Récoltes 2024 : des foins, ensilages et enrubannages de prairies de mauvaise qualité
Dans toutes les régions, le constat est à l’hétérogénéité et, pour le plus gros des volumes, à la mauvaise qualité des stocks récoltés sur prairies. La complémentation du troupeau allaitant doit être renforcée cet hiver pour maintenir les performances.
Dans toutes les régions, le constat est à l’hétérogénéité et, pour le plus gros des volumes, à la mauvaise qualité des stocks récoltés sur prairies. La complémentation du troupeau allaitant doit être renforcée cet hiver pour maintenir les performances.
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« Dans la Creuse, les premières coupes d’ensilages de prairies temporaires, prévues pour être précoces, n’ont pas pu être réalisées », explique Alexis Desarménien de la chambre d’agriculture la Creuse. Les éleveurs n’ont pu les récolter que mi-juin, à 1200 °jour, et leur valeur azotée se compare logiquement à celle d’un foin classique avec en moyenne 3 à 4 points de MAT en moins que prévu, à 112 g PDI, avec cependant une valeur UF pas si mauvaise, autour de 0,8 UFL/kgMS. Les deuxième et troisième coupe sur ces parcelles ont par contre des valeurs normales. Dans le secteur de la Creuse, les enrubannages ont aussi été faits sur des prairies épiées et leur teneur en MAT est catastrophique (environ 85 g PDI et 0,7 UFL/kgMS) avec des deuxième et troisième coupes logiquement décalées en saison.
Les foins ont été récoltés très tardivement dans la deuxième quinzaine de juillet, à plus de 1400 °jour. De très grosses quantités de foin bien sec (85 à 90 % MS) ont été stockés mais leur valeur moyenne de 79 g PDI et 0,66 UFL/kgMS en fait des fourrages pouvant servir pour favoriser la rumination dans des rations très concentrées. Les deuxièmes coupes de foin ont pu être faites dans de meilleures conditions et donnent une très bonne valeur alimentaire en général.
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En Vendée, l’accumulation d’eau dans les parcelles remonte à l’automne 2023, avec des grosses difficultés sur les semis de céréales, rappelle Philippe Bremaud de Bovins Croissance Sèvres Vendée conseils. « Pour la saison de pâturage 2024, ceux qui pratiquent le pâturage tournant dynamique ont été beaucoup moins impactés par la baisse de performances », note le conseiller mais cela représente peu de surfaces. Dans l’ensemble, beaucoup de foin a été récolté mais il n’est pas appétent et de mauvaise valeur. « Avec une mélangeuse, il est possible de le faire consommer mais en distribution à volonté, les animaux se limitent à le consommer. Il présente un risque de mycotoxines. » Dans les méteils seigle-trèfles récoltés la deuxième quinzaine d’avril, la céréale avait disparu. Le rendement est faible mais ils sont très riches en azote (18-19 % MAT). Les RGI ont été récoltés jusqu'à début juin, et leur valeur azotée est bien faible. Les luzernes ont donné des rendements réduit d’un tiers en moyenne, mais sont de qualité normale. Les maïs ensilage ont été semés tard avec des variétés dont l’indice n’était plus adéquat. Quand leur taux de MS est faible (28-30 %), les rations sont donc plius compliquées à gérer pour les équilibrer avec des transits plus rapides. Il a fallu aussi gérer plusieurs transitions alimentaires pour faire la jonction entre silos.
Des valeurs parfois décevantes même pour des fourrages récoltés au bon stade
« Pour les vaches, en plus d’ajuster la complémentation en céréales et tourteau de colza et de soigner le protocole de gestion du parasitisme, il est nécessaire de sécuriser les apports en minéraux, oligo-éléments et vitamines en période de reproduction », conseille Philippe Bremaud.
Dans la Nièvre, les teneurs en MAT des ensilages de RGI et RGI-trèfles ont été décevantes, même celles récoltées au bon stade. "Les faibles teneurs en MAT des ensilages précoces s'expliquent par la mauvaise météo du printemps qui a pénalisé la minéralisation de l'azote du sol et donc son assimilation par les plantes" explique Charles Duvignaud de la chambre d’agriculture de la Nièvre. Sur prairies permanentes, les récoltes ont été échelonnées sur trois mois à cause de la pluie puis de la portance des sols », explique Charles Duvignaud de la chambre d’agriculture de la Nièvre. « Leur valeur azotée est dans la fourchette basse par rapport aux autres années. Les foins fait à partir de juillet sont cependant plus appétents. » Beaucoup d’enrubannage a été fait faute de pouvoir récolter en sec, et la conservation d’une partie de ces stocks est déficiente à cause d’une teneur en sucres insuffisante. « Etre prêt à faucher dès le premier créneau de beau temps de l’année, fin avril début mai, permet de sécuriser une récolte de qualité», relève le conseiller. Si les foins de fin juillet début août sont plus appétents, c'est grâce aux repousses de feuilles vertes dans le fourrage et aussi grâce à une meilleure conservation (les foins récoltés en juin étaient souvent à peine sec). « Les éleveurs qui disposent de parcelles sur les plateaux calcaires du nord du département ont bénéficié d’une très bonne année pour leurs luzernes, avec quatre voire cinq coupes abondantes et de très bonne qualité."
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Jérôme Laviron, responsable du pôle viande et du pôle fourrages d’Alysé dans l’Aube, l’Yonne et le Loiret, fait écho de résultats similaires. « Les enrubannages de prairie affichent 1,5 à 3 points de moins de MAT que l’attendu. Les résultats d’analyse peuvent surprendre car les éleveurs pensaient souvent avoir fait des enrubannages de qualité correcte. » Idem pour les ensilages d’herbe qui contiennent très peu de protéines même récoltés dans les règles car il y a une période de gel pendant plusieurs jours fin avril, beaucoup de pluies et pas d’ensoleillement.
« Sur une vache charolaise en lactation, une ration enrubannage et foin récoltés en 2024 ne permet cette année qu’une production de 4 litres de lait au lieu de 8. Pour l’équilibrer, il faut un apport quotidien de 300 g d’orge et de 900 g de tourteau de colza par exemple. Sur une génisse charolaise d’un an, la ration habituelle de foin avec 1 kg d’orge et 200 g de tourteau de colza ne permet que 300 g/jour de croissance cette année. Pour atteindre l’objectif de croissance de 750 g/jour sur la période hivernale, il faut rajouter 2 kg d'orge et 500 g de tourteau de colza (soit une complémentation totale de 3,8 kg d'orge et 800 g de tourteau de colza) - soit une facture quotidienne alourdie de 80 euros supplémentaires par génisse », chiffre Jérôme Laviron. Si la ration est moitié enrubannage et moitié foin, le surcoût représente 55 euros par jour par génisse d'un an. « Je préconise aussi d’augmenter de 20 à 30 g/jour la quantité de macro minéraux par rapport à d’habitude. »
En énergie, les ensilages d’herbe présentent globalement sur cette région 0,1 UFL de moins que d’habitude et les enrubannages sont corrects. Les foins sont moins énergétiques, encombrants, peu digestibles.
En Haute-Loire, "les fourrages récoltés en 2024 manquent énormément de matière sèche, et comme presque tous ont été récoltés à un stade trop avancé, ils ont une valeur alimentaire faible et sont encombrants", relève Jean-Christophe Freyssenet de Bovins Croissance de Haute-Loire. Peut-être sera-t-on cependant content de les avoir en stock l'été prochain. Les performances de reproduction et de croissance des veaux de cet hiver ne sont pas bonnes, mais le passage de la FCO est aussi probablement en cause dans beaucoup de troupeaux.
Dans le Lot, la qualité des fourrages récoltés est très hétérogène. « Ceux qui ont réussi à récolter précocement ont des ensilages et enrubannages à 14-15 % de MAT mais d’autres sont à 7-8 % », explique Laura Gauzin de la chambre d’agriculture du Lot. « La récolte de foins a été très difficile faute de fenêtre météo, et des énormes quantités à mauvaise valeur alimentaire sont stockées, sans que les éleveurs ne sachent trop quoi en faire. » Il y a eu globalement peu d’apport de foin au pré en été, mais la saison de pâturage a pu être marquée quand même selon la nature des sols et l’effet des épidémies. Les ensilages de maïs sont réussis, et les systèmes herbe et maïs sont mieux lotis pour couvrir en énergie les besoins du troupeau cet hiver. Les luzernes ont donné de bonnes récoltes.
Dans les Pyrénées-Atlantiques, des abats d’eau particulièrement importants ont perturbé les récoltes à différents moments, automne et/ou printemps, selon la zone. « Les granges sont pleines. Ceux qui ont pu faire des fauches précoces ont récolté des stocks de bonne qualité. Pour le reste, la qualité est fourrages récoltés sur prairies est moyenne », résume Marie-Claude Mareaux de la chambre d’agriculture des Pyrénées-Atlantiques. Le recours à l'enrubannage a augmenté avec les conditions humides, mais pour sauver des fait en fait.» Les chantiers d’ensilage de maïs ont été difficiles à mettre en œuvre. Les mycotoxines seront à surveiller. Pour les variétés grain, une partie des surfaces ont été récoltées en maïs épi pour pallier le manque de matière sèche et avancer la date de récolte ; là aussi la qualité des grains sera à surveiller.
Dans les Hauts-de-France, Didier Oden de Avenir Conseil Elevage constate la récolte de mauvais enrubannages, de mauvais ensilages et de mauvais foins. « Les stocks sont faibles en MAT, avec en plus une mauvaise digestibilité et ils sont encombrants. Même l’enrubannage fait début mai dans les règles n’a pas une bonne valeur alimentaire.» Pour maintenir le niveau des performances, les achats de concentrés azotés sont incontournables. « Pour certains éleveurs, les volumes à acheter peuvent représenter le double de d’habitude si on veut être pointilleux. » Le conseiller constate que le résultats de pesée des veaux en cours de l’hiver ne sont pas bons, avec en moyenne 15 kg de moins qu’attendu. « Le retard pris durant les six premiers mois de vie est difficile à rattraper. »
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En Moselle, très peu de fourrages de qualité en fauches précoces comme en foin ont pu être stockés, explique Céline Zanetti de la chambre d’agriculture de Moselle. Les éleveurs qui ont pu récolter sur le créneau d’avant la mi-mai ont pu tirer leur épingle du jeu. Mais plus tard, la qualité a décroché. « Dès que cela porte, quand il y a un créneau à partir de fin avril et même si la quantité de fourrage est relativement faible, il ne faut pas regarder la date et faucher. » Pour la conseillère, la luzerne a sauvé la mise à un certain nombre d’éleveurs, mais sa récolte étant intervenue parfois en conditions humides à l’automne, des interrogations sont formulées sur son bon redémarrage l’année prochaine.
A cause d’inondations de prairies en Moselle, certaines parcelles n’ont été récoltées qu’en août. « Des éleveurs ont parfois acheté du foin de l’année dernière. Le foin de prairies inondées en 2024 pourra être utilisé en paillage mais seulement en petites quantités et avec le risque très élevé de la présence de mycotoxines, mieux vaut ne pas le conserver. » Cécile Zanetti rapporte aussi le cas de croissances d’animaux inférieurs au niveau attendu qui ont pu être décelées dans certains élevages cet hiver, et même si l’orge a une appétence normale. La question de la valeur alimentaire de l'orge voire de la présence de mycotoxines dans l'orge pourraient être posées. « Les ensilages de maïs sont globalement de bonne qualité. Ils ont des taux de matière sèche très variables, mais ont l’air d’être bien consommés. »
En Bretagne, Mélanie Deborde d’Eylips note que les fourrages récoltés sur prairies affichent globalement un déficit de 2 à 3 points de MAT. « Pour complémenter un troupeau de 70 vaches allaitantes suitées cet hiver, l’achat supplémentaire d’une source de protéines revient à environ 2500 euros. » Un certain nombre d’éleveurs n’ont pas pu récolter précocement les enrubannages à visée de fortes valeurs alimentaires. La quantité d’herbe sur pied de cet été a permis aux animaux de pâturer toute l’année et donc de peu ou pas toucher aux stocks. « En règle générale, l'ensilage de maïs est un fourrage qui est globalement bien réussi dans notre région bretonne. Il permet aux éleveurs allaitants de sécuriser leurs rations sur le plan énergétique. Cette année, on constate la présence de mycotoxines dans le maïs. En vu des conditions climatiques, le maïs a mis du temps à murir et certains ont ramassé des ensilages faibles en MS. Des éleveurs ont préféré récolter sous forme de maïs épi ou maïs humide pour assurer un bon taux de matière sèche de la ration. »