait Jean-Luc Angot inspecteur général de santé publique vétérinaire.
Naisseur engraisseur en Haute-Vienne, président du GLBV mais également de Limousin Promotion, l’ODG du label rouge Blason Prestige, Jean-Pierre Bonnet s’est rendu en Chine à l’automne dans le cadre d’un salon organisé à Shangai. « Avec le directeur de Limousin Promotion, nous avons ensuite accompagné la délégation française pendant deux jours. La possibilité de faire déguster de la viande limousine mais également charolaise et salers au président Chinois Xi Jinping a été largement médiatisée dans le pays » soulignait Jean-Pierre Bonnet. « Et là-bas, les faits et gestes du Président sont largement repris et commentés. Nous avons dans la foulée eu la possibilité de faire rebondir l’info auprès des nombreux journalistes et décideurs. Le travail réalisé par Emmanuel Macron et ses collaborateurs pour mettre en avant l’agro-alimentaire français lors de ce voyage a été rondement mené. Un vrai travail de promotion comme on les aime ! » poursuivait Jean-Pierre Bonnet.
Vendre la viande et son image
Et d’ajouter : « ce qui nous intéresse ce sont les 300 millions de chinois dont le salaire équivaut à ceux d’un cadre en Europe, avec un pouvoir d’achat suffisant pour mettre régulièrement notre viande dans leurs assiettes. »
« On n’est plus sur de l’export pays tiers de « dégagement » mais sur un produit pour lequel on attend une vraie valeur ajoutée avec l’ambition de vendre la bonne image des produits issus de la gastronomie française » ajoutait Emmanuel Bernard, éleveur dans la Nièvre et vice-président de la FNB.
Un euro de plus au kilo pour les éleveurs
Pour la viande Limousine, les suites de ce voyage se sont traduites par la signature d’une « lettre d’intention » pour dans un premier temps la vente annuelle de 40 containers en Blason Prestige Limousin Junior et autant en porc Limousin label rouge, soit 1000 tonnes pour chaque espèce. Compte tenu des exigences pour l’âge, les viandes concernées doivent être issues de bovins de moins de 30 mois. Cela ne concerne donc que du Limousin Junior et plus précisément des génisses. La précocité de la limousine et son aptitude à produire des femelles à la fois jeunes mais déjà grassouillettes est un atout dans la mesure où en Chine, la viande de qualité est issue de carcasses très finies provenant souvent d’Australie. Une partie des carcasses (les muscles nobles et en particulier ceux de l’aloyau) seraient vendus fraiches sous vide et expédiées en avion. Les autres partiraient congelées par container. Il est prévu que les génisses concernées soient transformées par l’outil Sicarev de Migennes, dans l'Yonne. « On est sur un marché haut de gamme et on est parti sur des prix haut de gamme. Soit pour les éleveurs français des tarifs supérieurs d’un euro du kilo aux chiffres actuels. » Si les volumes évoluent dans la bonne direction, l’ambition serait d’élargir ce débouché aux mâles. « Si on pouvait les habituer à la viande de taurillons, cela nous ferait pour cette catégorie un marché supplémentaire qui nous rendrait bien service ! » Et si ce marché abouti, Jean-Pierre Bonnet souligne aussi l’importance de ne pas bouleverser les équilibres du marché intérieur français. Mais pour l’instant (mi-février) tout cela demeure une lettre d’intention. Et l’arrivée du Coronavirus perturbe les procédures pour débouché...
Dix-huit pays sont actuellement habilités pour exporter de la viande bovine sur le marché chinois. L’an dernier, 95% des volumes importés (1,85 millions de téc en 11 mois) provenaient de cinq pays avec dans l’ordre l’Argentine, au coude à coude avec le Brésil suivis de l’Australie, l’Uruguay et la Nouvelle-Zélande. Les 5% restants (74 000 tonnes) ont été assurées au cours des onze premiers mois de l’an dernier par une quinzaine d’autres pays fournisseurs. « Leur nombre est en hausse, car la Chine cherche à diversifier ses approvisionnements afin d’atténuer sa dépendance aux grands fournisseurs » souligne Jean-Marc Chaumet de l'Institut de l'Elevage. Au sein des pays membres de l’Union Européenne, l’Irlande a été l’an dernier le principal exportateur sur cette destination avec 8000 téc vendues sur les onze premiers mois de l’année.