Découverte
Une brasserie artisanale au cœur des estives
A Allanche, dans le Cantal, Joséphine et Renaud ont rejoint le cercle qui n’en finit pas de s’agrandir des micro-brasseries avec l’envie de produire une bière à la fois singulière et authentique.
A Allanche, dans le Cantal, Joséphine et Renaud ont rejoint le cercle qui n’en finit pas de s’agrandir des micro-brasseries avec l’envie de produire une bière à la fois singulière et authentique.
Il fait chaud, très chaud, en cette fin du mois de juin sur les hautes terres d’Allanche. Un temps à siroter une petite bière à l’ombre d’un marronnier. Dans les anciens haras nationaux, transformés au fil des ans en cave d’affinage puis en abattoir avant de devenir un bâtiment communal, trois immenses cuves abritent le précieux breuvage. Plus loin, un atelier d’embouteillage mobile et de conditionnement. Joséphine Rochette et Renaud Poletti ont débarqué à Allanche, il y a un an à peine, à la faveur d’une petite annonce. « Nous étions tous les deux saisonniers en Haute-Savoie. Nous avions envie de créer notre micro-brasserie, mais la spéculation en Haute-Savoie est telle que nous n’avons pu concrétiser notre projet là-bas ». Lorsque les anciens propriétaires de la brasserie des Estives décident de prendre le large, les deux jeunes gens, qui viennent tout juste d’être parents, saisissent l’occasion pour s’installer dans le Cantal. Accompagnés par la mairie dans leur projet, ils ne tardent pas à passer de l’expérimentation, dans leur garage, à la production grandeur nature avec l’envie de produire une bière au diapason de leur territoire, à la fois subtile, typée et « ronde comme le Monts du Cantal », se plait à raconter Joséphine. Si le couple a conservé les recettes des anciens artisans, ils ont converti leur gamme, Milvus (nom de leur bière) en bio. Les maltes d’orge proviennent de la Malterie des Volcans cultivés à quelques kilomètres à Saint-Germain-Lembron dans le Puy-de-Dôme. Comme un cuisinier qui ajusterait sa palette d’épices selon le résultat escompté, Joséphine et Renaud assemblent les malts mêlant les variétés et les saveurs selon le degré de torréfaction et de caramélisation.
Accord subtil
Idem pour la lupuline, cette poudre chargée en huile essentielle de houblons qui vient d’Alsace et d’Espagne. « C’est cette substance jaunâtre produite par les plants femelles du houblon (Humulus lupulus) qui donne à la bière son amertume. Antiseptique, la plante joue également le rôle de conservateur », précise Joséphine. Son dosage est donc essentiel pour garantir l’équilibre gustatif. Levure, sucre, utilisé avec parcimonie de l’ordre de 7 grammes par litres, et eau viennent compléter la recette. « Nous utilisons l’eau de source d’Allanche, très faiblement minéralisée ce qui nous permet d’obtenir des bulles très fines ». Il faut en moyenne 300 kilos de céréales (malte d’orge ou de blé) pour 800 litres d’eau. Une fois brassé, le liquide qui n’est pas encore de la bière, est porté à ébullition. « Quand cela commence à bouillir, une importante mousse se forme permettant la séparation des protéines avec le moût. La lupuline est intégrée à ce moment-là. La levure transforme les sucs en alcool. Après trois à six semaines de fermentation, la bière peut être embouteillée. Durant deux semaines, elle va refermenter en chaîne chaude avant d’être stockée à l’abri de la lumière. Alors qu’ils viennent d’achever leur troisième cycle de production depuis septembre 2021, Joséphine et Renaud ambitionne de produire 210 000 litres par an. Ils commercialisent leur produit dans des magasins à Aurillac, Clermont-Ferrand, Bort-les-Orgues, Saint-Flour, la Voûte-Chilhac. Ils sont présents sur les marchés de Saint-Jacques-des-Blats, Allanche et Murat. Ils réalisent un peu de vente directe et souhaitent profiter de l’été pour organiser des soirées guinguettes, en complément des visites guidées qu’ils proposent régulièrement.
Brasserie des Estives 9 rue de la Pierre Grosse 15160 Allanche Cantal
Un marché en plein boom
Si au début du XXème siècle, la France comptait près de 2 400 brasseries, au gré des décennies, les grands groupes les ont fait fondre comme neige au soleil. Depuis une dizaine d’années, on assiste à une nouvelle embellie des établissements indépendants. Le nombre de brasseries artisanales, ou micro-brasseries a explosé. Les Français consomment moins en général mais davantage de bières spéciales et de spécialités. Il existe aujourd’hui une France des brasseries qui, outre les berceaux historiques du Nord et de l’Est, rayonne sur l’ensemble du territoire et s’ancre dans les spécialités régionales : bières à la rose, aux myrtilles selon les régions, à la chicorée dans le Nord, au blé noir en Bretagne, aux marrons en Ardèche, à la lentille blonde de Saint-Flour chez Joséphine et Renaud. Les brasseurs s’attachent aussi de plus en plus à mettre en avant l’origine de leurs matières premières, leurs recettes ou les styles de bières et illustrent ainsi la richesse et la diversité de la culture brassicole française. La première région en nombre de sites de production, près de 368 brasseries, est l’Auvergne Rhône Alpes, suivie de la Nouvelle Aquitaine (près de 244). La région Grand Est, avec plus de 50% de la production française, et le géant Kronenbourg, confirme sa position de leader en volumes en France.