Quid des internats et de stages ? Des questions majeures aujourd’hui sans réponses
D’après les dernières annonces gouvernementales, les établissements scolaires réouvrent leurs portes progressivement. Qu’en est-il pour les établissements agricoles ? Le point avec Laurent Grimault, directeur des Lycées d’enseignements agricoles privés d’Ennezat et du Breuil-sur-Couze.
Comment s’est organisé le travail et le suivi des élèves pendant le confinement ?
Les équipes enseignantes se sont rapidement mobilisées à travers l’utilisation de différents outils à distance qui leurs étaient mis à disposition pour proposer des cours via les mails de leurs élèves et des visio-conférences.
Les jeunes non équipés d’ordinateurs ou ayant un accès réduit à internet ont été appréhendés et suivis. Nous avons créé des binômes entre professeur et élève afin de les accompagner et maîtriser les décrocheurs. Dans l’ensemble, la majorité a joué le jeu. Le plus difficile ce sont les matières techniques avec l’impossibilité de faire les TP (travaux pratiques) à distance. Mais l’innovation et la créativité de la part des équipes enseignantes ont donné lieu à des expériences intéressantes. A titre d’exemple, des vidéos youtube ont été tournées pour les TP cuisine au lycée d’Ennezat ou sur les manipulations d’un tracteur.
Comment se prépare le retour des élèves ?
Le plan sanitaire de l’Education nationale a été présenté le 30 avril mais il n’a a pas été encore adapté par le ministère de l’Agriculture. Certains points propres à nos établissements agricoles n’ont donc pas été tranchés. Nous avons des consignes sur l’adaptation de nos locaux, les distanciations obligatoires, le port du masque, l’application des gestes barrières ; nous avons également des consignes sur la restauration pour laquelle est envisagée une restauration froide en plateau, consommée au sein des classes, etc… Cependant trois questions majeures sont en suspens : l’internat, la reprise des élèves de 4ème et 3ème et les stages.
Pouvez-vous détailler ?
Rien n’est évoqué sur l’accueil des élèves en internat, alors que ce système est pourtant très présent dans les établissements agricoles.
Pour les élèves de 4ème et 3ème, nous ne savons pas non plus quand sera programmée la reprise. Sera-t-elle adossée à l’éducation nationale c’est-à-dire en date du 25 mai ou sur les lycées le 2juin ? Nous ne savons-pas encore. Quoi qu’il arrive nous poursuivons les cours à distance jusqu’au 25 mai et 2 juin.
Enfin sur la question des stages, nous sommes également dans le flou. Nous ne savons pas si nos élèves de Bac pro et de BTS pourront réaliser leurs stages qui doivent débuter en juin. Il semblerait qu’il y ait une volonté de la DGER (Direction générale de l’enseignement et de la recherche) de vouloir faire partir les élèves en stage… mais nous n’avons pas de réponse, il n’y a rien d’officiel pour le moment. Il y a des stages pour lesquels l’organisation dans le respect des gestes barrières ne posera aucun problème, et d’autres en revanche où il sera beaucoup plus difficile de les appliquer. Je pense particulièrement aux jeunes devant effectuer un stage dans le cadre de leur formation d’aide à la personne…alors que dans une exploitation de 80ha, les choses devraient être plus simple. Concernant les formations essentiellement agricoles comme le BTS APV (Agronomie productions végétales proposé au lycée du Breuil-sur-Couze) nous attendons la décision avec impatience car les stages sont adossés à la saisonnalité des travaux ; ce n’est pas en octobre que l’on fait le suivi des cultures ou que l’on réalise les ensilages !
Les parents d’élèves sont-ils prêts à laisser revenir leurs enfants en classe ?
Nous avons lancé une enquête auprès des familles afin d’évaluer le nombre d’élèves qui seront présents le jour de la reprise. Les parents ont en effet le choix d’envoyer ou non leurs enfants à l’école. Toutefois, si les élèves ne sont pas au rendez-vous, ils devront s’astreindre au suivi des cours à distance qui seront bien sûr maintenus. A travers ce questionnaire, nous souhaitons surtout sensibiliser les élèves qui sont en décrochage ou sans moyens informatiques ; nous leurs recommandons de revenir, c’est dans leur intérêt pour ne pas perdre pied. J’ajoute que dans le cas où nous n’aurions que 50% des élèves présents, nous sommes obligés d’anticiper et de tout mettre en place pour les accueillir.
Avez-vous une idée des conditions qui seront appliquées à la rentrée scolaire en septembre prochain ?
La seule chose que nous savons pour le moment c’est que le Covid ne s’arrêtera pas au 31/08 et que nous ne vivrons pas une rentrée scolaire traditionnelle ! Nous ne savons pas comment seront constituées nos classes.
Déjà, les portes ouvertes de nos établissements n’ont pas pu se dérouler comme d’habitude, in situ avec l’accueil des familles. Nos établissements restent fermés au public jusqu’au 2 juin donc impossible de tenter quoique ce soit avant. De nombreux établissement, notamment les lycées d’Ennezat et du Breuil, ont proposé des visites virtuelles de leurs établissements ainsi que des entretiens à distance.
L’impossibilité d’ouvrir nos portes aux élèves et à leurs familles est un véritable frein pour calibrer nos effectifs de rentrée. En effet, malgré le covid-19, le calendrier d’orientation post 3ème est maintenu. Cela nous oblige donc à communiquer le 12 juin à notre hiérarchie la liste des élèves ayant demandé une inscription dans nos établissements. Or dans les établissements privés avant toute inscription, nous devons recevoir les familles. Nous allons devoir le faire à distance, mais cela va prendre du temps ; et dans les circonstances actuelles nous craignons que les parents hésitent davantage à inscrire leurs enfants sur un autre établissement.
Il demeure donc une grande incertitude sur les effectifs de rentrée…Si nous n’avons pas rempli nos classes d’ici fin juin, cela va être très compliqué…
On navigue à vue. Nous devons faire preuve de prudence dans la communication mais ce qui est certain c’est que l’année scolaire 2020-2021 sera marquée par le covid-19. Les cursus scolaires n’auront pas été suivis dans leur intégralité en 2020 et bon nombre d’élèves auront certainement besoin de rattrapage dès la rentrée.
Ils témoignent aussi
A la MFR de Gelles, « la reprise ne se fera pas avant le 25 mai », explique Anne Raberin, directrice de l’établissement. « Nous attendons des instructions officielles. Notre préoccupation première est d’assurer la sécurité sanitaire des élèves et du personnel. Or à ce jour (ndlr : le 5 mai) aucun matériel de protection n’a été livré par nos tutelles régionale et le ministère de l’Agriculture. Les seuls masques dont nous disposons sont ceux que nous avons achetés nous-mêmes, précise la directrice. Les familles sont inquiètes, elles attendent des réponses précises que nous n’avons pas aujourd’hui ». Ainsi, sur l’internat qui fait partie de l’Adn des MFR, Anne Raberin ne sait pas pour le moment si elle pourra accueillir les jeunes. Pour la restauration, le casse-tête est total ; d’autant que le réfectoire est partagé avec les élèves de l’école primaire de Gelles. « Faudra-t-il procéder à la désinfection entre deux services ? Ou bien se retrancher sur des plateaux froids servis dans les classes ? ». Quant à la question des stages, la MFR de Gelles avait pris le parti de les stopper dès l’éclatement de la crise. « Nous attendons désormais des instructions pour savoir si nos élèves pourront repartir en stages ; instructions qui devraient être annoncées après le 11 mai. »
Au lycée public des Combrailles, à Saint-Gervais d’Auvergne, la question qui préoccupe la direction c’est le nombre d’élèves qui seront de retour le 2 juin. « La particularité du lycée est d’accueillir des jeunes venant des quatre coins de France, explique Cyril Bonnet, CPE. Avec l’interdiction de se déplacer au-delà de 100 km et celle des déplacements interrégionaux, nous risquons de nous retrouver avec très peu d’élèves, une dizaine seulement ! Et puis l’organisation de l’internat pose aussi problème : la consigne est de réserver un espace de 4m2 par élève alors que nos chambres sont configurées pour 4. » Comme bon nombre de ses collègues d’autres établissements, Cyril Bonnet regrette l’absence de directives précises notamment sur les stages. « On ne peut rien organiser pour le moment et n’avons pas de réponses claires à donner aux familles. Cela va bien sûr dépendre du type de stage, ceux concernant la vente en animalerie par exemple sont aujourd’hui impossibles. Les parents sont inquiets sur l’avenir scolaire de leurs enfants » indique le CPE. Face à cet imbroglio il reconnaît que l’établissement s’interroge sur « le maintien d’une reprise le 2 juin ou si on attend la rentrée de septembre… »