Ukraine : Matière jette les premiers ponts de la reconstruction
Trois ponts modulaires de l'entreprise arpajonnaise vont permettre de rétablir la circulation et l'approvisionnement dans la région de Tchernihiv. D'autres pourraient suivre.
Ce 2 février, c'est un aréopage de hauts responsables européens, emmenés par le président du Conseil, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula der Leyen, que la capitale ukrainienne accueille pour discuter d'une aide militaire renforcée de l'UE alors que plane une nouvelle escalade militaire russe. À quelques encablures du palais Mariinsky, résidence du président Zelensky, Paul-Antoine Nicolaudie s'apprête, lui, à quitter son hôtel pour un long périple en train puis avion qui doit lui permettre de retrouver le Cantal et Arpajon-sur-Cère, siège de la société Matière dont il est le chargé des affaires internationales. Il boucle ainsi son troisième séjour dans le pays depuis que ce dernier a été attaqué par le voisin russe.
Trois premiers ponts réceptionnés
Ce début février, il s'agit de procéder à "l'atterrissage" des trois premiers ponts Unibridge® livrés par l'entreprise cantalienne pour contribuer à la reconstruction d'un pays toujours en pleine guerre. Des ponts modulaires métalliques(1) mis au point il y a un demi-siècle déjà par la société Matière, réputés pour leur simplicité et facilité d'installation, et notamment éprouvés lors de reconstructions d'urgence suite à des catastrophes naturelles ou des conflits militaires. Expédiés en septembre dernier, leurs éléments constitutifs conçus dans les usines de Blagnac, du Creusot et Charmes (Vosges) du groupe sont arrivés non sans péripéties fin novembre à la frontière roumaine d'où le client ukrainien les a acheminés jusqu'à la région de Tchernihiv, l'une des premières frappées par l'offensive russe qui a mis à terre 27 ponts, coupé autant de liaisons routières, bloquant le déplacement des habitants et réfugiés de la rive droite de la rivière Desna, tout comme leur approvisionnement. Le premier pont est opérationnel, l'installation du second en voie de finalisation comme a pu le constater la semaine dernière Paul-Antoine Nicolaudie. Celle du troisième a été retardée par des inondations d'une ampleur inédite dans la région depuis 130 ans. Sur place, un technicien polonais, collaborateur de Matière formé aux solutions Unibridge®, a assisté au montage de ces infrastructures. "Une aide experte inestimable", a salué jeudi l'un des responsables du client ukrainien de Matière, pleinement satisfait des produits livrés.
L'opération a été rendue possible via le Centre de crise et de soutien (CDCS), principal outil de l'aide humanitaire d'urgence du ministère des Affaires étrangères. "On s'était déjà rendu en Ukraine, en juillet dernier, pour une première mission d'expertise des besoins et spécificités techniques des ponts détruits après avoir été mis en relation par un représentant du Medef avec l'ambassade de France en Ukraine", explique Paul-Antoine Nicolaudie. Les choses se sont accélérées avec la volonté des autorités françaises de financer intégralement ces premiers ponts... qui pourraient avoir jeté les bases d'autres livraisons.
Tandem franco-français avec le Crédit agricole
En aparté, le responsable export de l'industriel arpajonnais confie que Philippe Matière a décidé d'offrir sur les fonds propres de la société, un quatrième pont afin d'apporter une pierre de plus à la reconstruction du pays et sa solidarité aux autorités et au peuple ukrainiens. La semaine dernière, la visite de Paul-Antoine Nicolaudie avait aussi vocation à avancer sur un projet plus ambitieux, qui concernerait cette fois une trentaine de ponts modulaires, pour un budget de 27 millions d'euros.
Ce financement serait solutionné par un crédit-acheteur consenti par le Crédit agricole, également présent en Ukraine. "L'État ukrainien étant fortement endetté, il faut, en même temps que les infrastructures, apporter une solution financière, ce à quoi on a travaillé avec le Crédit agricole. Ce prêt contracté par l'Ukraine bénéficiant par ailleurs d'une assurance de recouvrement par la BPI assurance export, indique le directeur commercial export. C'est un projet qui avance bien, et qui est politiquement soutenu, comme l'a annoncé Bruno le Maire récemment."
Au-delà des considérations économiques, Paul-Antoine Nicolaudie ne cache pas la motivation particulière qui anime "tous les salariés de l'entreprise, des ouvriers aux cadres supérieurs", honorés d'apporter à leur modeste échelle un soutien aux Ukrainiens. "Les gens se sentent hyper concernés chez nous, ce qui fait qu'on est capable de réagir très rapidement", salue Paul-Antoine Nicolaudie, pas mécontent de retrouver le week-end les plateaux enneigés du Carladès.
(1) Respectivement de 68 mètres, 34,2 m et 22,80 m.