RECONVERSION. De la vie au bureau à la vie à la ferme
Entre réflexion et opportunité, passer de la banque aux vaches laitières, fut une décision devenue évidente.
Sur les hauteurs de la Corrèze, près d'Eygurande, le GAEC Louradour qui officie dans la production laitière s'enrichit d'une nouvelle associée en la personne de Nelly Louradour elle-même. Nelly est l'épouse du premier associé du GAEC, et elle devient par la même occasion l'associée de son mari. Ce qui n'était pas évident au départ, puisque Nelly Louradour était banquière.
Une formation dans le tertiaire
« J'ai passé un bac commercial pour ensuite devenir déléguée médicale, je n'étais pas du tout dans l'agriculture » nous confie-t-elle. Elle poursuit ensuite son parcours professionnel comme banquière, où elle développera son sens du contact et du service, pendant 12 ans. Lorsque l'associé de son mari quitte le GAEC, il faut alors trouver des solutions. Nelly pense depuis longtemps à se reconvertir, mais dans quoi ? Comment ? Aucune réponse jusqu'à cet évènement, où il fallait prendre une décision. « C'est l'évènement qui m'a fait prendre cette décision assez vite, faire entrer un autre associé dans l'exploitation ne nous tentait pas trop, et mon mari était installé depuis longtemps déjà, depuis 2003 » nous dit-elle. Il faut donc reprendre des études, car si l'expérience de Nelly au sein du milieu de la banque est utile pour gérer l'exploitation, elle ne connait que peu de chose sur le métier d'agricultrice auquel elle se destine.
Une formation et un accompagnement
Il faut alors changer d'organisation, passer un Baccalauréat agricole, et continuer de s'occuper de ses trois enfants. C'est donc par correspondance qu'elle choisit d'étudier pour conserver une grande liberté. Elle ajoute : « Aller tous les jours au lycée agricole de Naves, n'était pas simple, trop de route à faire, trop de temps à consacrer, alors que les cours par correspondance me permettaient d'étudier à la maison, de m'occuper de mes enfants dont un encore très petit, et de commencer à prendre mes marques au sein de l'exploitation ». Reprendre des études à 37 ans n'est pas simple, « Reprendre le rythme, se remettre à faire travailler la mémoire a été une épreuve pour moi » ajoute-t-elle. Mais Nelly est une femme décidée, quand elle se lance dans un engagement, elle met les moyens nécessaires pour réussir.
Le bac en poche, Nelly se rapproche de la chambre d'agriculture pour obtenir conseil et soutien. Une étude est faite quant à la viabilité du projet qui devait fournir des revenus suffisants pour le couple, maintenant deux associés du GAEC : « Nous avons été parfaitement accompagnés mon mari et moi, et nous avons même pu mettre en place un projet de modernisation, avec l'investissement dans une salle de traite complètement robotisée ». Ainsi la chambre d'agriculture, outre ses conseils, a pu aider ce couple d'agriculteurs à monter leur projet, mais surtout à soutenir Nelly dans sa reconversion. « J'ai été aidée et rassurée » renchérit-elle.
En arrivant dans le GAEC, officiellement, Nelly prend ses premières décisions d'agricultrice : « notre première tâche a été de mettre fin à l'exploitation de vaches limousines, pour lesquelles je n'ai pas d'attirance particulière. Je préfère les laitières, plus douces, plus sociables ». Ainsi fut fait, et c'est une exploitation spécialisée dans la production de lait dont s'occuperont Nelly et son mari. « Lui, s'occupe des vaches le matin, puisque je m'occupe des enfants, et je le rejoins à la traite. Ensuite, le soir, c'est moi qui m'en occupe plus particulièrement. » ajoute-t-elle.
Du féminin dans l'agriculture
Lorsqu'on lui pose la question de la position de la femme dans l'agriculture, et notamment de sa propre place dans l'environnement de l'exploitation, de ses clients et fournisseurs, Nelly met les choses en place tout de suite : « Je n'ai connu aucun problème d'insertion. Je connaissais un peu le lieu où je me trouve, puisque j'y venais en maison de famille quand j'étais petite, et même en étant citadine, j'étais très proche de la nature, et du milieu agricole. C'est d'ailleurs dans ce contexte que j'ai connu celui qui allait devenir mon mari » nous répond-t-elle. Ainsi, elle nous apprend également que les fournisseurs et les coopératives ont maintenant l'habitude de traiter avec des femmes, l'agriculture ayant tendance à se féminiser ces dernières années. En effet en 2020, la part des femmes parmi les chefs d'exploitation est de 29,9% en Corrèze, selon les résultats du recensement agricole de décembre 2021 de l'Agreste.
Cependant, si elle s'épanouit dans son nouveau métier, « le contact humain me manque, la relation à l'animal n'est pas la même, même si je m'y habitue et que j'y trouve autre chose, mais il y a de nouvelles relations à faire » concède-t-elle.
Bilan et perspectives
Si ce changement est total et peut être surprenant comme c'est le cas dans la plupart des reconversions, les collègues banquiers de Nelly n'étaient pas si surpris de sa décision de devenir agricultrice. Etant mariée avec un exploitant, ce fut presque naturel. Il a fallu le temps d'un été, entre la décision de partir de la banque, et la mise en oeuvre de sa formation en vue de passer son bac agricole. Mais il n'est pas sûr que Nelly en reste là ! « Je ne ferme aucune porte. Dans le domaine agricole, je peux évoluer dans des associations, dans l'enseignement, dans d'autres responsabilités. Tout est possible. Je peux m'occuper de mes 60 vaches jusqu'à la retraite, ou pas » précise-t-elle. Et c'est la force de Nelly Louradour, la force de prendre des décisions, de faire ce qu'il faut au moment où les opportunités se présentent, ou de s'accorder la liberté de prendre des directions surprenantes et motivantes.
« J'aimerais transmettre l'exploitation à mes enfants, et d'ailleurs, ma fille de 9 ans est très impliquée dans les activités quotidiennes, elle adore ça, et se voit bien fermière ! » se réjouit-elle. Elle ajoute enfin : « Mais elle a encore le temps de changer de vocation ! ».
Une reconversion réussie
Si des doutes affluent quant à l'avenir de l'agriculture française, avec la concurrence étrangère, la guerre en Ukraine et la hausse des charges, l'ambiance reste néanmoins positive. Nelly Louradour a su se lancer, prendre des risques, se former, et surtout, se rapprocher des instances professionnelles pour obtenir conseil, soutien, formation et études de viabilité. Elle a fait ce qu'il faut faire : ne pas rester isolée, et s'entourer pour assurer la réussite. Elle est maintenant sur la bonne route, que les vents la poussent vers la satisfaction dans sa nouvelle vocation.