Une micro-filière brassicole bio cantalienne qui monte en pression
Autour d’un petit noyau d’agriculteurs et de la Brasserie 360, germe le projet d’une filière locale avec de l’orge qui ne demande qu’à être maltée.
À l’automne dernier, on recensait dans la région Auvergne-Rhône-Alpes pas moins de 280 brasseries, dont 160 reconnues artisanales, un effectif supérieur à celui… de la Belgique !
Aura est ainsi la première région brassicole de France. Si les bières locales ont ici comme ailleurs le vent en poupe et si l’on voit essaimer les microbrasseries, peu de ces brasseurs peuvent se prévaloir d’une production 100 % locale. L’appellation bière locale flirte d’ailleurs allègrement avec la mention mensongère… sans que les acteurs de la filière aient véritablement beaucoup d’alternative, faute de houblon et orge du cru. Une situation qui pourrait évoluer sous l’impulsion notamment du Conseil régional, désireux d’œuvrer, de concert avec les chambres d’agriculture et l’association Biera, à la création d’une filière brassicole régionale.
Si les descendants de Vercingétorix, céréaliers de la plaine de Limagne, sont potentiellement en première ligne à l’ouest de la région pour fournir la précieuse matière première à la cervoise, plus au sud, un irréductible petit groupe d’éleveurs et cultivateurs cantaliens s’est mis en tête de semer les graines d’une microproduction autochtone. On imagine déjà sous le crayon de feu Goscinny l’hilarité suscitée par une telle ambition : “Ils sont fous ces Cantalous !” Pas si sûr…
Céréales du Cantal et eau du volcan
Pari d’autant moins insensé qu’il rejoint l’objectif d’un entrepreneur local, Alexandre Vermeersch, fondateur de la Brasserie 360 installée aux Quatre-Route de Salers. “Quand j’ai créé la brasserie il y a deux ans et demi, j’ai tout de suite eu le souci d’une filière locale, j’ai contacté un premier agriculteur, M. Rouffiac dans le secteur de Saint-Flour, qui a accepté de semer de l’orge brassicole, mais les volumes restent insuffisants”, expose le brasseur dont la production est exclusivement bio.
Aussi, ce dernier a tout de suite répondu banco quand deux autres agriculteurs, Rémi Andrieu et Cyril Bromet, sont venus frapper à sa porte. “C’est un vrai travail d’équipe, de chaîne. L’idée c’est de travailler avec la Malterie des Volcans pour créer une filière locale, avec des céréales bio d’Auvergne et la bonne eau de notre volcan !”, affiche Alexandre Vermeersch.
De leur côté, la chambre d’agriculture du Cantal et l’association Bio15 se sont d’abord penchées sur l’implantation de houblon. Une piste rapidement écartée au vu de l’investissement requis : 43 000 € l’hectare ! “Du coup, on s’est intéressé à l’orge brassicole”, a expliqué mardi 30 juin Lise Fabriès conseillère bio à l’occasion d’une matinée technique sur cette culture sur l’exploitation de Cyril et Béatrice Bromet (Imbert d’Arpajon).
Comme Rémi Andrieu (éleveur laitier à Lacapelle-Viescamp), les Bromet (élevage de limousines et maraîchage) ont implanté à l’automne dernier une parcelle d’orge brassicole, avec une variété (Monroe) présentée comme très rustique. Cette parcelle a permis à Romain Coulon, technicien spécialisé grandes cultures bio à Bio 63, de conseiller sur la conduite de cette céréale (lire ci-dessous) mais aussi et surtout d’échanger sur les exigences requises par l’aval de la filière à commencer par les malteurs.
Obstacle logistique
Lui accompagne un groupe d’une dizaine de céréaliers bio en contrat justement avec la Malterie des Volcans. Cette entreprise artisanale et familiale, qui s’est installée il y a deux ans à Saint-Germain-Lembron au sud d’Issoire, malte 230 tonnes de céréales germées, rémunérées à 430 €/t (triées et livrées), mais estime son potentiel de vente à 450 t, de quoi accueillir la production d’agriculteurs bio cantaliens.
Seule ombre au tableau : des freins logistiques inhérents au stockage de la céréale et à son transport jusque dans le sud du Puy-de-Dôme. “Entre le transport et le stockage de l’orge à la malterie, puis le transport et le stockage du malt à la brasserie, la valorisation plus importante du travail de l’agriculteur, le coût de revient est multiplié par deux par rapport à du malt acheté tout prêt”, reconnaît Alexandre Vermeersch qui reste convaincu néanmoins que le projet a du sens mais doit être appréhendé en direction d’une certaine clientèle. “Je ne pourrais pas faire toute ma production avec de la céréale locale mais il y a des restaurateurs de renom en quête aujourd’hui de ce type de bière d’exception.” Pour preuve, cette cuvée qu’il est en train d’élaborer pour le chef étoilé Serge Vieira...