[VIDEO] Plaidoyer pour une agriculture saine et rémunératrice
La Ferme Digitale a ouvert, le 2 juin une série de dix conférences en ligne dans « le but de créer des synergies, porter des réflexions, trouver des solutions ensemble afin d’accompagner et de faire progresser le secteur agricole ». La première conférence a été inaugurée par Emmanuel Faber, PDG de Danone et Nicolas Chabanne, fondateur de la marque « C’est qui le patron ? ». Le débat, autour du thème de l’après-covid, s’est focalisé sur les problématiques de consommation et d’environnement.
Les intervenants, Emmanuel Faber, PDG de Danone et Nicolas Chabane, fondateur de C’est qui le patron ? s’accordent sur les trois enjeux que l’Humanité va devoir affronter dans les prochaines décennies : Tout d’abord nourrir dix milliards de personnes, ensuite réduire l’empreinte environnementale et enfin favoriser l’accès à l’énergie pour tous. Pour entreprendre et surtout réussir cette transition du secteur agricole, Emmanuel Faber estime qu’il importe « d’inclure le cycle carbone dans le cycle business et qu’il est urgent de faire rentrer le carbone dans le sol », que ce soit en France, en Europe et aussi dans le monde. « Il n’y a que l’agriculture qui peut faire ça », souligne-t-il, citant l’exemple des mangroves replantées dans les différents deltas indiens et qui ont, non seulement permis de capter le carbone, mais aussi de préserver les rizières de la tempête tropicale Amphan, la plus puissante depuis 1999. En ce sens, l’initiative 4 pour 1 000 (lire encadré) semble répondre aux attentes de MM. Faber et Chabane, car elle permet de donner « des revenus additionnels aux agriculteurs ».
Quatre euros/an/consommateur
« Il faut retisser la confiance entre le consommateur et l’agriculteur mais également rémunérer le travail de ce dernier à son juste prix », affirme Nicolas Chabane. Revenant sur son expérience, réalisée sans business plan, sans marketing et sans publicité, il remarque que la rémunération de quelques centimes supplémentaires aux agriculteurs a complètement changé leurs vies : « Certains ont pu sortir leurs vaches plus longtemps ; d’autres nourrir leurs animaux avec des aliments locaux ; d’autres ont pu simplement s’octroyer des vacances, etc. Le tout pour un surcoût de seulement quatre euros/an pour le consommateur final ». Car au-delà des chiffres, le consommateur qui est en quête de sens, s’est emparé de valeurs d’apparence non-marchandes mais qui ont un impact majeur sur l’environnement et la rémunération des agriculteurs.
Acheter juste
Emmanuel Faber estime d’ailleurs « que la finalité du système alimentaire mondial est de réduire le prix pour l’accès aux calories. Nous ne payons pas le vrai prix de l’alimentation », ajoute-t-il. Pis, il considère que le risque est grand de voir le système agricole et alimentaire mondial se standardiser encore plus et bientôt de « manquer de biodiversité cultivée ». Le consommateur a pris « le chemin des valeurs » et il n’agit plus simplement de manière mécanique et demande des comptes. D’ailleurs il rechigne à acheter des grandes marques. Nicolas Chabane y voit un « acte de défiance des consommateurs qui veulent aujourd’hui acheter juste ».
Souveraineté alimentaire
Les industries alimentaires, dont Danone, tentent aujourd’hui de reprendre le contrôle d’une alimentation plus respectueuse des attentes des consommateurs. Si elles y parviennent en partie à l’étranger, elles doivent affronter les GMS en France : « Quand j’ai décidé de lancer mon beurre bio, j’ai décidé d’ajouter 15 centimes au prix de vente. Cette augmentation de prix devait rémunérer les agriculteurs en période de reconversion du classique au bio. Les GMS m’ont clairement dit : « Vous ne vendrez pas à ce prix-là ». 18 mois plus tard, le beurre bio que nous avions lancé était le plus vendu en France. Ce qui me fait dire que le prix le plus bas met à mal toute la filière, y compris la grande distribution », témoigne Nicolas Chabane. Pour Emmanuel Faber, la souveraineté alimentaire à condition qu’elle ne soit pas confondue avec l’autarcie, qu’elle reste ancrée à l’Union européenne et qu’elle soit décarbonée et digitale. « À condition que l’on remette du bon sens collectif et que l’on écoute le ressenti de ceux qui achèteront », conclut Nicolas Chabane.
Revoir la conférence :