Brebis et vaches ensemble pour mieux valoriser l’herbe
Associer les espèces ovines et bovines avec un ratio de une à deux brebis par vache allaitante permet d’optimiser la ressource en herbe et de diversifier les ateliers. Pascal Meule, éleveur dans la Nièvre, apprécie cette complémentarité.
Associer les espèces ovines et bovines avec un ratio de une à deux brebis par vache allaitante permet d’optimiser la ressource en herbe et de diversifier les ateliers. Pascal Meule, éleveur dans la Nièvre, apprécie cette complémentarité.
« Quand j’ai repris l’exploitation de mes grands-parents en 1995, il y avait déjà des ovins et des bovins sur l’exploitation », explique Pascal Meule, éleveur à Lormes, dans le Morvan. Quelques années plus tard, l’exploitation a bien évolué. Avec quatre-vingt-dix vêlages par an, les bovins assurent l’essentiel du chiffre d’affaires ; mais, ramené à l’UGB, les ovins se sont avérés plus rentables ces dernières années. En 2015, les seize UGB ovine ont généré 12 000 € de produit brut lié à la seule vente des agneaux. Un résultat favorisé par la complémentarité entre les deux espèces. Ce choix d’associer bovins et ovins, et surtout de maintenir ces derniers, est très lié aux vêlages de fin d’automne et à la volonté de valoriser au mieux l’herbe tout au long de l’année.
Vêlages de fin d’automne
Dans le Morvan, une des particularités du foncier réside souvent dans l’existence d’une multitude de petites parcelles, généralement très imbriquées les unes dans les autres. Le parcellaire de l’exploitation de Pascal Meule ne fait pas exception. Il ne permet pas de constituer de lots de dimension conséquente. « À la mise à l’herbe, j’ai dix-sept lots de bovins. Le plus important est de quatorze vaches suitées, et je dois faire un peu plus de cinquante kilomètres si je veux aller inspecter tous les lots. Si les vêlages avaient lieu en hiver, il me faudrait une bonne demi-douzaine de taureaux. Associée aux sols granitiques séchants, c’est une des raisons qui m’ont incité à opter pour des vêlages d’automne afin de ne mettre à l’herbe que des vaches confirmées pleines. » Leurs veaux déjà lourds profitent à plein de l’herbe du printemps pour faire des kilos à moindre coût et arrivent au poids objectif de vente de 400 kilos en cours d’été, à une période où les cours sont en principe favorable et avant que l’herbe ne commence à se raréfier.
Avec des vêlages répartis du 1er novembre à mi-décembre, toutes les mises à la reproduction ont lieu en hiver. Une forte proportion des vaches sont inséminées. Il n’y a qu’un taureau sur l’exploitation. « Ma caméra est mon meilleur ouvrier. Je l’utilise un peu pour la surveillance des vêlages et beaucoup pour celle des chaleurs. » Voici quelques années, les vêlages se prolongeaient jusqu’en avril. Une conduite très stricte associée à un taux de réforme suffisant permet désormais de concentrer la quasi-totalité d’entre eux sur seulement six semaines. « Il faut absolument que mes vaches soient pleines avant la mise à l’herbe. Je veux être tranquille pour les fêtes et pouvoir profiter de mes enfants pendant leurs congés scolaires. La fin de l’automne est consacrée aux vêlages, puis je passe à autre chose. » Avec un troupeau bovin orienté sur la seule production d’animaux maigres, et des ventes d’agneaux en cours d’été, cela permet aussi d’avoir le minimum d’animaux (90 vaches, 25 génisses de 2 ans, 25 génisses de 1 an et 100 brebis) en période hivernale, avec des stocks fourragers et des surfaces en bâtiments en conséquence.
Hivernage des brebis à moindres frais
Les vaches sont rapprochées des bâtiments à compter du 15 octobre. Les repousses qu’elles n’ont pas utilisées en cours d’automne le seront par les brebis à la mauvaise saison. Rien ne sera donc perdu. « Je fais agneler en mars. Comme ça, les brebis passent une bonne partie de l’hiver dehors. En extérieur, elles ne consomment quasiment pas de foin, hormis les quelques jours où il y a vraiment de la neige, mais cela tend à devenir anecdotique. »
Avec une troupe composée de brebis de races herbagères, cela permet une bonne valorisation de l’herbe en hiver. « On a souvent de belles repousses à l’automne. Dans une exploitation mixte comme celle-ci, un ratio de une à deux brebis par vache est l’idéal pour valoriser au mieux toutes les repousses par le pâturage automnal puis hivernal des brebis », souligne Christophe Rainon, technicien à la chambre d’agriculture. Cela permet de faire passer les brebis en hiver sur la plupart des pâtures utilisées par les vaches, mais aussi sur les temporaires fraîchement implantées. Ce "nettoyage" hivernal favorise leur "redémarrage" au printemps. En hiver, deux lots d’ovins — un d’environ quatre-vingts brebis et l’autre d’une vingtaine d’agnelles de renouvellement — tournent sur cinquante et un hectares, dont douze de prairie temporaire. Ils ne sont pas en pâturage continu, mais tournant, et restent quinze jours à trois semaines sur chaque parcelle. « Je ne les complémente en foin que s’il fait vraiment froid ou s’il y a de la neige », précise Pascal Meule. « De toute façon, elles préfèrent l’herbe. Sur des temporaires fraîchement semées, cela permet de rappuyer le sol. C’est très favorable à l’enracinement, à condition que les animaux ne restent pas trop longtemps sur la parcelle. Je trouve aussi que, dans les prairies sur lesquelles les brebis sont passées en hiver, il y a un meilleur départ en végétation. »
Pâturage hivernal parfaitement raisonné
La mise en lutte a lieu début octobre sur une parcelle de temporaires. Cela permet un effet flushing grâce à de bonnes repousses. Les agnelles sont en lutte en même temps que les brebis, pour avoir une seule période d’agnelage en mars. « Les brebis doivent générer le moins possible de travail. La période d’agnelage est plaisante, car groupée. » Les brebis sont rentrées pour l’agnelage. Elles utilisent d’anciennes étables entravées, réaménagées en hangar à foin. « À compter de fin février, je dispose de 300 mètres carrés. J’ai juste à installer des auges en bois et des claies. En une demi-journée, tout est monté. En cours d’agnelage, les brebis sont nourries avec du foin en libre-service et un aliment du commerce. Je table sur trente kilos par tête tout au long de l’hivernage." Les brebis sont en bâtiment de fin février à mi-avril, jusqu’à ce que les agneaux soient bien démarrés pour profiter à plein de l’herbe nouvelle. Rentrer les brebis à peine deux mois par an permet une économie de fourrages stockés estimée à vingt tonnes de matière sèche (135 jours d’hivernage x 100 brebis x 1,5 kg MS).
Il y a quatre lots de brebis au printemps (d’importance très inégale), constitués selon l’âge des agneaux. Ils utilisent 11 hectares en pâturage mixte et 2,6 hectares de petites parcelles en pâturage tout ovin. « Les deux lots les plus importants sont mélangés à des vaches suitées. Je trouve que ça ne pénalise ni les performances des broutards, ni celles des agneaux, et que la gestion de l’herbe est meilleure. »
Toutes les parcelles utilisées à un moment de l’année par des ovins sont closes avec des clôtures électriques doublées d’une haie. Il n’y a pas ou très peu de grillage à mouton. Pour les parcelles utilisées par les ovins, il y a deux fils lisses hypertendus – un à 30-40 cm pour les brebis et un à 80-90 cm pour les vaches. Brebis et vaches ne se sauvent pas, mais l’électrificateur est puissant, et Pascal Meule veille à ce qu’elles aient toujours suffisamment d’herbe. Au printemps, les lots sont en pâturage continu. Il devient tournant quand la saison avance et que les prairies utilisées pour constituer les stocks se libèrent.
Pour les années à venir, augmenter le cheptel d’une quinzaine de brebis pourrait s’envisager. Les bâtiments utilisés pour l’agnelage ne sont pas suroccupés. Avec des brebis, la capitalisation sur pied demeure modeste et il demeure quelques possibilités d’élargir les surfaces utilisées pour le pâturage hivernal des brebis.
Le choix des races herbagères
« Par goût, je suis davantage éleveur de bovins que d’ovins, mais pas question d’avoir ce second atelier si c’est pour le négliger. Je n’ai qu’une centaine de brebis, mais il faut de la rigueur dans la conduite pour obtenir des résultats », précise Pascal Meule. L’an dernier, le taux de prolificité était de 154 %, le taux de mortalité des agneaux de 9 % et le taux de productivité numérique de 123 %. Les agneaux naissent en mars et fin août, leur vente a généré 12 000 euros de produit. Ce n’est pas si mal dans la mesure où les coûts de production sont limités.
Les brebis sont des croisées de races herbagères bien adaptées au plein air. Pascal Meule utilise des béliers de trois races (Sufolk, Charollais et Texel) et veille à alterner les trois pour ne pas tendre vers une race pure, mais au contraire maintenir les aspects positifs de l’hybridation.
« Mon objectif est d’avoir des agneaux qui poussent vite. Ils sont tous sevrés mi-juillet et rentrés dans la stabulation des vaches. Je les nourris alors avec des concentrés et de la paille. En procédant ainsi, on les a toujours sous la main. C’est plus simple que d’avoir à les rentrer régulièrement pour les trier. " Tous les ovins sont commercialisés par la Cialyn et le technicien passe régulièrement pour marquer ceux qui sont bons à abattre. Les premiers sont vendus juste après le sevrage. La plupart le sont dans le mois qui suit et les derniers partent fin août. Les ventes 2015 font état d’une moyenne de 115 euros et 19 kilos de carcasse par tête. « Je table sur 35 kilos d’aliment par agneau sevré, chiffre incluant les quantités consommées par la bonne vingtaine d’agnelles conservées pour le renouvellement, lesquelles restent quelques semaines en bâtiment avant de repartir à l’herbe. »
Christophe Rainon, chambre d’agriculture de la Nièvre
"Une conduite simple et économique"
« La conduite du cheptel ovin est simple et économique. Elle repose sur une bonne complémentarité entre les deux troupeaux pour la gestion des surfaces en herbe et le temps de travail. Le ratio d’une brebis par vache et le choix de brebis de races herbagères permettent une conduite hivernale très économique, dans la mesure où elle limite les besoins en foin et en bâtiment d’hivernage. Les bons résultats de l’atelier ovin découlent aussi d’une productivité numérique satisfaisante. En 2014, l’atelier ovin a permis de dégager une marge brute de 10 100 euros pour 90 brebis, soit 112 euros par brebis ou 632 euros par UGB ovin. »