Interview Bretagne
Arnaud Lécuyer, vice-président de la Région Bretagne « Je veux que la Bretagne reste une terre de polyculture-élevage »
Depuis juillet 2021, date de la réélection de Loïc Chesnais-Girard à la présidence de la Région Bretagne, Arnaud Lécuyer est vice-président chargé de l’agriculture, l’agroalimentaire et l’alimentation. Il a fait de l’installation-transmission la priorité de sa mandature. Partisan de l’agroécologie, il revient pour Reussir, sur l’actualité agricole et détaille sa vision de l’agriculture de demain.
Depuis juillet 2021, date de la réélection de Loïc Chesnais-Girard à la présidence de la Région Bretagne, Arnaud Lécuyer est vice-président chargé de l’agriculture, l’agroalimentaire et l’alimentation. Il a fait de l’installation-transmission la priorité de sa mandature. Partisan de l’agroécologie, il revient pour Reussir, sur l’actualité agricole et détaille sa vision de l’agriculture de demain.
L’actualité a bousculé la Bretagne samedi 19 mars. Des militants, du collectif Bretagne contre les fermes usine, ont déversé des céréales transportées par un train sur les voies. Vous avez réagi sur Facebook en qualifiant l’action de « tout simplement inacceptable et inconséquente ! » Après l’avoir condamné, comment répondre à cet acte ?
Il faut que les gens qui ont commis ces actes-là puissent aussi y répondre devant la justice, parce que ce n’est pas acceptable et que chacun comprenne bien c’est un acte simplement illégal.
L’autre actualité, c’est la guerre en Ukraine qui impacte fortement l’agriculture française. Comment la Région Bretagne accompagne les agriculteurs ?
Vu l’ampleur de cette crise, la réponse immédiate ne peut être qu’à l’échelle nationale, voire européenne. La Région travaille, sur du moyen-long terme, sur la transformation de l’agriculture bretonne vers la transition agroécologique et le renforcement de l’autonomie énergétique dans les fermes, qui est nécessaire pour être moins dépendant des crises mondiales et qui est un outil de performance économique. Nous encourageons aussi l’autonomie fourragère et protéique, via les aides régionales.
Le grand chantier de votre mandature, c’est l’installation. Des États généraux sont en cours et un projet sera proposé en juin. Vous ambitionnez 1 000 installations par an dès 2028, quelles sont vos pistes ?
Aujourd’hui, la Bretagne compte 700 à 750 installations par an, en comptant celles qui ne sont pas aidées. D’ici à 1 000, il y a une marge. C’est un projet pour l’avenir de l’agriculture bretonne qui dépasse le seul cadre du conseil régional. Le sujet fait l’unanimité en Bretagne. Les solutions ne viendront pas que de la Région, mais de l’ensemble des parties prenantes. C’est pourquoi, à la fin du processus, en juin, nous allons demander à chaque acteur du secteur agricole, Chambre, organismes bancaires, coopératives, laiteries, centres de gestion, de remplacement, Cuma, etc. de prendre des engagements. Nous poussons pour que les Safer puissent jouer un rôle encore plus important : il faut que la majorité des terres soit attribuée aux jeunes. Aujourd’hui, on est à 42%, il faudrait que ce soit plus de 50%. Il faut veiller à ce que ces installations soient durables, du point de vue environnemental et économique.
Vous parlez aussi de transmission : faut-il s’intéresser aux cédants ?
Je préfère parler de transmetteurs plutôt que de cédants, car il ne faut pas négliger la valeur économique de ce qui va être transmis, ça ne doit pas être un tabou. Pour installer des jeunes, il faut que les fermes soient transmissibles, adaptées aux nouveaux profils. Pour faire une bonne installation, il faut une bonne transmission et ça, ça a été un angle mort ces dernières années. Compte tenu du nombre de fermes à transmettre, chaque ferme doit être transmissible. Un levier fiscal pourrait être envisagé pour aider ceux qui créent une installation.
Vous défendez l’agroécologie. Qu’est-ce qu’une ferme agroécologique pour vous ?
C’est une ferme engagée dans le respect du sol, de l’eau, de la biodiversité, du bien-être animal, via des pratiques qui retrouvent le lien à la terre : rotations culturales, moins d’intrants, limitation des approvisionnements extérieurs. Il y a plusieurs modèles, en Bretagne, 6 000 fermes sont engagées dans une démarche AB ou MAEC et il y a tous ceux qui travaillent bien.
Comment les valoriser ?
Nous voulons le faire via un contrat de transition agroécologique qui sera simple et qui reprendra les outils portés par les filières, comme l’outil d’autoévaluation de la Coopérative agricole Ouest, AgriBEST par exemple. L’agriculture bretonne souffre de l’image d’agriculteurs qui ne travaillent pas bien. Il s’agit de montrer, en prenant des engagements sur les trois entrées, biodiversité, carbone et réduction des intrants, que les agriculteurs sont bien engagés dans la transition et de montrer aussi quand il y a matière à progrès.
Est-ce que l’agroécologie signifie produire moins ?
C’est continuer à produire, mais mieux pour viser la durabilité des systèmes de production. On a 1 680 000 ha de SAU en Bretagne, pas plus. Il n’y a pas de Bretagne de rechange, et donc, il faut qu’on la respecte pour pouvoir rester une terre de production et d’élevage demain. Avec les difficultés que certaines régions françaises rencontrent déjà à maintenir leurs élevages, la Bretagne aura une responsabilité particulière.
« L’agroécologie c’est ce qui doit nous permettre d’assurer sur le long terme la capacité de la Bretagne à rester une terre de production et une terre d’élevage. »
Que pensez-vous de la loi Egalim 2 ? Y croyez-vous ?
L’intention est louable de s’attaquer à la répartition de la valeur, mais je suis dubitatif sur la capacité, par du législatif, de réguler des relations commerciales très libérales. Il faut créer une politique globale pour permettre aux ménages de dégager du revenu et investir davantage dans l’alimentation, qui ne représente que 8 à 15 % de leur budget. En travaillant sur le coût du logement, de la mobilité. Enfin, on a figé un paramètre, celui des coûts de production, mais la négociation continue de se faire sur les autres points. On a peut-être trop fait croire au monde agricole que la solution des problèmes passerait par Egalim.
Sur le versant restauration scolaire de la loi, vous vous êtes positionné sur un objectif de 100% de frais sur les tables des lycées bretons. Quel est votre projet ?
Dans Egalim, le levier des collectivités publiques est intéressant. On doit se mobiliser sur ce sujet-là. L’objectif est que les 117 lycées bretons soient engagés sur le respect d’Egalim et même aller au-delà, on est la première région de production, on se doit d’être exemplaires. Il faut mettre en place les outils avec les acteurs des filières et de la restauration collective.
La guerre en Ukraine révèle notre dépendance énergétique. Quid des unités de méthanisation agricoles ? On en compte actuellement 131 en Bretagne.
La Région n’aide plus les projets de méthanisation, parce que nous estimons que le modèle est suffisamment rentable. Nous finançons la couverture de fosse, parce que c’est vertueux écologiquement et économiquement pour limiter les gaz à effet de serre et le transport d’eau. Nous avons lancé une étude sur la méthanisation, dont les résultats devraient être rendus en fin d’année, pour avoir un retour d’expérience de dix ans, intérêt, plus-value et dérives. Il y a un enjeu plus large en Bretagne d’autonomie énergétique : seulement 16 à 18%, de ce que les Bretons consomment, est produit localement. Nous devons trouver des ressources énergétiques locales. Dans ce cadre, nous accompagnons les projets photovoltaïques sur les bâtiments agricoles et nous finançons des trackers solaires. Le sujet de la méthanisation doit être vu par ce biais-là, je n’ai pas d’a priori défavorable, mais la limite que je pose, c’est que la Bretagne reste une terre de polyculture élevage d’abord.