Risques climatiques : les sénateurs précisent le projet de loi
La commission des affaires économiques du Sénat a introduit 46 amendements dans le projet de loi de réforme de gestion des risques. La Chambre Haute veut notamment préciser le rôle du pool, donner de la visibilité aux exploitants et inscrire noir sur blanc certaines intentions du Gouvernement.
Le 26 janvier, la commission des affaires économiques (Coméco) du Sénat a discuté le rapport du sénateur Laurent Duplomb (LR, Haute-Loire) sur le projet de loi de réforme de gestion des risques climatiques en agriculture. Un projet de loi qu'il propose de « muscler » car perclus d'« insuffisances », selon un communiqué de la Chambre Haute du Parlement. « Le Gouvernement parle d'un projet de loi historique qui ne traite que des procédures d'indemnisation. Il serait historique, en effet, s'il levait enfin les freins à une vraie politique de prévention dans le domaine agricole favorisant la résilience des exploitations, combinant à la fois des investissements audacieux, des projets d'irrigation, de la sélection variétale, une évolution des pratiques culturales... Ce n'est pas le cas », argue Laurent Duplomb cité dans le communiqué.
Malgré cela, les sénateurs de la Coméco ont estimé qu'une réforme est « nécessaire » vu l'accélération des aléas climatiques. Ils ont adopté 46 amendements qui seront incorporés au texte, en vue de la séance plénière en première lecture au Sénat le 8 février.
Taux et seuils pluriannuels
La Coméco propose que les taux et seuils (de l'assurance et de l'indemnisation publique)
soient fixés par décret « pour une période de cinq ans » (amendement n° 67). Ceci, afin de donner de la « visibilité » aux exploitants, indique l'exposé des motifs. À titre exceptionnel, le Gouvernement pourrait fixer « temporairement » des taux et seuils par arrêté, après avis de la Codar. Il pourrait aussi plafonner le montant des primes d'assurance en cas « d'inflation forte » de ces dernières.
Les sénateurs souhaitent que les critères de couverture surfacique minimale - prévus dans les contrats d'assurance - distinguent les récoltes destinées à la vente de celles dédiées à l'autoconsommation (n° 57). « Pour les systèmes de polyculture élevage, [ce serait] lever un vrai frein à l'assurance », affirme Laurent Duplomp dans l'exposé des motifs.
Border le pool
Les sénateurs de la Coméco veulent graver dans le marbre la liberté des assureurs de fixer leurs primes commerciales (n° 71), en écartant toute possibilité de créer un pool de coassurance (n° 72). Vu que les assureurs seront obligés de proposer un contrat de MRC à tout exploitant qui le demande, la Coméco veut s'assurer qu'ils le feront « à des conditions raisonnables », et non à des tarifs prohibitifs (n°73).
Les sénateurs veulent aussi « inscrire dans le dur » que, dans le cadre du pool d'assureurs, les données de sinistralité seront manipulées par « une structure tierce » qui les restituera « avec un degré d'anonymisation et d'agrégation suffisant » (n° 70).
Ils veulent spécifier que la caisse de réassurance publique (CCR) pourra « pratiquer des opérations de réassurance » de la MRC, dans le cadre du pool (n° 75). En effet, cela ne figure pas clairement dans le projet de loi. Pour l'heure, le Gouvernement a simplement indiqué - dans son étude d'impact - qu'il « envisage » de confier à la CCR le rôle de réassureur dans deux cas de figure : durant des « phases initiales d'expérimentation » pour de nouveaux contrats MRC (sur des productions non couvertes actuellement) ; et durant « des phases transitoires » pour prendre en charge les risques « qui seraient devenus non assurables par le marché de la réassurance privée en raison du développement du changement climatique ».
En outre, la Coméco demande au gouvernement de prendre l'ordonnance précisant les contours et missions du pool dans un délai de quatre mois, au lieu des six mois préconisés par l'Assemblée (et des neuf mois initialement souhaités par l'Exécutif) (n° 77).
Mesures de prévention et calcul des primes
Les sénateurs de la Coméco souhaitent écrire dans noir sur blanc que les « mesures de prévention » mises en oeuvre par les exploitants, pour se protéger des aléas climatiques, seront prises en compte dans le calcul de la prime d'assurance (n° 56). Ces mesures pouvant être « du stockage, des investissements ou d'autres méthodes », détaille l'exposé des motifs.
Pour « promouvoir » le recours à la MRC, ils proposent de « minorer » l'aide à l'installation (DJA) pour ceux qui ne sont pas assurés ou qui « n'ont pas réalisé un diagnostic de gestion des risques constatant un niveau de maîtrise des risques suffisant sur l'exploitation » (n° 65).
Moyenne olympique et calcul des pertes
Par ailleurs, les sénateurs veulent permettre aux agriculteurs de choisir la méthode de calcul de la moyenne olympique la plus favorable pour être indemnisés (moyenne triennale glissante ou moyenne olympique sur cinq ans) : tant sur la partie assurable (n° 58) que sur les risques catastrophiques pris en charge par l'État (n° 60). Ils exigent que les référentiels et méthodes d'évaluation utilisés pour mesurer les pertes catastrophiques soient « identiques », et pas seulement « similaires », à ceux utilisés par les assureurs (n° 10).
Ils demandent que l'indemnisation de l'assureur et celle de l'État soient versées « en même temps » à l'assuré, via le guichet unique (n° 11). De plus, la Coméco veut prévoir une voie de recours collective, via les comités départementaux d'expertise, en cas de désaccord d'exploitants sur l'évaluation des pertes (n° 64).
Rapport dans les six mois
Enfin, les sénateurs veulent supprimer l'obligation pour le Gouvernement de fournir deux rapports demandés par l'Assemblée nationale : l'un sur les seuils de subvention des primes et de pertes - à remettre dans les six mois après promulgation de la loi -, l'autre faisant un bilan de la loi au bout de quatre ans.
En revanche, ils exigent un autre rapport présentant « les actions et pistes d'évolution à envisager aux niveaux européen et national, dans les années à venir » pour « rendre le calcul de la moyenne olympique plus cohérent avec la réalité des impacts du changement climatique ». Ce rapport devra aussi « identifier des pistes » pour ne pas pénaliser, via une diminution de l'indemnisation publique sur les pertes catastrophiques, les exploitants non-assurés qui auront mis en oeuvre des moyens de prévention. Le Sénat souhaite que ce rapport soit remis par le Gouvernement dans les six mois après publication de la loi (n° 83).