Revenus agricoles : Attention à ne pas raisonner en chiffre d'affaires, mais en prix d'équilibre
Jeudi 11février, la Chambre d'agriculture et le CERFrance ont présenté des statistiques relatives au revenu des éleveurs allaitants et laitiers et livré des pistes d'amélioration.
La chambre d'agriculture du Cantal et le CER France ont réalisé une enquête de conjoncture et livré quelques pistes pour améliorer les revenus des éleveurs. Un exposé auquel ont assisté des membres des conseils d'administration d'organisations professionnelles et qui a traité d'abord de l'élevage allaitant, avant d'aborder la problématique laitière. Le zoom local s'appuie sur le réseau des fermes références, constitué d'environ 80 exploitations réparties sur tout le Cantal et une frange de départements voisins. La bonne représentativité des structures est assurée en termes géographiques, mais aussi au niveau des productions.
Les paradoxes de l'allaitant
Le marché de la viande est présenté comme "mâture", avec d'un côté une consommation intérieure qui tend à baisser, accompagnée par des nouvelles pressions environnementales, d'éthique ou de santé ; et d'un autre, des pays émergeants où la marge de progression est énorme (4,5 kg de viande consommée par an et par habitant, pour 25 kg en moyenne en Europe). Avec un paradoxe : la France, grande exportatrice (de mâles), importe de la viande qu'elle consomme (femelles). Globalement, le coeur de gamme diminue au profit de produits premier prix et de la qualité supérieure. Les revenus sont issus à 55 % des produits bruts et 45 % d'aides. Pour autant, les trésoreries restent tendues dans pratiquement un cas sur deux, comme l'a rappelé Sandra Conesa, conseillère en gestion au CER France Cantal. Pour s'en sortir, l'objectif prioritaire demeure "un veau par vache et par an", préconise Yannick Péchuzal, de la Chambre d'agriculture. Ce qui nécessite forcément une certaine maîtrise technique au profit de la productivité. La preuve, avancée par le technicien : un écart de 5 % de productivité numérique sur 70 vaches se traduit par 1 300 kg de viande vive en moins, soit 3 000 EUR de manque à gagner, auxquels s'ajoutent le coût d'une vache vide, estimé à 2 EUR/jour. L'autre volet concerne la maîtrise des charges liées au cheptel, avec mis à l'index le coût du concentré qui pèse 37 % des charges en moyenne, mais aussi de la paille pour 7 %... D'où l'intérêt de produire des céréales plutôt qu'agrandir son cheptel si 3 ou 4 hectares se libèrent, par exemple.
L'autonomie en ligne de mire
La rémunération dépendra de ce type de maîtrise de charges, dont le coût varie de 136 EUR/100 kg vif pour la fourchette basse à 77 EUR chez les meilleurs. Parmi les solutions proposées, dans des conditions normales de culture(1), maximiser la qualité des fourrages, éviter les gaspillages, sélectionner sur des croissances autonomes, réduire la dépendance aux approvisionnements extérieurs. Selon les systèmes, pour dégager 1,5 Smic(2), il faut produire de 25 à 30 tonnes de viande par an. Soit un cheptel de 60 à 70 vaches allaitantes.
(1) Hors sécheresse et pullulation de rats, aléas qui seront mieux pris en compte dans les enquêtes à venir. (2) Comparaison avec le salaire minimum annuel, sans le ramener au Smic horaire.
Plus d'infos à lire cette semaine dans L'Union du Cantal.
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Production laitière
Pas facile de faire abstraction d'une conjoncture actuelle très défavorable et de se persuader que traire reste rentable... à long terme. C'est ce qu'a essayé de démontrer Nathalie Velay, chargée de mission au CER France Massif central. La première diapositive qu'elle projette est parlante : sur un même graphique, la courbe brisée entre 2009 et 2015 illustre bien la volatilité des prix d'une année à l'autre et une droite en constante progression, celle de la moyenne du prix payé entre les deux dates. Mais elle admet un changement radical qui s'est opéré en quelques mois seulement. Si le marché des produits de grande consommation (distribués en France et en Europe) reste stable, celui des produits industriels (mondial) est loin d'être aussi favorable qu'entre 1993 et 2014, au moment où la Chine importait massivement pour faire face à une demande exponentielle. D'abord parce que le marché de l'importation s'est tassé, ensuite parce que les grands bassins producteurs ont littéralement fait exploser les tonnages.
Quel avenir ?
L'avenir de ce marché d'exportation dépendra du positionnement de Vladimir Poutine sur l'embargo, des conséquences des décisions prises par la Chine (fin de la politique de l'enfant unique), de l'ouverture possible de nouveaux marchés (des continents entiers sont déficitaires en lait), d'une possible régulation de l'offre... Pour s'extraire de ce marché incertain, Yannick Péchuzal, de la Chambre d'agriculture, pense qu'il faut chaque fois que possible profiter de l'AOP.
Sur le revenu proprement dit, le spécialiste invite les producteurs à bien identifier les points forts et les points faibles, sachant que dans le réseau des fermes référence, la rémunération du travail pour 1 000 l. va de 61 EUR dans la moyenne inférieure à 151 EUR dans la fourchette haute. Et il n'y a, selon lui, d'intérêt à augmenter les volumes que si l'on est déjà performant. Sinon, on ne fait que dégrader encore son revenu. Afin de dégager l'équivalent annuel de 1,5 Smic, il faut produire de 200 000 à 230 000 litres.