Dans les Pyrénées, Rosée et Vedell en tête de gondole
Dans leur département de montagne, les éleveurs des Pyrénées-Orientales ont fait le choix du local pour mieux valoriser leurs animaux. Non sans un certain succès.
Dans leur département de montagne, les éleveurs des Pyrénées-Orientales ont fait le choix du local pour mieux valoriser leurs animaux. Non sans un certain succès.
Détourner les broutards de l’export pour mieux les valoriser localement. Le pari était osé, mais il tient, dans les Pyrénées-Orientales. Et pour bien comprendre la genèse de cette histoire il faut remonter quelques années en arrière, au début des années quatre-vingt-dix. C’est Galdric Sola, éleveur à Prades et président de l’IGP rosée des Pyrénées, qui s’y colle.
« Dans ces années-là, une dizaine d’éleveurs du département ont réfléchi à des solutions pour mieux valoriser les femelles en particulier. L’objectif a été de travailler sur le côté naturel, d’une viande qui pousse sans complément », raconte-t-il. La crise de l’ESB a presque été bénéfique. « Le marché, et les bouchers traditionnels se sont vite détournés des 'veaux farines' pour réclamer nos rosées des Pyrénées, il y a eu aussi le développement de la viande surgelée… »
700 veaux par an
Pendant une dizaine d’années, le marché a tiré fort, les ventes ont atteint 700 veaux. La marche suivante a été de consolider l’édifice par un signe de qualité. Les éleveurs des Pyrénées-Orientales se tournent alors vers leurs collègues espagnols, on dira ici plutôt de Catalogne sud, et deux cahiers des charges IGP sont mis au point à partir du début des années 2000 pour un aboutissement au début de la dernière décennie. Avec cette particularité unique en Europe, les IGP rosée des Pyrénées et Vedell, sont transfrontalières. Avec deux cahiers des charges assis sur un même socle mais destinés à des animaux d’âges et de finitions différents.
Rustiques
« Le socle, c’est une mère rustique, aubrac, gasconne ou brune et un père de race à viande, charolais, limousin ou blond », détaille Stéphane Guash recruté par la coopérative pour mettre la relance en route. La différenciation se joue sur l’âge et la finition. Les rosées des Pyrénées sont principalement des vêlles de moins de 8 mois, avec un objectif de 130 à 140 kg de carcasse en R +, 2. Elles ne sont pas complémentées et nourries uniquement au lait et à l’herbe des estives. Le Vedell est lui aussi prioritairement une vêlle un peu plus âgée, de 8 à 12 mois complémentée avec un aliment spécifiquement développé à base de pois, luzerne et céréales. L’objectif est alors de 200 kg de carcasse en U3.
Un grand trou d’air
Las, ces dernières années l’effet ESB s’est estompé, les cours des laitonnes ont repris des couleurs tout comme la demande en génisses de renouvellement aubrac. L’intérêt des éleveurs s’est fané et la rosée labellisée n’a plus trouvé grâce aux yeux des bouchers revenus aux « veaux blancs ». « L’IGP a eu du mal à prendre, c’est vrai. On était tombé à moins d’une centaine d’animaux », poursuit le jeune éleveur.
C’est le plan viande (voir encadré), qui a rassemblé la coopérative, les établissements Guash, les deux étant associés dans l’abattoir de Perpignan mais aussi les collectivités territoriales, qui a servi de déclic de la relance. « Il y a eu deux facteurs, précise Stéphane Guash. D’abord la prise de conscience des éleveurs qu’il fallait changer de système, peut-être travailler différemment pour gagner un peu sur la rémunération. Ensuite, il y a eu le travail technique mené avec eux par la coopérative. C’est-à-dire améliorer les conditions de finition des Vedell, ou améliorer l’état des mères et les mettre dans les bonnes conditions de lactation pour que les veaux destinés à la rosée profitent à plein. »
Objectif 500 têtes pour les deux démarches
Ajoutez au cocktail un peu de rigueur, une pesée à 120 jours pour vérifier les GMQ… Les résultats sont probants, et rapides. En 2020, la rosée des Pyrénées, c’était 87 veaux. En 2021, 193 carcasses ont été labellisées. « Notre objectif aujourd’hui pour la rosée, c’est de parvenir à 280 veaux l’année prochaine et pour le Vedell, que nous allons reprendre en main cette année, nous espérons passer de 30 animaux à 200 ou 250. En gros, nous espérons arriver à 500 animaux dans les deux démarches. »
Avec pour débouchés, la restauration commerciale pour 80 % des volumes de rosée et la restauration collective pour 80 % des Vedell. Le reste de la gamme en bovins est complété par deux marques commerciales pour les vaches et les veaux primeurs. Une cinquantaine d’éleveurs sont inscrits dans les deux démarches sur les 150 élevages bovins allaitants que compte le département.
Pour Galdric Sola, le jeu de la rosée en vaut la chandelle. « Les femelles sont toujours moins bien valorisées en broutard, alors en soignant un peu les mères, en étant attentifs, on arrive à vendre ces animaux entre 800, voire 900 euros pour les meilleurs, contre 500 à 600 en broutard au même poids. Grosso modo pour le même travail. Mais ce qui est intéressant, c’est aussi que nous sommes parvenus à imposer le veau rosé dans le département. » Et ce en dépit de l’évolution de la consommation.
Dix ans de développement
Ce qui est aujourd’hui, aurait pu ne pas être si d’aventure le nouvel abattoir n’avait pas été construit à Perpignan pour remplacer l’ancien, obsolète. De 3 000 tonnes alors, un nouvel abattoir plus tard… la production atteint aujourd’hui 5 000 tonnes annuelles et les prévisions tablent sur 7 000 tonnes à moyen terme. Au total, en 10 ans, ce sont 20 M€ qui auront été investis par les établissements Guash et la Catalane d’abattage (détenue par Guash, la coopérative catalane des éleveurs et l’agglomération de Perpignan) sur le site de Torremilla pour accompagner le développement des productions locales, en viande bovine mais aussi en porc et en ovins.
Une marque pour l’image de l’élevage départemental
Les filières s’étant structurées chacune de leur côté, elles avaient chacune une marque propre. Les bovins en compte plusieurs, rosée des Pyrénées (IGP), Vedell, veau primeur, bœuf Fleuron… L’agneau est commercialisé sous la marque Xaï ; le porc, en plein air ou sur paille sous la marque Tirabuxo… Dans le cadre du plan viande, la coopérative a fait effectuer un audit de ses marques et en particulier de leur notoriété en 2018. Le résultat, implacable, n’était pas flatteur pour une démarche engagée de longue date. « Les consommateurs locaux, à Perpignan, ne faisaient pas le lien entre ces marques et nos animaux, nos conditions d’élevage, le plein air, les estives ni nos valeurs », détaille Stéphane Guash. Pour remédier à ce déficit de reconnaissance, la coopérative a mis sur pied une marque mère, « Transhumàcia, éleveurs de goûts » qui sera chargée de fédérer toutes les marques existantes. Déployée peu avant le salon de l’agriculture, elle a fait l’objet d’une campagne de publicité télévisée et sur les réseaux sociaux et, est déployée dans les points de vente. Avec une mise en avant particulière des bouchers et charcutiers traditionnels, de quelques boucheries de grandes surfaces et des restaurateurs qui auront la possibilité de devenir « ambassadeurs » de la marque. Une communication spécifique ayant été déclinée pour la restauration collective.