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Bovins viande en bio : dépenser moins pour gagner plus

La performance économique des élevages allaitants bio passe en premier lieu par la maîtrise de leurs coûts de production, mécanisation en tête. L’étude des résultats économiques de 1 400 élevages en Pays de Loire permet d’étendre cette conclusion aux élevages non bio.

Les 25 % d'élevages bio qui obtiennent la meilleure rémunération ne dégagent pas un produit très supérieur à la moyenne. En revanche, leur coût de production est ...
Les 25 % d'élevages bio qui obtiennent la meilleure rémunération ne dégagent pas un produit très supérieur à la moyenne. En revanche, leur coût de production est beaucoup plus faible.
© Suzanne Marie

D’où viennent les écarts de rémunération entre les élevages bovins allaitants bio ? Aux Pays de la Loire, pour y répondre, Christophe Grosbois de la chambre régionale d’agriculture a analysé les diagnostics Couprod (1) réalisés en 2018, 2019 et 2020 dans 1 449 élevages allaitants, dont 143 bios. En moyenne, ces derniers dégageaient 1,76 Smic par UMO (unité de main-d’œuvre) pour 55 vêlages/UMO. Mais comment expliquer que certains gagnent beaucoup plus et d’autres beaucoup moins ? Le chargé de mission tranche : « Les écarts de rémunération par actif s’expliquent principalement par la maîtrise des coûts de production. Et à l’intérieur de ceux-ci, la mécanisation est à la fois le principal poste de charge et celui qui varie le plus. On observe d’ailleurs la même chose dans les élevages conventionnels où la stratégie de mécanisation explique la majorité des écarts de coûts de production. »

Mécanisation maîtrisée

Certes, la stratégie fiscale entre aussi en jeu. « Certains investissements matériels ont pour but de créer de la charge pour diminuer l’impôt, résume l’expert. Difficile de savoir si ceux qui adoptent cette stratégie s’y retrouvent au bout du compte, car on peut économiser d’un côté ce que l’on perd de l’autre. Les investissements massifs se traduisent tout de même par des emprunts qui induisent des annuités, donc des charges réelles qui diminuent la rémunération prélevable… Globalement, on observe que ceux qui gagnent bien leur vie ont plutôt la stratégie de faire vieillir leur matériel en l’entretenant et de limiter la mécanisation : ce sont souvent des systèmes plus herbagers, plus pâturants et moins chargés en UGB. Car la mécanisation ne se résume pas à l’investissement : après il y a le carburant, l’entretien, etc. »

La variabilité des aides entre systèmes est la seconde cause des inégalités de revenu entre systèmes bio : elles varient beaucoup selon la zone géographique (éligible ou non à l’ICHN), le chargement et la date du passage en bio (qui donne droit à cinq années d’aides à la conversion). « Le poids des aides est important en bio, et globalement dans tous les systèmes extensifs, puisqu’elles sont versées à la surface, souligne l’expert. Ramenées au kilo de poids vif, elles pèsent davantage en bio qu’en conventionnel. Mais il serait faux de dire que les bios captent la plupart des aides : si l’on regarde à l’unité de main-d’œuvre, il y a assez peu d’écarts entre bio et conventionnels. »

Graphique : Revenu moyen en système bio en région Pays de la Loire		Moyenne des années 2018, 2019 et 2020 sur 35 élevages naisseurs et 108 élevages ...

Bien qu’il soit important dans la formation du revenu, le prix de la viande ne joue qu’un faible rôle dans les écarts de rémunération entre élevages bio. La plupart des animaux sont valorisés en circuit long, et les variations de prix du kilo vif observées sont essentiellement dues à la race ou à la finition des animaux. « En bio comme en conventionnel, on voit très peu d’écarts de prix dans les analyses intrarace », reprend Christophe Grosbois.

Effet race et effet système

Le prix de la viande dépend d’ailleurs moins du label bio que de la race, surtout pour la vente en maigre. Chez les naisseurs, les 35 Couprod bio affichent un prix moyen de 2,60 €/kg vif, et il est de 2,84 € pour le quart le plus performant. Parmi les 332 Couprod conventionnels, la moyenne va de 2,34 €/kg vif en charolais (et seulement 0,10 € de plus pour le quart supérieur) à 2,76 €/kg vif en blondes d’Aquitaine (et 2,90 €/kg pour le quart supérieur). Cependant, grâce aux aides, ce sont les naisseurs bio qui s’en tirent le mieux avec 1,8 Smic/UMO en moyenne et 3,67 Smic pour le quart supérieur. Malgré un meilleur prix de vente au kilo, les éleveurs de blondes d’Aquitaine ne touchent en moyenne que 1,24 Smic/UMO (ou 2,74 pour le quart plus performant). En charolais, la moyenne est à 0,9 Smic/UMO et le quart supérieur à 2,46 Smic/UMO.

Dans les systèmes naisseur-engraisseur, cet « effet race » reste primordial. Mais en bio, le prix moyen du kilo vif s’améliore avec la finition des animaux, passant de 2,60 à 2,70 € chez les naisseurs-engraisseurs. Ce qui n’est pas forcément le cas en conventionnel, où le prix moyen du kilo vif vendu est parfois plus faible que chez les naisseurs. À 2,17 Smic/UMO, le revenu moyen des naisseurs-engraisseurs bio de 2018 à 2020 est lui-même plus élevé que celui des naisseurs bio. Seuls les naisseurs-engraisseurs de parthenaises gagnaient davantage, avec 2,26 Smic/UMO en moyenne. Pour les autres races, les revenus moyens étaient loin derrière, avec 1,2 Smic/UMO en charolaise, 1,54 Smic en blonde d’Aquitaine et 1,62 Smic en limousine.

Exploitations transmissibles

Par rapport aux conventionnels, les bios se démarquent par un chargement plus faible (1,04 UGB/ha de SFP) et une dominante herbagère encore plus marquée avec 97 % d’herbe dans la surface fourragère. Il est aussi notable qu’en bio comme en conventionnel, les élevages les mieux rémunérés ont tendance à avoir un chargement légèrement plus faible que la moyenne. « Avec 47 vêlages/UMO, les naisseurs-engraisseurs bio sont aussi des systèmes peu capitalistiques, ce qui les rend plus facilement transmissibles », souligne Christophe Grosbois. L’analyse plus détaillée de leurs résultats économiques délivre encore et toujours le même message : « Les 25 % d’élevages qui obtiennent la meilleure rémunération ne dégagent pas un produit très supérieur à la moyenne. En revanche, leur coût de production est beaucoup plus faible. Et ils ont, en particulier, une stratégie de mécanisation plus économe. »

Le nombre de vêlages par UMO est plus élevé dans les 25 % d'élevages bio les plus performants.

Toutefois, si la sobriété en intrants, en matériel et en capital est l’une des forces des systèmes bio, leur productivité n’est pas à négliger. Pour preuve, en système naisseur, le nombre moyen de vêlages par UMO est nettement plus élevé dans le quart supérieur : il est de 72 contre 62 en moyenne. Dans les systèmes naisseur-engraisseur, il y a peu de différences sur ce critère : 48 vêlages/UMO au lieu de 47 pour la moyenne. Mais le nombre d’UGB/UMO est plus élevé (97 UGB/UMO dans les 25 % élevages les plus performants, au lieu de 90 pour la moyenne) ainsi que la production de viande vive par UMO (33 850 kg vv/UMO au lieu de 30 130 kg vv/UMO pour la moyenne). Tant que la cohérence du système est préservée, « produire plus est une manière d’optimiser les résultats », conclut l’expert.

Trois ans ont passé depuis la réalisation de ces diagnostics Couprod et le contexte a radicalement changé. « Depuis deux ans, les éleveurs bovins ont connu une évolution très positive de leur rémunération, remarque Christophe Grosbois. J’ai reçu les résultats de 300 élevages de bovins viande spécialisés conventionnels : leur résultat courant avant impôt (RCAI) a plus que doublé entre 2022 et 2023. Cependant, cela ne remet pas en cause nos conclusions. Les élevages intensifs n’ont jamais connu ce niveau de rémunération, mais ceux qui avaient une stratégie autonome et économe sont encore ceux qui gagnent le plus dans ce nouveau contexte ! »

(1) Méthode nationale élaborée par l’Institut de l’élevage

Revenu moyen en système bio en région Pays de la Loire en Smic/UMO

Moyenne des années 2018, 2019 et 2020 sur 35 élevages naisseurs et 108 élevages naisseurs engraisseurs

Source : méthode Couprod, chambre d’agriculture des Pays de la Loire
 

Des élevages bons pour le climat

« La clé des systèmes bio est l’autonomie : ils vont chercher l’énergie principalement dans les fourrages, expose Philippe Tresch, de l’Institut de l’élevage. C’est pourquoi ils consomment davantage d’énergie directe (fuel) que les conventionnels, mais moins d’énergie indirecte nécessaire à la production d’intrants. Au bout du compte, même en étant moins intensifs, les systèmes bio consomment moins d’énergie par UGB que les conventionnels. En bio, la finition des animaux entraîne une consommation supplémentaire de 11 % d’énergie, alors que le saut est de 30 % en conventionnel. Il est donc moins coûteux en énergie d’aller chercher des kilos de viande vive chez les bios que chez les conventionnels. » Cette sobriété énergétique se traduit dans les comptes. L’ensemble des consommations énergétiques directes (fuel…) et indirectes (aliments, engrais…) représente 61 €/100 kg vif en bio, contre 81 €/100 kg vif en conventionnel.

L’empreinte carbone serait également plus faible pour les systèmes bio d’après les 365 diagnostics Cap2ER (dont 55 bios) réalisés par la chambre d’agriculture des Pays de la Loire. Les bios émettraient en moyenne 11,1 kg CO2/kg vif produit, contre 13,7 kg de CO2 pour les non-bios. Pour le stockage de carbone (grâce aux prairies, haies, etc.), l’écart entre les systèmes est moins flagrant. « Mais les bios, parce qu’ils émettent moins de gaz à effet de serre, compensent 31 % de leurs émissions, contre seulement 17 % pour les non-bios », indique Christophe Grosbois.

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