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Blonde d’Aquitaine : gérer l’hétérogénéité des vaches de boucherie

Un tiers seulement des carcasses de vaches blondes correspondent aux objectifs commerciaux de la race. Le projet DéfiBlonde vise à améliorer les pratiques de finition.

La Blonde d’Aquitaine a un statut à tenir. Celui de « vache la plus lourde et la mieux conformée » et d’un rendement de viande net hors pair. Un rang difficile à contester au vu des spécimens qui trônent dans les concours de race ou d’animaux de boucherie. Pourtant, l’étude DéfiBlonde, pilotée par la filière, montre une situation beaucoup plus contrastée qu’il n’y paraît. Ainsi, seulement 32 % des carcasses de vaches Blonde d’Aquitaine abattues en France « ont la conformation et l’état de gras répondant à l’objectif de la race. Malgré une amélioration remarquable de la qualité en cinq ans, la majorité de la production nationale (56 %) se situe dans la plage de conformation moyenne (U- et R) en concurrence avec le cœur de gamme de la production de vaches de boucherie originaires du troupeau allaitant. » Ce n’est pas mieux sur la gamme de poids recherché (420 à 600 kgc) : seulement 29 % de la production nationale est dans les clous. Difficile, dans un contexte de marché tendu, de tenir des objectifs commerciaux qui visent un différentiel de prix de 1 €/kg carcasse en sa faveur pour des conformations U + et U = et un état de gras de 3 ou plus. Un vrai hiatus. La Blonde d’Aquitaine, qui fournit 6 % des carcasses produites au niveau national, occupe un marché de niche face aux autres races allaitantes. Avec des Blondes, les durées d’engraissement sont longues et génèrent des coûts de production plus élevés. La rentabilité de l’engraissement passe donc par une nécessaire différenciation du prix.

La seule race à avoir accru son hétérogénéité

L’étude DéfiBlonde est la première étape d’un programme « d’amélioration des pratiques de finition des vaches Blondes d’Aquitaine » (lire ci-contre). Le traitement des données d’abattage 2016 de la base Normabev, complétées par les informations de la BDNI, donne un diagnostic précis de l’offre de vaches de boucherie. La race est en expansion dans la moitié Nord de la France. L’effectif national de vaches blondes a progressé de 4 % en dix ans (531 000 têtes en 2017). Un peu plus de 100 000 vaches sont destinées à la boucherie tous les ans. C’est la première catégorie commerciale issue du troupeau blond. La race est à égalité avec la Parthenaise en termes de poids moyen de carcasse (483 kg) mais elle est abattue plus âgée (90 mois contre 75 mois). Un tiers des blondes sont abattues à 3 et 4 ans, la moitié entre 5 et 10 ans et 20 % au-delà de 10 ans. Les résultats de l’étude confirment qu’elle se distingue des autres races allaitantes par sa conformation (60 % des carcasses classées E ou U contre 35 % en Limousine et 16 % en Charolaise). Mais, pas suffisamment par rapport aux attentes commerciales (27 % de U-). Plus ennuyeux, la Blonde d’Aquitaine est la seule race à avoir accru sa variabilité : 20 % des carcasses sont trop légères (moins de 420 kgc) et 5 % trop lourdes (plus de 600 kgc). « La Blonde d’Aquitaine s’est alourdie, mais ne s’est pas homogénéisée », constate Marion Kentzel, de l’Institut de l’élevage.

 

 

Le Sud-Ouest « exporte » un quart de ses vaches

DéfiBlonde montre aussi des différences régionales très marquées en termes de gabarit, de finition et d’évolutions. Le Sud-Ouest reste le premier bassin de naissances des vaches de boucherie Blonde d’Aquitaine. Mais, ce n’est plus la première région d’engraissement et d’abattage. Depuis 2015, elle est détrônée par le Centre Ouest où sont finies et abattues 52 % des vaches issues de la race, alors que 43 % seulement y sont nées. Le Sud-Ouest « exporte » pour l’engraissement un quart des vaches nées sur ses terres. Issues notamment des troupeaux de montagne des Pyrénées, elles sont finies dans des ateliers d’engraissement de Vendée, du Maine-et-Loire et des Deux-Sèvres. De plus, dans le Sud-Ouest, la production est atomisée : la moitié provient d’élevages fournissant moins de 10 vaches par an (27 % seulement dans le Centre-Ouest).

Le flux de vaches maigres de moins de neuf ans vers l’Ouest « déséquilibre la pyramide des âges des vaches finies dans le bassin Sud-Ouest », constatent les auteurs de l’étude. Ce tri des meilleures vaches est aggravé par un taux de renouvellement plus faible que dans les bassins plus spécialisés. Du coup, les vaches abattues dans le Sud-Ouest sont beaucoup plus âgées (107 mois, soit près de 9 ans) que dans le Centre-Ouest (81 mois, soit moins de 7 ans). Dans le premier cas, 31 % des vaches sont abattues à plus de 10 ans alors que 16 % seulement ont plus de 9 ans dans le second.

Deux marchés pour la blonde dans le Sud-Ouest

Cet étalement des âges d’abattage, dans le Sud-Ouest, accentue l’hétérogénéité des carcasses : seulement 28 % sont conformes aux objectifs commerciaux en termes de conformation et état de gras et à peine un quart en termes de gamme de poids. Alors que ces pourcentages grimpent respectivement à 38 % et 33 % dans le Centre-Ouest. Dans le berceau de race, deux marchés se sont ainsi créés : « celui des vaches jeunes avec les circuits organisés de qualité (moins de 9 ans) et la boucherie traditionnelle, et celui du négoce pour les vieilles vaches ».

Dans le Nord-Est, la Blonde d’Aquitaine est également en expansion. Mais, souvent, elle coexiste avec d’autres races et n’est pas dominante. La collecte des vaches de boucherie est très disséminée. Bien que la conformation s’améliore, la majorité de la production (63 %) se situe dans le cœur de gamme des vaches de boucheries issues du troupeau allaitant (U-, R). Cette difficulté à se démarquer de la production standard prive les éleveurs de la plus-value que pourrait laisser espérer la race.

 

 

 

Marion Kentzel, Institut de l'Elevage

DéfiBlonde : « travailler la variabilité du matériau vache de boucherie »

« De plus en plus d’éleveurs nous interpellent en disant : 'on n’arrive plus à finir nos blondes' », explique Marion Kentzel, de l’Institut de l’élevage. De leur côté, les opérateurs de l’aval constatent que trop de vaches ne sont pas conformes aux objectifs commerciaux de la race. Ces constats sont à l’origine du projet DéfiBlonde, coordonné par l’institut de l’élevage et financé par FranceAgriMer. Le premier travail a consisté à traiter les données d’abattages de la base Normabev pour établir un état des lieux de l’engraissement des vaches Blonde d’Aquitaine, au niveau national et par grande région de production (Sud-Ouest, Centre-Ouest, Nord-Est). Après ce constat, qui montre une forte hétérogénéité des carcasses, l’objectif est de proposer des modalités d’engraissement (durée, ration…) correspondant mieux au potentiel de chaque type d’animaux. « L’idée est de travailler la variabilité du matériau qu’est la vache de boucherie blonde », résume Marion Kentzel. La station expérimentale des Établières en Vendée et la SAS Alliance Pépieux (ancienne station de testage dans le Gers reconvertie en atelier collectif d’engraissement), se sont associées à ce projet en engageant des essais pour tester, sur les plans technique et économique, différents itinéraires de finition de vaches blondes. En parallèle de DéfiBlonde, un projet régional (Afivaq), financé par la région, a été déployé en Nouvelle Aquitaine. Il a permis d’affiner département par département l’état des lieux de l’offre de vaches de boucherie. Il se poursuit par le suivi d’une vingtaine d’exploitations dans l’ancienne Aquitaine et dans les Deux-Sèvres pour étudier une variété d’itinéraires d’engraissement de vaches blondes dans différents systèmes fourragers afin d’identifier ceux qui fonctionnent le mieux.

 

Aux Établières, avec moins de protéines, ça marche aussi

La station des Établières en Vendée avait lancé dès 2016 un programme d’essais (Finiblaq) suite à des enquêtes de terrain dans l’Ouest qui révélaient le manque de références en la matière. Ce programme s’est rattaché à DéfiBlonde. Quarante vaches ont été engraissées l’hiver 2016-2017 selon quatre modalités : ration sèche classique (mash et paille) comparée à une ration biphase qui consiste à démarrer les vaches avec de l’ensilage d’herbe, de l’ensilage de maïs et une complémentation puis à les finir avec mash et paille. Ces deux rations ont été testées avec deux niveaux de protéines (100 et 125 g de PDI/UFV). L’essai a été répété pendant l’hiver suivant et l’est de nouveau cet hiver. Les résultats des deux premières bandes sont globalement bons, aussi bien en termes de performances que de qualité des carcasses. Mais, les cinétiques de croissance sont un peu différentes : meilleure au départ pour le régime biphase mais avec une cassure pendant la transition entre les deux rations alors que le régime monophase (ration sèche tout du long) se traduit PAR un début d’engraissement plus difficile. Au final, les croissances moyennes sont équivalentes. Plus étonnamment, il n’y a pas de différence de croissance entre le niveau classique de protéine (125 g) par rapport au régime bas en protéine (100 g).

 

 

À Pépieux, des performances d’engraissement très contrastées

Depuis 2012, 200 à 250 vaches sont engraissées tous les ans par la SAS Pépieux Alliance Bovine, gérée par 11 éleveurs. Ils ont conservé les outils de pesée et de saisie de données de la station de testage. Ce qui a permis de constituer une belle base de données. Leur traitement par l’Idele a montré une forte variabilité individuelle dans les performances de finition. Ainsi, le rendement carcasse (58,5 % en moyenne) n’est pas directement corrélé avec l’âge de l’animal, mais deux seuils sont déterminants : moins de 60 mois, plus de 120 mois. Par exemple, pour une conformation U +, il atteint 61,1 % pour des vaches jeunes et tombe à 59,6 % pour des vaches vieilles. Les performances de croissance sont également très variables : « il y a des animaux qui cartonnent, notamment des vaches jeunes qui n’entrent pas en bon état et qui font 300 à 400 kg de croît en finition avec une ration concentrée, détaille Marion Kentzel. Et, à l’inverse des vaches qui ne font pas de croissance. On voit aussi des croissances qui cassent. » Entre ces extrêmes, il y a toutes les situations intermédiaires. « Après deux mois à l’engrais, les modèles nous permettent de prédire à 70 % ce que ça va donner l’engraissement en fonction de l’âge de la vache et de son type génétique, poursuit-elle. Ces données vont nous permettre de construire un outil d’aide à la décision pour différencier des stratégies de finition. »

En parallèle de cette analyse statistique, des essais ont été engagés à Pépieux pour comparer deux types de régimes alimentaires : ration classique du Sud-Ouest à base de maïs grain humide, tourteau, luzerne et paille ; ration à base d’ensilage d’épis de maïs. Une première bande de 36 vaches (3 lots) a été suivie l’hiver dernier. L’essai est répété cet hiver. Les lots sont hétérogènes (en âge, poids, type génétique…) mais comparables dans leur diversité. La ration avec ensilage d’épis de maïs donne d’aussi bons résultats (voire meilleurs) que la ration classique du Sud-Ouest. « Les vaches consomment davantage mais la cellulose apportée en plus est bien utilisée et les animaux sont mieux sur le plan sanitaire », explique Marion Kentzel. Le projet prévoit de comparer des lots homogènes d’animaux (vaches jeunes versus vaches vieilles) pour définir un rationnement plus adapté à chaque type d’animal. Mais, les difficultés actuelles du marché de la vache blonde compliquent la mise en place de cet essai.

 

Chiffres clés

En 2016 :

- 531 000 vaches Blonde d’Aquitaine sont présentes en élevage. Quelque 100 400 vaches sont abattues (20 % de l’effectif) cette année-là. Cela représentait 6 % des abattages nationaux de vaches de boucherie.

- 483 kg, c'est le poids moyen de carcasse pour un âge moyen de 90 mois.

 
 
 

Lionel Giraudeau, directeur de France Blonde d’Aquitaine sélection

« Une hétérogénéité liée à des systèmes de production différents »

Quels enseignements retenez-vous du traitement des données Normabev ?
Lionel Giraudeau - "Je retiens d’abord la progression des conformations de la Blonde d’Aquitaine depuis 10 ans. Nous avons une proportion de vaches classées E et U très largement supérieure (60 %) à celle qu’on rencontre en charolais (16 %) et limousin (35 %). Mais, dans le même temps, l’hétérogénéité s’accroît. C’est une exception par rapport aux autres races. Nous observons aussi une hétérogénéité entre grands bassins, liée à des systèmes de production différents. Dans les systèmes naisseurs-engraisseurs de l’Ouest, la vache de réforme est une production en elle-même, qui est travaillée techniquement alors que dans la majorité des exploitations du Sud-Ouest, elle est le sous-produit d’un système basé sur du broutard bien valorisé. On redécouvre aussi le système de montagne. Il a toujours existé mais, pendant longtemps, il n’était pas au premier plan parce que le modèle intensif était dominant. Les éleveurs veulent garder la solidité de leurs vaches pour aller à la montagne. Ils font attention à ne pas trop les alourdir. On ne peut pas en attendre les mêmes performances. Ces vaches sont plutôt sur un potentiel de 480 kg, mais mises entre les mains d’engraisseurs et bien finies, comme savent le faire les Vendéens, elles correspondent bien à une catégorie de marché de bêtes pas trop lourdes. Il y a presque deux façons de conduire la Blonde. La question est la suivante : cette hétérogénéité est-elle un atout ou un inconvénient pour la filière ? Les avis sont partagés."
 
 
Seulement un tiers des vaches correspondent aux objectifs commerciaux. Ne sont-ils pas trop élevés ?
L. G. - "En écartant les vaches classées U-, nous avons été ambitieux. Le but est de tirer la filière vers le haut. Ca peut se discuter. La Blonde d’Aquitaine est d’abord destinée au marché de la boucherie traditionnelle et du rayon à la coupe des grandes surfaces. Ce n’est pas pour faire du "minerai". Nous avons fait l’analyse qu’à terme, il y avait un danger : la vache U- pourrait se trouver en concurrence avec le cœur de gamme, se banaliser et l’écart de prix se réduire voire disparaître. En U-, le différentiel de prix est déjà moins marqué que sur les classes supérieures pour lesquelles il y a en gros, à conformation égale, 1 euro avec la Charolaise, 60 centimes avec la Limousine. Ce différentiel de prix est nécessaire parce qu’il faut du temps pour finir une Blonde."
 
La Blonde commence à être confrontée à des problèmes d’écoulement…
L. G. - "Pour la première fois, nous avons eu des difficultés d’écoulement. Nous n’étions pas habitués à ce que les vaches ne dégagent pas. Avant, une vache annoncée était une vache partie. C’est ce qui a marqué les esprits, plus que la baisse de prix. Dans l’Ouest particulièrement, certaines carcasses lourdes (600 kg) ont été compliquées à écouler. Dans le Sud-Ouest, les troupeaux sont plus petits, c’est moins marqué."
 
Comment gérer l’hétérogénéité de l’offre de vaches de boucherie blondes ?
L. G. - "Il faut viser différents marchés. Il y a une grande dichotomie entre le client de l’Ouest et le client du Sud-Ouest. Dans l’Ouest, les opérateurs commerciaux sont capables de valoriser des bêtes jeunes. Mais, il faut faire attention à ne pas aller vers trop de format pour ne pas être sur des animaux trop tardifs. Dans le Sud-Ouest, la clientèle accepte plus facilement des vaches que des génisses. Les bouchers savent travailler les vaches de 10 ans et les apprécient pour peu qu’elles soient bien finies. On pourrait imaginer que la valorisation de ces vaches plus âgées passe par une marque. En parallèle, il faut faire un effort sur la finition. D’où l’intérêt de mieux caractériser les vaches capables de reprendre du poids et celles qui ne peuvent pas et voir les rations qui marchent le mieux. C’est l’objet du programme Afivaq qui teste en ferme une quinzaine de rations : des systèmes où on repasse les vaches à l’herbe dans les Pyrénées-Atlantiques, des systèmes avec des méteils dans les Deux-Sèvres, de la luzerne dans les coteaux séchants…"

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