Une nouvelle filière agricole s’apprête à voir le jour
Trois agriculteurs de la Limagne se lancent dans la production d’insectes à destination de l’alimentation animale, en collaboration avec la société Invers basée à Clerlande.
C’est un élevage d’un nouveau genre qui voit le jour dans la plaine de la Limagne. Trois jeunes agriculteurs se lancent dans l’aventure de la production d’insectes, en collaboration avec la société Invers. Cette petite entreprise d’une dizaine de salariés a pour ambition de faire de « tenebrio molitor », plus connu sous le nom de ver de farine, l’apport principal de protéines dans les rations des animaux d’élevages et de compagnie. Un aliment d’un nouveau genre produit 100% localement, de la naissance jusqu’à l’abattage.
Le plus gros cheptel puydômois
C’est dans un ancien container maritime de 25 m², à l’ambiance tropicale (26°C et 60% d’hygrométrie), qu’est hébergé le plus gros élevage du Puy-de-Dôme. Dans plusieurs centaines de bacs en plastique superposés, poussent quelques milliards de vers de farine. Ces invertébrés ambrés se repaissent d’un savant et secret mélange à base de céréales. Dans quatre à six semaines, ce petit monde subira un abattage de masse dans un congélateur à -20°C avant d’être déshydraté et ensaché. Le produit final sous forme de farine, rejoindra alors les étals de plusieurs jardineries puydômoises pour être vendu aux particuliers comme aliment pour animaux, notamment les volailles.
Un nouvel élevage encore à l’état expérimental derrière lequel se cache la société Invers. Son fondateur Sébastien Crépieux est à l’origine de cette idée peu commune sur le territoire. « Lorsque j’ai présenté mon projet au LIT (Laboratoire Innovation Territorial) ont m’a pris pour un fou ! ».
L’ingénieur agronome est surtout un jeune entrepreneur visionnaire dont le projet à terme vise à intégrer ce nouveau cheptel dans les exploitations agricoles et élargir la commercialisation aux fabricants d’aliments pour animaux d’élevages (volaille et pisciculture). « L’idée est de créer une filière protéique 100% locale, reposant sur des valeurs environnementales et économiques saines. Les vers grossissent sur un substrat élaboré à partir de co-produits de l’industrie céréalière puydômoise (son, déchets de pain…). La commercialisation est réalisée par nos soins auprès de clients locaux. »
Piste de diversification
Agriculteur à Saint-Clément-de-Reignat, Rémy Petoton élève des insectes depuis près d’un an en collaboration avec Invers. « Le temps de travail est de 30 minutes par jour. Il y a un peu de manutention, au moment du tamisage pour récupérer les œufs et les vers, mais rien d’insurmontable. Côté sanitaire, il n’y a quasiment aucun risque. »
La facilité de production n’est pas la raison unique qui a encouragé le jeune agriculteur à rejoindre le projet. La promesse d’une nouvelle filière indépendante des aléas climatiques, des cours mondiaux et peu gourmande en main d’œuvre, résonne comme une réponse aux enjeux agricoles. « Dans cinq ans, je vais me retrouver seul sur une exploitation de 220 ha avec une production de semence et un troupeau de bovins ; des productions qui sont dépendantes du climat et de la volatilité des marchés. Intégrer une filière avec la promesse d’un revenu et d’une production sécurisée, c’est inespéré, encourageant et rassurant. En plus, Invers nous consultent régulièrement pour comprendre nos attentes. »
Aliment de très haute qualité
C’est prouvé, les insectes sont riches en protéines. D’ailleurs, depuis quelques années, de plus en plus de projets se développent dans cette production avec l’espoir de substituer les protéines animales classiques dans l’alimentation humaine. Mais jusqu’alors personne n’avait encore pensé à en donner aux animaux d’élevages qui d’ordinaire en consomment. De récents changements dans la réglementation relative à l’alimentation animale vont dans le sens du projet d’Invers. « Il est désormais possible d’intégrer des farines d’insectes dans l’alimentation des animaux de compagnie tels que chiens et chats, et dans les piscicultures. C’est une opportunité d’autant plus formidable que la production d’insectes présente de nombreux atouts en matière de durabilité, contrairement à la farine de poisson qui puise sa matière première dans les mers et océans. Enfin, le produit s’avère également intéressant pour l’alimentation des volailles car les insectes boostent leur immunité. »
Sébastien Crépieux avoue cependant qu’il faudra attendre encore quelques années avant de développer ce marché nécessitant une production de plusieurs tonnes. À ce jour, les quatre containers expérimentaux permettent tout juste d’atteindre une production de 500 Kg/mois. La société a donc acquis un ancien poulailler sur la commune de Saint-Ignat qu’elle compte rénover pour élaborer un atelier plus adapté. « Les containers ont trop de perditions d’énergie. Notre objectif est de parvenir à élaborer un atelier de 400 à 800 m², autonome en énergie avec l’utilisation de panneaux photovoltaïques. Nous étudions également un système d’automatisation pour réduire l’intervention des agriculteurs. Ce bâtiment « solide » servira de modèle aux agriculteurs. » La société ambitionne à terme d’installer chez les agriculteurs du Puy-de-Dôme, une centaine d’ateliers de production d’insectes.
Mélodie Comte