« L’optimisation de l’irrigation est une priorité » : la WAO démonte les idées reçues sur la culture de l’avocat
Où et comment produira-t-on des avocats demain ? Dans 50 ans ? Zac Bard, président de l’Organisation mondiale de l’avocat, a répondu aux questions de FLD. Il est aussi revenu sur les attaques médiatiques auxquelles fait face l’avocat ces dernières années, rappelant que contrairement aux idées reçues, il est un fruit intéressant nutritionnellement, et produit selon des pratiques durables.
Où et comment produira-t-on des avocats demain ? Dans 50 ans ? Zac Bard, président de l’Organisation mondiale de l’avocat, a répondu aux questions de FLD. Il est aussi revenu sur les attaques médiatiques auxquelles fait face l’avocat ces dernières années, rappelant que contrairement aux idées reçues, il est un fruit intéressant nutritionnellement, et produit selon des pratiques durables.


- Quel panorama de la production mondiale d’avocat pouvez-vous dresser ?
- Qu’en est-il de la France et de l’Italie, qui testent actuellement la culture de l’avocat ? D’autres pays européens s’y mettent-ils aussi ?
- Le changement climatique pourrait-il favoriser la culture de l’avocat dans des régions plus froides ou plus humides ?
- Dans 50 ans, où produira-t-on des avocats ?
- Quelles sont les nouvelles tendances en matière de production ?
- Quelles innovations durables ont été mises en place par les producteurs membres de la WAO ?
- L’avocat a été victime ces dernières années d’une image négative concernant leur impact environnemental. On les dit par exemple « gaspilleurs d’eau ». A tort ou à raison ?
- L’avocat est aussi accusé d’avoir une mauvaise empreinte carbone…
- Les avocats font-ils grossir ?
- Le mot de la fin
Faisant le constat d’une consommation mondiale en belle croissance pour l’avocat, Zac Bard, président de l’Organisation mondiale de l’avocat, revient pour FLD sur les développements en production et les perspectives dans un contexte de changement climatique. Il explique aussi comment est produit l’avocat par les exploitations membres de la WAO : de manière durable, notamment en termes de gestion de l’eau. Il le dit et le redit : l’avocat n’est « pas un ennemi », il ne fait pas grossir et n’est « pas un gaspilleur d’eau. »
Quel panorama de la production mondiale d’avocat pouvez-vous dresser ?
Zac Bard : Le Pérou est actuellement le plus grand fournisseur d’avocats de l’Europe, avec 357 720 tonnes exportées lors de la saison 2023-2024. D’autres acteurs clés sont Israël (96 474 tonnes), la Colombie (86 147 tonnes), le Kenya (69 691 tonnes), l’Afrique du Sud (67 372 tonnes) et le Chili (64 657 tonnes).
Le Pérou est le plus grand fournisseur d’avocats de l’Europe.
L’Europe produit également des avocats, notamment en Espagne, au Portugal, en Italie et en Grèce. De nouveaux acteurs émergent sur le marché mondial, notamment en Afrique (Tanzanie, Zimbabwe, Mozambique) et en Amérique latine (Guatemala, Brésil). Le Maroc, quant à lui, a renforcé sa production ces dernières années.
Ces chiffres proviennent du Cirad et ont été publiés dans Fruitrop Magazine n°295 (Sept-Oct 2024).
Qu’en est-il de la France et de l’Italie, qui testent actuellement la culture de l’avocat ? D’autres pays européens s’y mettent-ils aussi ?
Zac Bard : Originaire des hautes terres tropicales, l’avocatier est sensible au gel. Cependant, certaines régions d’Europe à climat doux, comme le sud de l’Espagne, du Portugal, ainsi que certaines parties de l’Italie et de la France, présentent un potentiel intéressant pour sa culture. Malgré cette progression, la production européenne reste limitée par rapport à la demande, nécessitant le maintien des importations.
Lire aussi : Avocat, mangue, ananas : l’Occitanie se prépare à cultiver de nouvelles espèces fruitières
Le changement climatique pourrait-il favoriser la culture de l’avocat dans des régions plus froides ou plus humides ?
Zac Bard : Le changement climatique pourrait ouvrir de nouvelles zones de culture, mais les conditions de sol et les risques de gel resteront déterminantes. L’expansion se fera surtout dans les régions offrant un avantage compétitif, garantissant un approvisionnement stable tout au long de l’année malgré les défis climatiques.
« L’expansion des zones de production de l’avocat se fera surtout dans les régions offrant un avantage compétitif, garantissant un approvisionnement stable tout au long de l’année »
Dans 50 ans, où produira-t-on des avocats ?
Zac Bard : D’ici 50 ans, la culture de l’avocat sera sans doute encore plus diversifiée à travers le monde, répondant à une demande croissante. L’Asie, où la consommation commence à décoller, pourrait devenir une zone de production majeure, avec des pays comme l’Inde, la Chine et le Vietnam qui développent déjà leur culture. L’Amérique latine et l’Afrique, notamment la vallée du Rift, disposent de sols volcaniques idéaux et offrent un fort potentiel. Enfin, avec le changement climatique, certaines régions d’Europe pourraient également voir leur production augmenter. En somme, la culture de l’avocat devrait se mondialiser encore davantage.
« L’Asie, où la consommation commence à décoller, pourrait devenir une zone de production majeure »
A relire : Avocat : après la Chine, le sud-africain Westfalia arrive en Inde, un marché à gros potentiel
A relire : Avocat : pourquoi le secteur regarde vers l’Inde ?
Quelles sont les nouvelles tendances en matière de production ?
Zac Bard : L’avocat est une culture relativement jeune sur le plan commercial, avec seulement 50 ans d’histoire. Les innovations variétales prennent du temps, mais elles joueront un rôle clé dans l’avenir de la production d’avocat.
Par ailleurs, l’optimisation de l’irrigation est une priorité, avec des efforts pour maximiser la production en réduisant la consommation d’eau.
Quelles innovations durables ont été mises en place par les producteurs membres de la WAO ?
Zac Bard : Les producteurs d’avocats à travers le monde mettent en œuvre des pratiques plus durables. De nombreuses exploitations ont adopté la fertirrigation (combinaison de l’irrigation et de la fertilisation), optimisant l’utilisation des ressources en eau et en nutriments ; mais aussi l’irrigation goutte-à-goutte, réduisant la consommation d’eau jusqu’à 50 %, et utilisent des capteurs d’humidité pour ajuster l’arrosage selon les besoins réels des cultures. Des systèmes de récupération des eaux de pluie ont également été mis en place pour limiter la dépendance aux ressources externes.
Ces innovations ont permis à plusieurs exploitations membres de l’organisation de réduire leur consommation d’eau de 43 % ces dernières années. De plus, l’empreinte hydrique de l’avocat reste largement inférieure à celle d’autres produits alimentaires courants, comme le chocolat ou le café, avec respectivement 8 et 15 fois moins d’eau utilisée.
« Ces innovations ont permis à plusieurs exploitations membres de la WAO de réduire leur consommation d’eau de 43 % ces dernières années »
L’avocat a été victime ces dernières années d’une image négative concernant leur impact environnemental. On les dit par exemple « gaspilleurs d’eau ». A tort ou à raison ?
Zac Bard : Alors que les avocats continuent de gagner en popularité dans le monde entier, ils sont devenus la cible de désinformations, notamment concernant leur impact environnemental, en particulier leur consommation d'eau et leur empreinte carbone. Cependant, une grande partie de cette attention négative est mal placée ou exagérée.
Les avocats ne sont pas des « gaspilleurs d'eau ». Ils sont parfois injustement qualifiés de gros consommateurs d'eau, mais comme je le disais à l’instant, leur empreinte hydrique est similaire à celle de nombreux autres fruits et légumes. Je le redis, les avocats nécessitent environ 8 à 10 fois moins d'eau que le bœuf, le chocolat ou le café. Selon une étude de 2011(1), l'empreinte hydrique totale des avocats est d'environ 800 litres par kilogramme. De plus, les avocats poussent souvent dans des régions où les précipitations sont élevées, ce qui signifie qu'ils dépendent souvent de l'eau de pluie plutôt que de l'irrigation. L'irrigation au goutte-à-goutte peut être nécessaire dans les régions sujettes à la sécheresse, mais la gestion efficace de l'eau y est cruciale.
Lire aussi : Ressource en eau : aux Pays-Bas, Eosta communique sur l’avocat cultivé à l’eau de pluie
Et rapporté à la valeur nutritionnelle par gramme, un avocat est en réalité l'un des fruits les plus efficaces en termes d’utilisation de l’eau.

L’avocat est aussi accusé d’avoir une mauvaise empreinte carbone…
Zac Bard : Les avocats produisent 25 fois moins de gaz à effet de serre que le bœuf et 10 fois moins que le fromage ! Leurs émissions de gaz à effet de serre sont comparables à celles d'autres fruits : avec une empreinte carbone de 2,4 kg de CO2 par kilogramme, l’avocat est comparable aux prunes (2,4 kg de CO2 par kilogramme), aux fraises (2,3 kg) et aux framboises (2,6 kg), selon les résultats d’une étude de 2019 sur les cycles de vie des fruits au Royaume-Uni2).
Remarque : un avocat pèse en moyenne 200 g (source : Aprifel), fraises et framboises sont généralement vendues en barquette de 250g (ou 500 g).
NDLR : l’étude souligne aussi que les avocats ont une empreinte plus élevée que d’autres fruits comme le melon.
De plus, au niveau des exploitations, les avocatiers jouent un rôle crucial dans la séquestration du carbone en capturant et en stockant le CO2. Un avocatier mature peut absorber environ 22 kg de CO2 par an, ce qui aide à atténuer les émissions de gaz à effet de serre de la filière.
En termes de transport, la majorité des avocats consommés en Europe arrivent par voie maritime, un mode de transport bien plus écologique que l’avion ou la route (25 fois moins d'émissions que le transport routier et 145 fois moins que le transport aérien).
L’empreinte carbone de l’avocat est, au Royaume-Uni, comparable à celle de la prune.
Rappelons par ailleurs que la culture d’avocat soutient de manière significative les communautés et les économies locales dans des pays comme le Pérou, la Colombie, le Kenya, l'Afrique du Sud, le Zimbabwe, le Mozambique et la Tanzanie. Dans ces régions, les fermes d'avocats offrent des emplois et des salaires équitables à des milliers de travailleurs, dont beaucoup dépendent de cette culture pour leur subsistance.
Ce sujet peut vous intéresser : Bilan carbone de la banane : on décrypte avec le Cirad
Les avocats font-ils grossir ?
Zac Bard : Les avocats sont aussi accusés de faire grossir, alors qu’ils sont riches en graisses monoinsaturées (bénéfiques pour le cœur, qui peuvent aider à réduire les niveaux de cholestérol), en folate (vitamine B9) et vitamines B6, B3, B2, E, C, K, potassium et magnésium et ils sont source de fibres, essentielles au bon fonctionnement du système digestif , et source de protéines avec 2 grammes de protéines pour 100 grammes*. Ils contiennent de la lutéine et d’autres antioxydants qui soutiennent la fonction cognitive.
Enfin, malgré leur teneur calorique relativement élevée, les avocats favorisent la satiété, ce qui aide à réguler l'appétit et à éviter la suralimentation.
NDLR : poids moyen d’un avocat : 200 g selon Aprifel ; recommandation protéines : 0,8 à 1g de protéines par kilo de poids de corps et par jour, selon l’Anses (soit, pour un homme de 70 kg, entre 56 et 70g de protéines par jour, et pour une femme de 62 kg, entre 48 et 62 g).
Le mot de la fin ?
Zac Bard : Les avocats sont trop souvent vus comme boucs émissaires dans le débat sur l’empreinte carbone des aliments que nous consommons, mais comme les données le montrent clairement, ils ne sont pas les “méchants” et cela doit cesser. L’avocat n’est pas un ennemi.
(1) « The green, blue and grey water footprint of crops and derived crop products», M. M. Mekonnen and A. Y. Hoekstra, publié dans Hydrology and Earth System Science, 25 mai 2011.
(2) « Life cycle environmental impacts of fruits consumption in the UK », A. Frankowska, H. Kumar Jeswani, A. Azapagic, publié dans Journal of Environmental Management le 7 août 2019.