Une enquête reconnaît les limites de la science face à des nuisances avérées
L'impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d'élevage a fait l'objet d'une enquête
diligentée par le Ministère de l'Agriculture, couplée à l'audition d'une centaine de personnes.
L'impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d'élevage a fait l'objet d'une enquête
diligentée par le Ministère de l'Agriculture, couplée à l'audition d'une centaine de personnes.
Des perturbations dans certains élevages situés à proximité d’équipements de production et de transport électriques ont été signalées depuis les années 1990 par les éleveurs, sans que, parfois, aucune solution n’ait été trouvée pour y remédier. Avec le développement des communications téléphoniques, de tels signalements concernent aussi les antennes relais. En Haute-Loire, quelques exploitations ont été concernées par ce type de problématique qui a parfois conduit les éleveurs à vendre leur cheptel et à se reconvertir ; aucune solution n'a été trouvée pour faire cesser les nuisances.
Une enquête auprès des éleveurs français a été lancée en ce début d'année 2024, par le Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, couplée par l’audition d’une centaine de personnes dans plusieurs régions de France. La mission chargée de ce rapport a tenté de caractériser l’impact sur les activités d’élevage des antennes relais, installations électriques et éoliennes, et a proposé des voies de recherche à mettre en œuvre pour améliorer les connaissances en la matière. L’enquête, relayée informatiquement par les chambres d’agriculture, s’est déroulée du 26 juin au 31 août 2023 et a visé tous les éleveurs de France métropolitaine situés dans un périmètre de 2 km d’un ou plusieurs équipements ci-dessus mentionnés. Les rapporteurs soulignent que "le nombre important de réponses (2 483 dont 1 015 complètes) reçues permet d’appréhender comme jamais la situation des élevages exposés et offre un nombre important de données dont une partie de l’exploitation est présentée dans ce rapport". Néanmoins, ils précisent que "un travail plus fin d’analyse pourrait utilement être réalisé par la suite".
Appel à la recherche
Ainsi, ce rapport fait ressortir que si la performance d’un élevage relève de connaissances techniques bien identifiées en matière de zootechnie ou de santé animale, d’autres sont plus difficilement appréciables, comme l’environnement des champs électromagnétiques interne et externe à l’exploitation, les courants parasites ou la nature des sols. Le rapport rappelle l’importance et l’évolution de l’élevage en France avec 145 000 exploitations spécialisées et explique pourquoi les animaux d’élevages sont particulièrement exposés aux équipements sujets de l’étude. Il revient sur certaines actions engagées depuis plus de 20 ans, notamment la création du Groupement Permanent pour la Sécurité Electrique, pour répondre aux attentes des éleveurs s’estimant impactés et sur les principales recommandations pour cela émises dans divers rapports, la plupart ayant été peu ou pas suivies d’effets.
Ce rapport propose enfin plusieurs voies de recherche afin de mieux appréhender les facteurs pouvant contribuer à d’éventuelles perturbations des élevages exposés, suggère de ne pas rejeter systématiquement certaines approches du vivant comme la géobiologie et invite à un meilleur partage des connaissances entre organismes de recherche et ministères.
Création d'un comité de dialogue ?
Le déploiement d’antennes relais pour répondre à la demande de couverture du territoire national étant un enjeu crucial, ne serait-ce que pour faciliter l’accès aux secours aux personnes et le développement de la 5G, le rapport préconise la création d'un comité de dialogue « radiofréquences » et santé piloté par l’ANSES, pour tenter de répondre aux nombreuses questions.
"Chercher à caractériser l’impact sur les activités d’élevages des antennes téléphoniques, installations électriques et éoliennes apparait donc tout à la fois important et ambitieux, tant en raison des multiples causes potentielles de perturbations que par les enjeux économiques qui pourraient en résulter, conclut le rapport. "Pour cela, entendre la parole des opérateurs et chercheurs est naturellement nécessaire, mais connaitre le plus largement possible le ressenti des éleveurs vivant au quotidien près de leurs animaux et dont l’exploitation se trouve à proximité des installations visées dans l’objet de la mission est indispensable".
Ce rapport, s'il a le mérite de poser le problème, ouvre aussi le débat et invite à pousser plus en avant les investigations pour identifier clairement les problèmes, ses causes, les responsabilités et les réponses à apporter pour satisfaire toutes les parties.
Zoom sur…
Mieux connaître, prévenir et gérer
L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a organisé en février une audition publique pour dresser un bilan des connaissances scientifiques concernant l'impact des champs électromagnétiques sur la santé des animaux d'élevage.
Cette audition a permis de reconnaître les difficultés rencontrées par certains agriculteurs, les limites actuelles de la science pour expliquer les phénomènes observés mais également les insuffisances dans le traitement des situations les plus dramatiques.
À l'issue de cette audition, l'Office avance des propositions qui poursuivent 3 objectifs :
Pour une meilleure connaissance des phénomènes et leurs origines, il faudrait :
. définir un cadre de recherche dans les secteurs où les manques de connaissances ont été identifiés,
. réaliser en coopération avec les éleveurs concernés, des expérimentations dans les exploitations, en suivant le protocole mis en place pour effectuer les mesures,
. développer un observatoire national pour inventorier, caractériser et documenter les exploitations concernées.
Pour une prévention systématique des difficultés, l'Office propose de :
. généraliser la réalisation de diagnostics géologique et électrique avant la construction de bâtiments d'élevage, mais aussi avant l'installation d'infrastructures électriques ou de télécommunication,
. sensibiliser les chambres d'agricultures et renforcer leurs compétences pour informer et conseiller les agriculteurs.
Et pour une gestion plus efficace des problèmes rencontrés par les agriculteurs, l'Office préconise de :
. accélérer la prise en compte des problèmes exprimés par les éleveurs, et dans les cas les plus critiques, leur apporter une solution de sortie de crise,
. faire évoluer le statut de GPSE afin de garantir son indépendance et augmenter son budget autonome d'intervention,
. accélérer la structuration du métier de géobiologue, avec obligation de formation,
. mettre en œuvre des recommandations formulées lors des différentes études déjà réalisées par l'Office, l'ANSES et le CGEDD/CGAAER.