Salariés d’Abeil : dans ce monde Mayer, vont-ils pouvoir s’en sortir ?
Leader européen de la fabrication de couettes, la société Abeil a été mise en liquidation judiciaire le 31 mars, mais peut poursuivre son activité pendant deux mois.
La société Abeil vit un véritable tournant depuis le 31 mars. Placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce, ses repreneurs potentiels peuvent se faire connaître jusqu’au 5 mai. Mardi, c’est la holding Société de participation du Pont-rouge, détenant 100 % du capital de deux sociétés dont d’Abeil, qui déposait également son bilan. Mais au-delà des montages juridiques, c’est tout un personnel qui vit des heures sombres depuis plusieurs mois. Et c’est aussi un ensemble d’élus et de collectivités avec qui l’on a jonglé. En 2008, la communauté d’agglomération du bassin d’Aurillac intervient pour sauver la société aurillacoise d’un redressement judiciaire. Une intervention à hauteur de 2,7 millions d’euros, cautionnée pour moitié par le Conseil général, sous forme de lease-back : la Caba devient propriétaire des murs et injecte de la trésorerie. À charge pour Abeil de rembourser en lui versant un loyer.
Un passif colossal
Un sauvetage dont il s’avère trois ans plus tard qu’il n’aura fait que repousser certaines échéances. Malgré les belles paroles et promesses d’Hugues-Arnaud Mayer, PDG d’Abeil, la réalité dévoile des salariés en chômage partiel, un passif colossal (plus de douze millions d’euros) et des difficultés que la seule crise est loin d’expliquer. “Ce n’est pas vraiment une surprise car nous savions depuis de nombreux mois, voire de nombreuses années, que la situation était tendue, explique Alain Calmette, maire d’Aurillac et vice-président de la Caba en charge du développement économique. Notre lourde intervention en 2008 aura permis de passer un cap, mais n’aura en rien résolu le problème. Nous avons eu l’occasion de rencontrer à plusieurs reprises Hugues-Arnaud Mayer (NDLR : dont la dernière fois en novembre 2010). Il nous expliquait alors sa stratégie, sa façon de sortir de la crise.” “Nous l’avons toujours vu optimiste, parlant de difficultés conjoncturelles, mais que l’entreprise continuait d’avoir des clients et que c’était suffisant pour patienter. On a vu le résultat. Entre temps, des indices forts de difficultés sont apparus. Les services de l’État ont demandé un moratoire de six mois pour surseoir aux obligations sociales et fiscales de l’entreprise. Un audit, demandé par la préfecture, a même démontré la fragilité de la trésorerie d’Abeil. Les conclusions parlaient d’une recapitalisation minimale de cinq millions d’euros pour ramener l’entreprise à des ratios acceptables”, poursuit le premier magistrat.
Sauver les emplois et l’outil de production
La décision du tribunal de commerce de mettre l’entreprise en liquidation judiciaire a permis de crever l’abcès et surtout permis aux repreneurs potentiels de se faire connaître. À ce jour, les Espagnols Velanem, les Français Dodo et Lestra seraient sur les rangs. “Nous n’avons aucun droit d’ingérence dans une affaire traitée par le tribunal, mais notre message est clair, poursuit A. Calmette : il faudra privilégier les conditions de reprise avec le moins de casse possible sur les 117 employés ; il faudra l’assurance de la pérennité de l’outil de production sur Aurillac.” Vincent Descœur, président du Conseil général, rejoint le vice-président de la Caba dans cette nécessité. “Aujourd’hui, le constat, c’est que les difficultés de l’entreprise n’ont pas été surmontées et que ces mêmes difficultés ne sont pas liées à l’environnement cantalien. Quand nous sommes intervenus aux côtés de la Caba en 2008, c’était déjà pour sauver la société. C’est donc un vrai sentiment de déception par rapport aux efforts consentis par les collectivités. Nous sommes bien évidemment très attentifs sur l’évolution du dossier, même si l’avenir dépend maintenant de la décision du liquidateur judiciaire.” Au-delà d’une réalité sociale difficile, d’autres questions méritent d’être soulevées. Tous les protagonistes du dossier Abeil s’accordent pour exprimer leur mécontentement face au comportement d’Hugues-Arnaud Mayer. En premier lieu, son manque de présence et de disponibilité pour venir s’expliquer. Si, dans le dossier Abeil, il est bien prouvé par les services de l’État que la conjoncture n’y est pas pour grand-chose, Hugues-Arnaud Mayer se retranche pourtant derrière, comme il l’a avoué, le 1er avril, sur BFM TV. Une position choquante pour celui qui vice-préside au niveau national le Medef. Salariés et élus ont d’ailleurs dû être ravis d’apprendre de la bouche de M. Mayer que “six à sept entreprises se sont spontanément présentées en deux jours... Il n’y a qu’un seul paramètre qui compte pour moi : le paramètre social. Nous n’avons liquidé aucun actif, ni vendu de machines, stocks, brevets ou magasins...” Fort heureusement, une partie des biens appartient à la Caba. Et puis il y a cette histoire du salarié unique de la holding qui émargeait à plus de 135 000 euros par an alors que les employés sont au Smic et en chômage partiel.
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