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Agrofournitures : comment s'approvisionner à prix doux en viticulture ?

De 5 à 25 %, c’est ce qu’il est possible d’économiser en achetant ses produits en morte-saison ou bien en se fournissant en ligne. Tour d’horizon.

Les piquets pour le palissage de la vigne peuvent être moins chers en passant par une plateforme de commerce en ligne.
© X. Delbecque

Quand il s’agit de faire des économies sur les agrofournitures, chacun y va de sa petite combine. Certains profitent des prix préférentiels que peuvent proposer les distributeurs en morte-saison, pour s’approvisionner en produits phytosanitaires. Bien entendu, on ne sait pas de quoi un millésime sera fait, et il ne s’agit plus de « bourrer » le local phyto comme ce fut le cas à une époque. Mais il est possible d’assurer déjà quelques traitements que l’on sait incontournables. « En général je prends toujours en hiver l’équivalent de trois ou quatre passages, illustre Jean-Yves Massot, viticulteur dans le Gard. Parmi lesquels je sécurise des matières actives clés, comme l’oxathiapiproline ou le cuivre dont on aura forcément besoin à un moment. Cela fait gagner un peu sur la facture, et puis au moins c’est bloqué, on ne risque pas la rupture. Pour le reste, je complète en fonction de la saison. »

En général, les économies à la clé sont de l’ordre de 5 à 10 %, ce qui n’est pas mirobolant mais peut vite représenter des sommes importantes pour les grosses structures. En revanche, même en payant à 30 ou 60 jours, cela implique de sortir la trésorerie avant même de traiter, et représente donc une immobilisation. Cela, couplé au fait que les années sont de plus en plus atypiques, fait que les achats de produits phytosanitaires en morte-saison ont de moins en moins la côte.

Jusqu’à 25 % d’économies en prenant ses fournitures en ligne

L’achat par internet, en revanche, a le vent en poupe. Ces dernières années, de nouvelles plateformes de vente sont apparues en viticulture, qui côtoient les autres boutiques déjà bien installées en agriculture comme Agrifourniture, Agryco (anciennement Agriconomie), Agrileader, Agrizone ou encore Agripartner. Leur secret, pour être compétitif, est de ne pas avoir de magasin à rentabiliser, juste un entrepôt. « Désormais j’achète mes pièces de matériel en ligne, que ce soient des filtres ou des bâtons de machine à vendanger, témoigne Christophe Saboury, vigneron dans l’Entre-deux-Mers. Les prix sont compétitifs et la livraison rapide. » Il y a quelques années il a même commandé un réservoir de tracteur Same pour remplacer celui fendu, et a économisé 25 % par rapport au tarif en concession.

Pour le palissage et les produits phytosanitaires, le vigneron passe en direct par Viticost. « Au départ le catalogue était assez réduit, mais aujourd’hui on trouve quasiment tout ce qui existe sur le marché, assure-t-il. Le prix des phytos est généralement 5 à 10 % moins élevé, parfois même 25 % sur certains produits. Ils sont mieux placés qu’Agryco ou Agrileader, qui eux se rapprochent davantage du prix distributeur. Et sur le palissage j’économise environ 20 %. »

Créée par un vigneron, la plateforme Viticost a été rachetée par la société girondine Gritche, qui trouve son origine dans un groupement d’achat de viticulteurs. Indépendante, elle s’approvisionne soit directement auprès des fabricants, soit dans les autres États membres européens via des permis de commerce parallèle (après approbation de l’Anses). Viticost n’est pas un site marchand, à proprement parler, puisqu’il n’y a pas de boutique en ligne. Le viticulteur compose son devis sur internet, renseigne son Siret et son Certiphyto puis reçoit une réponse sous 48 heures. « Cela correspond à une nouvelle tendance d’achat, analyse Jérôme Ossard, directeur de la structure. Le vigneron trouve un intérêt tarifaire et une totale indépendance dans le choix. C’est l’idéal pour une structure qui travaille avec du conseil privé. »

Des acteurs plus traditionnels se mettent d’ailleurs eux aussi à l’heure des plateformes en ligne. C’est le cas de Vitalyance, filiale du groupe coopératif Cérèsia, qui a lancé avec une start-up rémoise, en parallèle de ses douze magasins en Champagne, un site d’e-commerce nommé Viticulteurs-Market. « Nous pensons que ce sont des schémas complémentaires, avance Adrien Quatresols, responsable marketing et communication de Vitalyance. La plateforme nous permet de voir plus loin géographiquement et de gagner des parts de marché, elle répond à une typologie de viticulteurs qui veulent préparer leurs achats tranquillement depuis chez eux, comme avec un catalogue. »

Se poser la question du réassort et du service de proximité

Si ces plateformes digitales permettent quelques aubaines, elles ont toutefois leurs défauts : pas de magasin physique, pas de reprise ni d’échange, réception de la marchandise après paiement, etc. Ce n’est pas forcément adapté lorsqu’il faut une paire de cornières, une bobine de fil ou un sac d’engrais. « J’ai commandé mes phytos par internet pendant deux ans, témoigne un vigneron marnais. Ça fait une grosse différence de prix, mais il faut commander par palettes et si on anticipe mal c’est compliqué. » Le Champenois a finalement décidé de retravailler avec son commercial de secteur. « Au moins on a du service et de la proximité, il nous dépanne même un dimanche si besoin et on s’arrange après, poursuit-il. En revanche pour toutes mes pièces de matériel et même pour l’huile je fais encore mes achats par internet. Les fournitures peuvent y être deux à trois fois moins chères. »

D’autres viticulteurs font le choix d’approvisionnements plus tabous, et n’hésitent pas à traverser une frontière. Bien que cette pratique ne soit pas illégale (voir encadré), elle reste mal vue par une partie de la profession. « En quête d’économies, j’ai d’abord tenté les achats groupés, nous confie un vigneron bordelais. Mais on ne gagne pas tant que ça, et j’ai eu des erreurs dans ma commande. » Cette année, il achètera une partie de ses produits en Espagne, où les prix peuvent être jusqu’à 2,5 fois moins chers. Le même glyphosate dosé à 360 g/l par exemple se trouve à 78 euros le bidon de l’autre côté des Pyrénées contre 260 euros chez son distributeur. Idem pour le Pledge, qu’il peut toucher à 160 euros le kilo au lieu de 233 euros localement.

Certains distributeurs espagnols ont bien saisi l’aubaine que représentent les viticulteurs français aux trésoreries malmenées et en quête de tarifs. M. Cazorla par exemple s’est installé à deux pas de la Jonquera et propose des produits étiquetés comme en France, et assure même des expéditions. « Les phytos sont livrés directement sur l’exploitation, avec un prix forfait de livraison de 100 euros pour une palette, précise le vigneron. Je vais assurer un peu de stock de désherbant, mais aussi du cuivre et du soufre au cas où je sois à court de trésorerie comme l’été dernier, où j’ai eu du mal à acheter mes derniers produits. » Là encore, une telle stratégie permet certes d’avoir les meilleurs prix, mais au détriment de la flexibilité et du service.

L’achat à l’étranger, légal mais réglementé

Il est possible d’acheter légalement ses produits phytosanitaires à l’étranger, à condition que ceux-ci bénéficient d’une autorisation de mise en marché (AMM) en cours de validité en France. Cependant, il vous faudra tout de même régler la redevance pour pollution diffuse (RPD) si vous souhaitez rester dans la légalité. La Draaf (1) indique que l’importation de ces produits est conditionnée à une déclaration préalable auprès du préfet de région (qui peut s’y opposer), au moins vingt jours avant la date d’entrée prévue. Et précise que « les utilisateurs concernés sont également dans l’obligation de tenir un registre des produits et des quantités achetées permettant d’en faire la déclaration annuelle auprès de l’agence de l’eau dont ils dépendent ». C’est en effet auprès de cette dernière que le viticulteur doit s’acquitter de la RPD.

Pour vérifier l’autorisation des produits en France, rendez-vous sur www.ephy.fr.

(1) Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt

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