Un accident rare mais toujours grave
Bien que rares, les morsures de serpent font partie des accidents rencontrés l’été sur les animaux de rente. Les lésions observées permettent le plus souvent le diagnostic et le pronostic dépend de plusieurs facteurs.
Les serpents rencontrés en France appartiennent à deux familles, les couleuvres et les vipères. Si les premières sont totalement inoffensives, certaines vipères peuvent être responsables de morsures avec des dommages importants.
Plusieurs espèces de vipères en France, toutes protégées
Depuis la parution d’un arrêté au Journal officiel du 11 février 2021, toutes les espèces de serpents sont protégées en France. Cette mesure a été prise car la plupart sont en danger ou en voie d’extinction. Ce sont pourtant des animaux indispensables dans la chaîne alimentaire, se nourrissant principalement de rongeurs dont ils régulent la population. Concernant les vipères, l’aspic est l’espèce la plus commune en France, principalement au sud d’une ligne Nantes-Metz. La vipère péliade est présente dans les zones plus froides, dans le nord, l’est et le Massif Central. Enfin, on trouve deux autres espèces beaucoup plus rares, la vipère d’Orsini sur le mont Ventoux, dans le Lubéron et les Alpes-Maritimes et la vipère de Seoane dans les Pyrénées-Atlantiques.
Les serpents, des animaux poïkilothermes
Les vipères sont poïkilothermes, c’est-à-dire que leur température corporelle suit la température ambiante. Pendant la période froide, elles hibernent dans des terriers ou des crevasses naturelles. Au printemps, elles sortent pour s’accoupler et on peut parfois observer des « boules de serpent », avec une femelle et plusieurs mâles. La vipère est ovovivipare, c’est-à-dire que la femelle garde ses œufs dans son appareil reproducteur et ce sont de petites vipères qui sortent lors de la mise-bas. Durant l’été, elles affectionnent friches et broussailles à la recherche de leurs proies et la présence de vipères est directement liée à la densité des rongeurs qu’elles consomment (mulots, campagnols, musaraignes). Si l’aspic se retrouve principalement en terrains secs, la vipère péliade n’hésite pas à s’aventurer sur des terrains humides, voire marécageux.
Une morsure toujours accidentelle
La production de venin est un processus long pour le serpent, elle ne l’utilise donc que lorsqu’elle a besoin de se nourrir. En cas de danger, son premier réflexe est la fuite, la morsure n’intervenant qu’en dernier recours, si elle est surprise, et n’implique pas systématiquement injection de venin. La localisation des morsures dépend de l’animal : à l’abdomen ou aux mamelles chez les vaches qui se couchent sur la vipère ou à la tête pour les veaux du fait du comportement curieux de l’animal. Cette envenimation a un caractère saisonnier, de mars à octobre ce qui correspond à la période d’activité des serpents. On peut cependant observer de rares morsures durant la période hivernale, si la vipère a été dérangée dans son hibernation ou à la faveur de quelques belles journées.
Le venin, un assemblage complexe de nombreuses molécules actives
Le venin est composé de nombreux composés actifs :
• Des toxines (neurotoxine, cardiotoxine, hémotoxine, cytotoxine),
• Des enzymes comme la hyaluronidase qui facilite la diffusion du venin, la phospholipase A2 qui détruit les membranes nerveuses et érythrocytaires, et des nucléases, entre autres,
• Des minéraux activateurs des enzymes (calcium, zinc).
La gravité de l’envenimation dépend de la taille de l’animal mordu, de son âge, de la quantité de venin reçue et de la localisation de la morsure. Il faut cependant garder en tête que le venin injecté correspond à la dose nécessaire pour tuer un rongeur et sauf complications, est insuffisante pour tuer un bovin ou un cheval.
Des symptômes locaux et généraux…
Si du venin a été injecté, les premiers signes locaux apparaissent en 20 à 30 minutes. Les symptômes sont plus ou moins marqués en fonction du poids de l’animal et de la quantité de venin reçue. Au niveau de la morsure, on observe deux points rouges distants d’environ 1 cm, marque des crochets, avec apparition rapide d’un œdème très douloureux, rouge, chaud et qui s’étend rapidement. Dans le même temps, la toxicité générale du venin se manifeste par de la dyspnée, une tachycardie plus ou moins marquée et parfois des troubles digestifs et nerveux. Après quelques heures, un suintement sanguinolent apparaît puis une nécrose localisée, progressivement extensive.
… et des complications pouvant entraîner la mort
Elles peuvent apparaître jusqu’à 8 jours après l’envenimation. Le venin peut entraîner une insuffisance rénale aiguë avec déshydratation. Au niveau sanguin, les troubles de l’hémostase peuvent entraîner des hémorragies voire une Coagulation Intra-Vasculaire Disséminée (CIVD). Le pronostic est alors réservé, ces complications pouvant entraîner l’apparition d’une défaillance viscérale généralisée (foie et rein).
En cas de morsure, des soins locaux et un traitement général
Il convient d’éviter tout effort physique pour éviter la diffusion du venin et de maintenir l’animal au calme. La plaie sera désinfectée à l’eau oxygénée et refroidie, pour limiter l’inflammation et la douleur. Les mesures visant à limiter la quantité de venin (aspiration, incision…) sont inutiles voire dangereuses. Ensuite, le vétérinaire injectera des corticoïdes pour lutter contre le choc et éventuellement de l’héparine pour gérer les perturbations sanguines. Une couverture antibiotique sera mise en place pour limiter l’impact de la nécrose locale. La fluidothérapie reste intéressante car elle permet de lutter contre la déshydratation, favorise l’élimination des toxines et soutient l’activité rénale. Les sérums antivenimeux ne sont plus utilisés du fait de leur coût et du risque de déclencher un choc anaphylactique (sérum de cheval) ou des complications rénales et articulaires.
Peu de mesures de prophylaxie efficaces
Les morsures de vipères restent rares et au-delà des aspects réglementaires, les serpents sont des animaux menacés qu’il convient de protéger. Si vous êtes confronté à des morsures sur vos animaux, il est recommandé de bien débroussailler les parcelles. À proximité des maisons, on sait que les volailles sont d’excellents prédateurs des reptiles. En revanche, les répulsifs commercialisés n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Pour l’éleveur, mettez un pantalon long, des bottes ou des chaussures fermées lorsque vous allez voir les animaux au pré, prenez un bâton et faites du bruit, et gardez avec vous un téléphone pour prévenir les secours en cas de morsure. Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à contacter votre vétérinaire ou nos services.