Territoire Viande : des pros de la cheville
Créée en 2013 par Simon Fric, l’entreprise naucelloise est un acteur reconnu du commerce de gros et demi-gros positionné sur le marché de la viande premium.
Créée en 2013 par Simon Fric, l’entreprise naucelloise est un acteur reconnu du commerce de gros et demi-gros positionné sur le marché de la viande premium.
Si sur le terrain de la Vidalie, Simon Fric a toujours mis sa rapidité et sa polyvalence au service du pack arpajonnais et du collectif(1), très tôt sur le terrain professionnel, il s’est découvert une âme de leader et d’entrepreneur. Le salariat, très peu pour lui. Après des études agricoles et une licence en commerce en alternance chez un négociant en bestiaux, il s’est très vite lancé à son compte, à peine plus âgé de 20 ans, en créant en 2013 la société Territoire Viande, spécialisée dans la cheville(2). Une activité de grossiste en viandes de qualité que le jeune homme a fait monter en puissance sur la décennie écoulée avec des volumes et un chiffre d’affaires en progression annuelle de 10 à 20 % pour atteindre aujourd’hui un effectif bovin de 750 têtes et l’équivalent de 600 tonnes de marchandise. Mais plus que la quantité, ici prime la qualité avec des animaux triés sur le volet, avec rigueur et minutie, au sein d’un réseau d’éleveurs fidèles avec lesquels Territoire Viande est engagé. “On travaille en direct avec des éleveurs engraisseurs qui mettent des bêtes à la finition pour nous, mais aussi avec des coopératives et quelques négociants privés pour tapisser l’ensemble du territoire”, expose le chef d’entreprise.
Contrats... de confiance
Petit-fils d’agriculteur, attaché à ses racines et au monde paysan, Simon Fric a ainsi fait le choix du local - en travaillant avec les deux races bovines rustiques emblématiques du département - et d’un créneau de niche, celui de la qualité premium. Vaches et génisses (aubrac, salers pures ou croisées charolais) sont issues à 95 % du Cantal, le porc d’un éleveur ladinhacois, le veau de Corrèze, l’agneau (via Greffeuille SA à Capdenac) du Sud Massif central, seule la volaille (part congrue de l’activité) est originaire des Landes. Et l’entreprise installée à Naucelles, dans des locaux et ateliers rachetés l’an dernier, s’est fait une référence de l’aubrac, “notre produit phare, qu’on a développé en priorité avec des engraisseurs”, précise Simon Fric. Selon des exigences parfois même supérieures à celle d’un label rouge ou d’une IGP : “En aubrac, pour des produits et clients très sélectifs, on travaille avec deux ou trois engraisseurs uniquement et selon un cahier des charges qui va plus loin que BFA (Bœuf fermier aubrac)”, relève le dirigeant, qui continue d’assurer l’intégralité des achats. Territoire Viande a aussi intégré il y a peu la filière Label rouge salers.
Confrontée à la raréfaction de l’offre bovine depuis trois ans, l’entreprise est parvenue à maintenir et même accroître son approvisionnement grâce à une meilleure structuration, qui devrait encore être optimisée. “On est dans un bassin de production, c’est une grande force mais ça ne suffit pas, il faut structurer les choses, travailler sur le long terme, planifier de plus en plus nos achats par rapport aux perspectives de commerce”, appuie Simon Fric. Des achats qui se font dans le cadre d’une relation de confiance entre grossiste et éleveur, dans la tradition orale qui sied encore au secteur. “On est dans des métiers vieux comme le monde, qui reposent sur un rapport de confiance”, concède-t-il. Pas de contrat écrit pour l’heure (aucun ne lui a été proposé) mais un engagement verbal sur des volumes, une durée et une rémunération qui se fait soit sur un système de grille indexée sur la qualité bouchère des animaux soit sur des moyennes. “Nous sommes vraiment dans une démarche de valorisation du produit, tout en restant bien évidemment dans une économie de marché”, résume le jeune patron.
Diversification dans la découpe
Les carcasses des animaux abattus à Covial Aurillac sont ensuite travaillées par Territoire Viande selon les besoins des clients, à savoir des boucheries traditionnelles du Cantal et Puy-de-Dôme. Ce bastion local, la société naucelloise entend l’élargir au-delà de débouchés déjà conquis dans le Gard ou encore la Marne. “On peut certes encore un peu progresser localement mais les marges ne sont pas énormes d’où notre volonté de développement hors de notre bassin de production et consommation”, analyse le gérant, qui propose aux bouchers une prestation supplémentaire, du prêt-à-découper (PAD) sous vide notamment pour ceux subissant une pénurie temporaire ou structurelle de main d’œuvre. Second axe stratégique déployé depuis
15 mois : une diversification dans la découpe(3) (jusqu’au piécé) à destination d’une clientèle de restaurateurs.
Qualité et service premium
Conquête géographique commerciale et diversification : deux impératifs à l’heure où la filière viande enregistre une baisse généralisée de consommation même si les produits de qualité parviennent encore à se tailler une part dans l’assiette. Il n’empêche, l’inflation sur les cours du vif répercutée sur le prix de la viande affecte les achats de Français en mal de pouvoir d’achat. “Aujourd’hui, les ménages arbitrent en priorité sur ce qu’ils mangent. On le voit dans la courbe de nos commandes : avec une érosion la dernière semaine du mois. On vend par exemple beaucoup moins de viande d’agneau, la viande la plus chère.”
Dans un secteur de la cheville qui s’est fortement restructuré ces 30 dernières années, avec des entreprises familiales absorbées par des opérateurs industriels voire des majors nationales, Territoire Viande demeure l’une des rares sociétés à taille familiale avec six
salariés et un gérant, une équipe où prime la jeunesse. Cette dimension ne lui permet certes pas de gagner la bataille du prix auprès de ses clients mais le petit poucet cantalou parvient à se démarquer par la qualité de ses produits, sa disponibilité et réactivité. “Les bouchers préfèrent mettre quelques centimes de plus au kilo pour avoir la viande qui leur convient. On les connaît tous parfaitement et à chacun correspond un produit spécifique. On fait un travail sur-mesure et ils savent qu’ils peuvent nous joindre 7 jours sur 7”, appuie le dirigeant.
(1) Ancien troisième ligne du club de rugby RCAV.
(2) En référence à la partie par laquelle les
carcasses d’animaux sont suspendues.
(3) Avec également de la saucisserie.
"C'est du sport !"
Quand il n’est pas sur le terrain, à sélectionner des animaux auprès de ses fournisseurs, ou à gérer les affaires courantes de la société, Simon Fric est en short et baskets auprès des avants du RCAV qu’il coache depuis maintenant trois ans, à raison de trois entraînements hebdomadaires. Préparation, supervi- sion des séances d’entraînement auxquelles s’ajoutent le visionnage et l’analyse du jeu des adversaires en amont de chaque match de Fédérale 2 et bien d’autres tâches. “C’est du sport et de plus en plus compliqué ! C’est un équilibre précaire”, sourit le coach, à qui cette seconde vie en Ovalie apporte une indispensable soupape de décompression. “Ça permet de changer d’univers, de ne pas rester dans l’entre-soi.”