Charges de mécanisation en bovins viande : des variabilités, sources d’économies
Le poids des charges de mécanisation et la faiblesse des revenus moyens en agriculture posent nécessairement la question des économies possibles à faire en matière d’investissement
Le poids des charges de mécanisation et la faiblesse des revenus moyens en agriculture posent nécessairement la question des économies possibles à faire en matière d’investissement
Selon l’Institut de l’élevage, les charges de mécanisation entre 2005 et 2015 ont augmenté de 23 % dans les élevages bovins viande, alors qu’en parallèle, le coût du travail n’a baissé que de 10 %. Elles représentent aujourd’hui entre 30 et 50 % des coûts de production.
Le montant élevé de ces charges dans l’analyse des coûts de production est pointé du doigt comme facteur limitant la compétitivité des élevages. La connaissance et la maîtrise de ce coût apparaissent donc fondamentales pour les exploitations agricoles, d’un point de vue économique. Or, une mission du conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux (CGAAER) commanditée par le ministère de l’Agriculture sur cette thématique a mis en avant que les « agriculteurs évoluent dans ce marché avec peu d’outils à leur disposition. Ils sont bien souvent seuls avec peu de choix et peu de concurrence. La recherche d’optimisation des charges sociales et fiscales accélère bien souvent la prise de décisions des agriculteurs et n’implique pas nécessairement une réflexion stratégique d’équipement. »
Les résultats de ce rapport montrent par ailleurs qu'il existe une marge de progrès accessible avec un meilleur raisonnement de la mécanisation : gestion du renouvellement, dimensionnement du matériel, recours aux travaux par tiers et amélioration de l'efficacité des chantiers. « Des initiatives émergent. On voit des agriculteurs se rassembler pour procéder à des achats groupés, mettre en place des assolements en commun et même parfois renoncer à des investissements pour recourir à des prestations de service. »
Des optimisations sur le poste fenaison
Dans le secteur bovins viande, la mission du CGGAER déplore le manque de références disponibles pour évaluer les charges de mécanisation à la surface. Les travaux de l’Institut de l’élevage pointent la variabilité des charges de mécanisation d’une exploitation à l’autre qui vont du simple au double, de 243 à 586 euros pour 100 kilos de viande vive. Cette variabilité s’explique par les stratégies adoptées au sein de chaque élevage comme l’adhésion ou non à la Cuma, la délégation de certains travaux, le vieillissement du matériel, le nombre d’heures de tracteur par travailleur, la défiscalisation, la recherche de confort et de sécurité.
Les leviers de maîtrise en élevage concernent plusieurs grands postes du coût de mécanisation. À commencer par la traction qui en représente la part la plus lourde (30 à 50%). On constate un accroissement des puissances des tracteurs d’élevage.
« Il peut être bon de réfléchir à partager un tracteur de tête.Il faut effectivement se demander si l’augmentation de la puissance de traction que l’on observe dans les exploitations est toujours bien valorisée ? Autres postes non des moins moindres, le transport, la manutention, l’épandage des effluents d’élevages. On retrouve également le poste récolte, toutefois plutôt bien géré aujourd’hui car facilement délégable. Par contre, des efforts peuvent encore être consentis sur la fenaison, en faisant appel à diverses solutions (Cuma, ETA, organisation de chantier en commun). Il existe une vraie possibilité d’optimisation sur ce poste », souligne Jean-Philippe Rousseau, directeur FRCuma Bourgogne-Franche-Comté.
Trouver le bon équilibre
Les écarts entre exploitations ayant le même type de production n’ont jamais été aussi conséquents. Certes, ces différences peuvent trouver une part d’explication dans des types de sol, de parcellaires et de formes d’organisation aux disparités importantes.
Mais au-delà de ces facteurs bien réels, ce qui diffère, c’est la gestion du parc de matériel. Et ce qui est déterminant, c’est la capacité des dirigeants à définir une stratégie globale au niveau de l’exploitation et à la mettre en œuvre. Les marges d'optimisation existent. Pour être accessibles, elles nécessitent cependant une réflexion et un changement dans les modes d'organisation.
« À chacun sa solution ! Celle-ci dépend de l’équilibre entre qualité de travail, efficacité, coût et manière de fonctionner. Attention par ailleurs à bien raisonner sa stratégie de renouvellement. Il est essentiel de trouver le bon équilibre entre vieillissement du parc matériel et charges d’entretien », précise Jean-Philippe Rousseau.
L’important est de développer une cohérence entre ses propres équipements et ceux extérieurs, les besoins réels, en rappelant que le suréquipement (collectif ou individuel) et les matériels nécessitant plus d’énergie pénalisent la rentabilité.
La sous-traitance en agriculture augmente (source Agreste) et concerne spécialement les entreprises de travaux agricoles. En 2016, 7,1 % des exploitations, toutes productions confondues, ont déclaré avoir délégué intégralement les travaux de cultures.
De nouvelles pratiques d’achat émergent timidement pour rechercher de meilleurs prix (appel d’offres d’exploitations qui se regroupent, Camacuma, société de négoce en matériel agricole mis en œuvre par la FNCuma). La gestion collective des assolements paraît très efficace pour réduire les charges de mécanisation mais pour être mise en œuvre, elle nécessite de profonds changements et éventuellement un accompagnement plus fort pour la rendre davantage accessible.
Mise en garde
« Il est important de faire attention dans les ateliers d’engraissement aux matériels utilisés pour la distribution des fourrages, de bien calibrer son matériel au besoin. Dès que les rations sont complexes, il faut veiller au temps de mélange. Idem pour le temps de charge. Il ne doit pas dépasser les 20 minutes », prévient Christian Savary, spécialiste machinisme à la chambre régional ’'agriculture de Normandie.
Il existe autrement des solutions plus simples. La localisation du stockage peut également vite générer de la consommation de carburant. Les robots d’alimentation qui commencent à arriver en engraissement représentent aussi un point de vigilance. « Il faut faire attention aux discours qui indiquent de fortes progressions de GMQ car ce n’est pas toujours une réalité. Justifier un investissement sur un potentiel gain de rendement est dangereux. La prudence est de mise dans ces investissements. Une bonne organisation peut parfois amener des solutions. »
Un poste traction élevé
L’observatoire des charges de MÉCanisation de la fédération des Cuma de Bourgogne-Franche-Comté existe depuis 1995. Il est composé de 14 cas types. Des mises à jour régulières sont réalisées. Dans cette logique, la fédération s’est intéressée en 2020-2021 aux systèmes d’exploitation en grandes cultures et faible potentiel dont un sous-groupe bovins viande et grandes cultures fait partie.
Dans ces dernières, les postes traction, récolte et carburant restent les principaux postes de charges quel que soit le système. Ils représentent 7 % d’entre elles. Les exploitations avec un atelier d’élevage sont celles qui ont le moins investi ces trois dernières années, elles possèdent le parc matériel le plus vieillissant. Les travaux par tiers représentent la plus grande part dans leurs charges totales ( 17 %).
L’étude montre par ailleurs que les exploitations, tous systèmes confondus, qui ont un recours régulier aux travaux par tiers, disposent d’un niveau de charges de mécanisation inférieur au niveau conseillé. Enfin, on apprend que l’investissement collectif ne permet pas systématiquement de travailler à moindre coût. Toutefois, cela permet de partager le risque et d’éviter les lourdes erreurs d’investissement.
Des outils de diagnostic et d'aide au choix
Il peut être judicieux de réaliser un diagnostic pour trouver le meilleur compromis entre coût du matériel, organisation et performance de l’outil.
Un diagnostic des coûts de production et des charges de mécanisation permet de s’interroger pour identifier d’où proviennent les écarts et se poser les bonnes questions. Dans les faits, le coût réel de la mécanisation est peu connu. Les préconisations sur l’évolution du parc matériel prévoient d’aborder la réalité complète de l’exploitation, de son système de production, de la main-d’œuvre. Une analyse de la situation peut être réalisée, sous différentes formes (conseil individuel ou collectif, formation).
Des outils sont là pour le diagnostic et la mise en place de solutions d’économies. Des initiatives existent en régions. Pour accompagner les exploitations, le réseau Cuma fournit des outils de conseils et collectionne les références chiffrées.
Analyser ses charges
Il propose par exemple Mécagest Pro, une méthode informatisée capable d’analyser toutes les charges de mécanisation d’une exploitation, en intégrant les apports des tiers et en évitant les biais liés aux politiques fiscales et au financement de l’exploitation.
Cet outil permet d’étudier les coûts selon les six grands postes de mécanisation (traction, transports, travail du sol…), de simuler l’évolution sur plusieurs années et de faire des analyses de groupes. « Il nous sert à mettre à jour nos références. Sur la région Bourgogne-Franche-Comté, on utilise Flash’Méca, un outil développé par la chambre d’agriculture de l’Yonne. Il apporte un diagnostic rapide des charges de mécanisation et identifie les premières pistes d’actions », note Jean-Philippe Rousseau, directeur FRCuma Bourgogne-Franche-Comté.
Dans l’Ouest, la fédération de Cuma a conçu l’outil Mécaflash. Il détermine en quelques minutes les charges de mécanisation et le besoin en heures de tracteurs de forte puissance. Il existe désormais dans différentes versions régionales.