"Je sème mes prairies sous le couvert d'un méteil"
Des fourrages de qualité sont déterminants pour favoriser la fertilité et avoir des vêlages les plus groupés possible. Philippe Bosc a opté pour des enrubannages de trèfle violet/ray-gras hybride et méteil. Il les associe à du foin de prairie permanente pour l’hivernage de ses 120 mères aubracs.
Des fourrages de qualité sont déterminants pour favoriser la fertilité et avoir des vêlages les plus groupés possible. Philippe Bosc a opté pour des enrubannages de trèfle violet/ray-gras hybride et méteil. Il les associe à du foin de prairie permanente pour l’hivernage de ses 120 mères aubracs.
« En plus de la bonne minéralisation des femelles du troupeau et de la gestion des lots au moment de la mise à la reproduction, la qualité de l’alimentation hivernale des mères associée à une certaine diversité dans les fourrages sont pour moi des volets déterminant pour avoir des vêlages les plus groupés possible en tout début d’hivernage », souligne Philippe Bosc. Il est en Gaec avec son épouse Nathalie à côté de Bertholène, dans la vallée de l’Aveyron sur une ferme de 150 hectares complétée par des parcelles en estive.
Semis direct pour les céréales et prairies
Tous les stocks fourragers sont récoltés à proximité du siège de l’exploitation à environ 600 mètres d’altitude selon les parcelles. L’assolement voit se succéder une orge d’hiver suivie d’une association blé + triticale puis deux ans d’une prairie temporaire associant trèfle violet + ray gras hybride pour un total de 14 ha de céréales à paille et 20 à 25 ha de prairies temporaires. Les surfaces restantes se composent de prairies permanentes, utilisées pour la fauche et/ou le pâturage, sans occulter quelques pâtures au potentiel beaucoup plus modeste du fait de la très fine épaisseur de terre qui peine à masquer les affleurements de la roche mère calcaire.
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« Depuis 1995, année de mon installation, j’ai opté pour le semis direct pour les céréales et prairies. Je ne reviendrai pas en arrière. Mon père avait commencé à y avoir ponctuellement recours peu avant mon installation », explique Philippe Bosc. Au départ, la porte d’entrée était les économies côté temps de travail en réduisant le nombre de passages avec également la volonté de s’épargner les corvées de ramassage ou broyage des cailloux. Conforté par ses bons résultat, Philippe Bosc est devenu un fervent promoteur de cette technique. Il est d’ailleurs membre de l’association « Clé de Sol », mise en place pour être un lieu d’échanges et d’informations entre agriculteurs sur le semis direct sous couverture végétale et toutes les techniques favorisant la restauration et la régénération des sols. « Cela remet l’agronomie au centre des pratiques. Un sol en bonne santé, avec beaucoup de matière organique et des vers de terre abondants, a un impact évident sur le bon enracinement des plantes et leur productivité avec un impact sur la santé du cheptel. »
Foin et enrubannage
Le stock hivernal repose habituellement sur 400 bottes rondes d’enrubannage (340 kg de MS en moyenne) et 2 500 bottes de foin pressé en bottes carrées de 120 kg de MS, uniquement récolté sur les prairies permanentes. « J’enrubanne les premières et secondes coupes des prairies temporaires. C’est la meilleure façon de récolter un maximum de feuilles. » Le stock d’enrubannage se compose également de méteil, récolté dans la seconde quinzaine de mai. Son arrivée dans le système fourrager est une des conséquences des évolutions du climat. Le méteil contribue à sécuriser le système fourrager dans un contexte climatique chaque année plus compliqué. Le déclic a eu lieu après l’été 2003 et n’a fait que se confirmer. Depuis plusieurs années la météo de fin août début septembre devient trop sèche et surtout trop aléatoire pour semer les prairies. C’est la même problématique pour les semis de printemps avec en juin une fréquence accrue de journées parfois brulantes qui font griller les plantules fraîchement levées. « Semer les prairies à l’automne sous un couvert de méteil est pour moi la meilleure alternative. Cela protége les plantules de graminée et de trèfle sous le couvert du méteil avec une prairie prête à démarrer dès que le méteil est récolté. »
Méteil et prairie semés en un passage
Après un passage de glyphosate, méteil et prairie sont semés en un seul passage fin septembre début octobre. Pour un hectare, le mélange se compose de 45 kg de triticale, autant de blé, 20 kg de pois, 15 kg de vesce, 15 kg de ray-grass hybride et 12 de trèfle violet. Côté fertilisation, 60 à 70 unités d’azote fractionnées en deux apports espacés d’un bon mois sont apportées en fin d’hiver. Le méteil est fauché autour du 20 mai. « Comme il est destiné à des vaches allaitantes, je recherche un peu de volume. Ce n’est pas comme s’il était destiné à des vaches ou brebis laitières. » Le rendement avoisine souvent 6 à 7 tonnes de MS à l’hectare.
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L’association RG + TV redémarre après la fauche. Elle est enrubannée début juillet et donne autour de 2 tonnes de MS/ha. Jusqu’à 3 les bonnes années. La troisième coupe est simplement pâturée. « Je fais très attention pour éviter tout risque de dégradation de la surface par le piétinement au moment des grosses pluies d’automne en retirant au préalable les lots d’animaux. » La seconde année cette association est fauchée puis enrubannée à deux reprises : 4 à 5 TMS/ha pour la première coupe et 1,5 à 2 pour la seconde.
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Après un éventuel pâturage de la troisième pousse, la prairie est détruite au glyphosate avant de semer l’orge qui constitue la tête d’assolement. « On utilise cette association RG + TV depuis plus de 15 ans. Cela répond bien à cette nécessité de faire de la protéine. Pour le trèfle violet, je demande au conseiller RAGT une variété suffisamment agressive en veillant à ce qu’elle soit bien référencée côté rendement. »
Couverts végétaux derrière céréales
Une autre particularité est le semis de dérobées après la moisson. "J’évite de semer si le sol est vraiment brulant et desséché et que la météo n’annonce rien de bien." Ce recours aux couvert végétaux est conforté par le semis direct. « Derrière l’orge récoltée fin juin début juillet, j’utilise des mélanges assez complexes avec classiquement une association tournesol, sorgho, lin, vesce, moha, avoine et colza fourrager et je fais aussi régulièrement quelques essais. Je compte 75 €/ha de semence. » Derrière l’association blé + triticale le mélange retenu est plus simple et repose souvent sur une association moha et/ou sorgho + trèfle d’Alexandrie. Si la météo s’annonce favorable, le champ est parfois semé à peine deux jours après avoir été moissonné. La réussite dépend étroitement des précipitations de l’été.
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A côté de la recherche d’un fourrage supplémentaire à faire pâturer en septembre, ces plantes ont un effet bénéfique en couvrant le sol et en le structurant grâce à leurs racines. Sur ces dérobés les tonnages sont très aléatoires : entre une et quatre TMS/ha. « Une année, le sorgho était nettement plus haut que les vaches. Avec un fil avant et un fil arrière la parcelle est bien râclée et rien n’est gaspillé, mais les animaux sont immédiatement retirés si de fortes précipitations menacent. » Une fois récoltés ou utilisés par les animaux, ces couverts sont détruits par un passage de glypho suivi d’un semis avec une association 50% blé 50% triticale si le précédent est l’orge ou avec la prairie sous couvert de méteil si le précédent est l’association blé+triticale.
Un maximum de vêlages en décembre
Les 120 mères aubracs sont conduites à 40% en croisement. La volonté est d’avoir des vêlages les plus groupés possibles. Cet hiver, 70% d’entre eux ont eu lieu sur le seul mois de décembre et en six semaines pratiquement 90% des vaches avaient vêlé.
La minéralisation des femelles pleines repose au cours de la seconde quinzaine d’octobre sur une cure d’oligoéléments distribuée via l’eau de boisson proposée à cette période dans les seules tonnes à eau pour être bien certain que chacune aura sa dose. Une seconde cure est administrée sous forme de semoulette distribuée au cornadis dans les 10 jours qui suivent la rentrée en stabulation.
Début décembre, la ration repose sur du foin de première coupe de prairie naturelle additionné d’un kilo/tête d’un mélange fermier associant 60% de céréales et 40% de tourteau de colza (1, 5 kg pour les primipares). Cette quantité passe à 2 k/tête à compter du 1er février. L’apport d’enrubannage en substitution d’une même quantité de foin débute le 15 janvier quand l’essentiel des vêlages ont eu lieu. D’abord 3 kg de MS/tête/jour puis progressivement à 9 kg à compter de mi-février jusqu’à la mise à l’herbe.
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