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Renouvellement des générations : “Le premier frein, c’est le revenu”

Quarante pourcents des installations se font en élevage contre 53 % dans les années 90. Astreinte, investissements lourds et problème de rentabilité expliquent en partie ce recul.

Depuis 2010, le flux d’installations de JA en élevage allaitant se maintient malgré un ratio revenu/capital à mobiliser très défavorable au secteur.
Depuis 2010, le flux d’installations de JA en élevage allaitant se maintient malgré un ratio revenu/capital à mobiliser très défavorable au secteur.
© UC

L’agriculture est confrontée à un défi démographique sans précédent. Et ce qui est vrai pour l’agriculture en général, l’est encore plus pour le secteur de l’élevage. “Depuis une dizaine d’années, au moment de la transmission des exploitations, on constate fréquemment un abandon de l’activité d’élevage. Moralité, nous sommes dans toutes les filières d’élevage en décrochage alors que nous avons tous les atouts pour produire”, explique Claude Allo, secrétaire de la section “sciences humaines et économie” de l’Académie d’agriculture de France.

48 % des éleveurs ont plus de 50 ans

Le vieillissement des chefs d’exploitation a des causes multiples et un peu différentes selon les orientations. “Le cas le plus extrême est celui des exploitations laitières bovines qui avaient beaucoup profité de la politique de préretraite-installation, instaurée dans le cadre de la Pac 1992. Cette politique publique a soutenu le flux d’installations à près de 3 400 jeunes de moins de 40 ans par an jusqu’à la fin des années 90.

Critiquée pour ses effets d’aubaine par le ministère de l’Économie, son arrêt a contribué à diviser par deux ce flux avec deux inflexions : au début des années 2000 et en 2008/2009”, analyse Christophe Perrot, chargé de mission économie et territoire à l’Institut de l’élevage (Idele). Cette modification des entrées dans le secteur a créé une vague démographique de grande ampleur qui devrait durer jusqu’en 2030 et contribue à une restructuration rapide du secteur, puisque les trois quarts des exploitations qui restent sont en forte croissance.

Le pourcentage d’éleveurs de plus de 50 ans qui était passé de 52 % à 32 % entre 1988 et 2000 est remonté progressivement à 48 % en 2016 avant de se stabiliser. Dans le secteur ovins viande, le vieillissement se combine avec un flux d’entrées (installations hors transferts entre époux) beaucoup plus stable depuis les années 90. Le vieillissement est en partie dû à la progression, au cours des années 2000, des installations à plus de 40 ans (25 % contre 15 % en bovins lait) pour des carrières plus courtes, des projets plus variés, des cheptels de taille limitée, de la pluriactivité…

Trajectoires et projets revisités

Les installations dans le cadre de Gaec ne sont pas majoritaires contrairement à tous les autres secteurs. Ni la taille du cheptel, ni la croissance en volume (il y a autant de décroissances que de croissances) ne sont privilégiées dans le secteur. Le secteur bovins viande (notamment l’élevage de vaches allaitantes) a longtemps bénéficié de la reconversion lait/viande durant les quotas laitiers.

Depuis 2010, le flux d’installations de jeunes se maintient malgré un ratio revenu/capital à mobiliser très défavorable au secteur. Mais, comme en ovins viande, se dessinent des trajectoires et des projets qui s’éloignent des attentes des filières longues : des installations en bonne partie avec des cheptels de taille moyenne et/ou pluriactivité, et qui se détournent de la croissance en volumes (avec la crainte des opérateurs que le cheptel de vaches allaitantes soit engagé dans une tendance baissière) et de l’engraissement.

Enfin, comme en ovins viande, c’est le secteur où l’on trouve des éleveurs encore en activité au-delà de 62 ans (environ 10 %). C’est notamment le cas en zone défavorisées dans lesquelles l’ICHN cumulée aux autres aides Pac conduit à un montant plus intéressant qu’une faible retraite agricole. Le secteur caprin échappe lui au vieillissement en raison de son attractivité notamment pour le secteur fromager fermier, et de la gestion des ressources humaines de “ses” livreurs par une industrie de collecte-transformation très concentrée.

L’attractivité à l’épreuve du réel

Christophe Perrot veut cependant croire que nous sommes arrivés au bout du processus de vieillissement, puisque pour la première fois depuis très longtemps, en 2018, l’âge moyen des chefs d’exploitation a diminué. Si l’attractivité pour le métier et le changement de vie qu’il implique ne faiblit pas, force est de constater qu’elle se heurte souvent au principe de réalité. “Une grande part des candidats à l’installation renonce au final. Il y a un processus nécessaire pour faire mûrir les projets, et une certaine idéalisation pour certains. Dans le Tarn, par exemple, on recense chaque année 240 candidats à l’installation, seulement 80 s’installent pour de bon.”

Avec la crise Covid-19, les envies de grand air ont fleuri, si bien que la plate-forme “devenirEleveur.euse”, imaginée par le Confédération nationale de l’élevage (CNE) pour susciter des vocations, a enregistré un pic de fréquentation.


Un “plan Marshall” pour l’élevage

Installée hors-cadre familial depuis une trentaine d’années au pied du Puy-de-Dôme, Michèle Boudoin, présidente de la FNO (Fédération nationale ovine), sait combien le métier réclame passion, résilience, ténacité... Depuis 2010, la filière ovine multiplie les initiatives pour séduire les candidats : charte de relance ovine, Ovinpiades des jeunes bergers, Innov’ins, reconquête ovine…”Nous sommes la seule famille interprofessionnelle à avoir des fonds dédiés à des programmes à la production qui permettre de redynamiser le secteur.”

Si les efforts commencent à payer, des freins tenaces demeurent. Ils sont liés au foncier, à l’astreinte, à l’investissement et surtout à la rentabilité. “Le premier frein, c’est le revenu !”, insiste François Purseigle, professeur des universités et membre de l’Académie d’agriculture de France. “On ne peut pas faire vivre nos familles avec de la reconnaissance et des coups de cœur de la société qui réapparaissent en temps de crise. Il faut un plan Marshall pour l’élevage, et une volonté intelligente de découvrir des talents”, renchérit Michèle Boudoin.

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